Jean Graven L'argot et le tatouage des criminels Histoire et Société d'aujourd'
Jean Graven L'argot et le tatouage des criminels Histoire et Société d'aujourd'hui Editions de la Baconnière — Neuchâtel L'argot, le jars — langue secrète des coquil- lards, des truands et des marlous ? Pourtant, tout le monde se pique de l'enten- dre ou de le parler. Villon s'en servait, Vidocq nous le dévoilait, Hugo s'en inspirait, Bruant le mettait à la mode, Rictus y voyait l'expres- sion du cœur populaire, Carco l'a employé avec art, et Cocteau en fait ses délices. Le roman policier, le film et le théâtre l'ont introduit dans le domaine public les diction- naires de la langue verte sont en grande faveur et Simonin nous a donné « le Littré de l'argot ». Le tatouage, la bouzille ou les fleurs de bagne — stigmate caché apparentant le criminel au sauvage primitif et féroce, attribut des assassins, des souteneurs et des disciplinaires des Bat. d'Af. ? Pourtant, les égyptiens et les hébreux, les chrétiens des Croisades et les pèlerins de N.D. de Lorette connaissaient le tatouage religieux, et le tatouage thérapeutique est toujours vivace en Afrique du Nord. En tout temps les femmes, océaniennes, japonaises, siamoises, arabes se sont fait tatouer par coquetterie, et les dames de la haute société anglaise ne l'ont pas dédaigné. Les armées romaines pratiquaient le tatouage d'identifi- cation, et les poilus dans la tranchée le tatouage patriotique et cocardier. Tous les marins du monde ont sur le bras ou la poitrine l'ancre, le voilier ou la sirène. L'aris- tocratie a cédé à cet usage, Henri IV était peut-être tatoué, un roi de Suède, de Dane- mark, d'Angleterre, un tsar de Russie l'ont été. Où donc est la vérité ? Comment expliquer ces curieux phénomènes contradictoires et les interpréter ? Que sont en réalité et que signifient l'argot et le tatouage ? Existe-t-il des «lois» de formation et de déformation, d'extension ou d'arrêt de ces manifestations dont les débuts de l'anthropologie criminelle faisaient le signe distinctif et honteux des hors-la-loi ? Pourquoi de nos jours l'argot tend-il à se généraliser en perdant son caractère, et le tatouage à disparaître ? Qu'apportent-ils aux curieux, aux lettres et à l'histoire, aux policiers et à la justice ? C'est ce que vous apprendra cette passion- nante étude de criminologie sociale qui nous conduit des légions romaines à la légion étrangère, de la Cour des miracles aux cours princières, des primitifs des îles Fidji aux forçats de Cayenne, au « milieu » du Sébasto et à la Santoche. Avec son réper- toire d'argot, véritable trésor de la langue populaire toujours renaissante, avec ses illustrations choisies, cette enquête « se lit comme un roman » et délasse en instruisant. L'auteur, à la fois écrivain et spécialiste des questions pénales, a voulu donner un plaisir à ceux qui lisent et une réponse technique à ceux qui désirent apprendre, sans rebuter les uns par l'érudition ni décevoir les autres par la pure fantaisie. Bibl. cant. U S Kantonsbibl. 1 0 1 0 0 3 4 9 7 5 TA 17830 L'ARGOT ET LE TATOUAGE DES CRIMINELS DU MÊME AUTEUR Fête des Vendanges, musique de Georges Haenni, Fœtisch, Lausanne, 1934. Images d'Espagne (Carnet de voyage, 1938), Montreux, 1942. Pays en fleurs (La symphonie valaisanne), Prix du Salon Romand du Livre, La Baconnière, Neuchâtel, 1941. Bréviaire du vigneron, préface de Maurice Zermatten, illustrations de Paul Monnier, Amacker, Sierre, 1943. Le péché contre les petits, traduction du roman de Cécile Lauber, préface de Charly Clerc, Attinger, Neuchâtel, 1934. Les Alpes, traduction du poème d'Albert de Haller, lithographies de Victor Surbeck, Ed. d'art A. Gonin, Lausanne, 1944. * Réhabilitation du capitaine Antoine Stockalper (pour le 300e anniversaire de son exécution), Mussler, Sion, 1927. Essai sur l'évolution du droit pénal valaisan jusqu'à l'invasion française de 1798, thèse, Genève, Prix Bellot 1927. Le procès criminel du roman de Renart, illustrations de Jean Lébédeff, Georg & Co., Genève, 1950. Montesquieu et le droit pénal (pour le bicentenaire de L'Esprit des Lois), Sirey, Paris, 1952. Beccaria et l'avènement du droit pénal moderne, Georg, Genève, 1948. Pellegrino Rossi, grand Européen (pour le 100e anniversaire de sa mort), Georg, Genève, 1949. Franz von Liszt et le nouveau droit pénal suisse (pour le 100e anniversaire de la naissance de Liszt), Sirey, Paris, 1951. * Nombreuses publications en matière de droit pénal suisse, de droit pénal com- paré et de droit pénal international, de droit médical, de droit pénitentiaire, de criminologie, de défense sociale et d'assurances sociales. JEAN GRAVEN L'ARGOT ET LE TATOUAGE DES CRIMINELS Etude de criminologie sociale HISTOIRE ET SOCIÉTÉ D'AUJOURD'HUI ÉDITIONS DE LA BACONNIÈRE - NEUCHÀTEL 7 / 7/. S30 OUVRAGE HONORÉ D'UN SUBSIDE DE PUBLICATION DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE GENEVE (FONDS PAUL MORIAUD) PUBLIÉ SOUS LES AUSPICES DU CENTRE INTERNATIONAL D'ÉTUDES CRIMINOLOGIQUES DE GENÈVE © 1962, LES ÉDITIONS DE LA BACONNIÈRE, NEUCHÂTEL (SUISSE) PREMIÈRE PARTIE L'ARGOT la mémoire de mon ami Francis CARGO de l'Académie Goncourt qui voulut bien me faire juge du Surprenant Procès d'un Bourreau et me dédier La Danse des Morts — En souvenir de liens qui remontent aux Mémoires d'une autre Vie 7. C CHAPITRE PREMIER LE JARGON DES ARGOTIERS, GUEUX ET COQUILLARDS On sait quelle importance César Lombroso, fondateur de l'anthropologie criminelle, dans son ouvrage célèbre sur « L'Homme criminel » attachait à l'argot pour la connaissance et même la reconnaissance ou l'identification des délinquants 1. Pour lui, tout délinquant réci- diviste faisant partie d'une bande, tout véri- table criminel d'habitude ou par tendance profonde (criminel-né) « se distingue par l'emploi d'une langue qui lui est propre et dans laquelle, tout en gardant intacts le type grammatical, les assonances générales et la syntaxe de l'idiome en usage dans son pays, il en change complètement le lexique ». Le dictionnaire définit en effet l'argot comme le « langage particulier aux malfaiteurs et à tous les individus qui ont un intérêt à se commu- niquer leurs pensées sans être compris de ceux qui les entourent » (Larousse), ou encore comme le « langage particulier aux vaga- 1 L'Homme criminel, Paris, Alcan, 2 e éd., 1895 vol. I, p. 473 et suiv. * Voir l'Introduction aux Eludes de philologie comparée sur l'argol, de Francisque MICHEL. Dans sa Vie étrange de l'argot, Emile CHAUTARD rappelle (p. 4) l'étymologie donnée dans la « Response et Complaincte au Grand Coesre sur le Jargon de l'argot réformé, avec un plaisant dialogue de deux mions par le Regnaudin Mollancheur en la Vergne de Miséricorde », composée « par un des plus chenastres argotiers de ce temps », Paris, 1630 : Son origine remonterait au commencement de «Troyes-La Grande » ; « puis elle fut gourdement aug- mentée du temps d'Athila (Attila), Dabusche des Goths », par les • mines et autres subtilitez que l'on nomma l'art des Goths, d'où est venu le nom d'Argotiers ». VERGY, commen- tateur du Dictionnaire étymologique de MÉNAGE (édition de 1750), pense, en ce qui concerne l'antique origine grecque de l'argot : « Pour moi, je suis convaincu que le mot argot vient du grec et qu'il a été fait d'après argos, qui signifie un fainéant qui mène une vie oisive, qui n'a ni travail, ni métier ; que de ce mot grec, qui convient si bien à cette sorte de gens, on a appelé argot le jargon qu'ils parlent entre eux.» Il est superflu de souligner le peu de sérieux de telles etymologies. * On sait que les gueux avaient un roi, des lois, des offi- ciers, une organisation et un langage particulier, l'argot, d'où le nom d'Argotiers qu'on leur a donné. Le roi prenait d'ordinaire le nom de Grand Coesre, quelquefois celui de roi de Thunes, «à cause d'un vaurien de ce nom, qui fut roi, trois ans de suite, sef aisant trainer par deux grands chiens dans une petite charrette, et mourut à Bordeaux sur la roue ». Chaque année, les « officiers » devaient rendre compte de leur charge, et le roi les faisait, selon les cas, punir en sa présence. bonds, aux mendiants, aux voleurs, et intelli- gible pour eux seuls» (Littré). L'origine en est obscure, mais la langue de l'argot ou aussi, au sens primitif, du jargon (gergo, en italien) devenu le jacque, puis aujourd'hui le jars, remonte haut. Elle a ses « lettres de noblesse » quoique à vrai dire assez crapuleuses. On a voulu faire venir le terme d'argüer, argoter. C'est probablement fantaisie de grammairien2. Le Duchat le dérive de Ragot, le « capitaine des Gueux », dans les Propos rustiques, de Noël du Fail ; d'autres, des « argotiers » sujets du « roi des Gueux », le Grand Coesre, chef des cagoux, archi-suppôts de l'argot, orphelins, marcan- diers, rifodés, malingreux et capons, piètres, polissons, francs-mitoux, calots, sabouleux, hubins, coquillarts et courteaux de boutanche, dont il recevait l'hommage et percevait le tribut en ses « états-généraux » 3. Quoi qu'il en Si lui-même avait mal gouverné, il était détrôné et remplacé. Pour être eligible, il fallait avoir été grand-officier, c'est- à-dire cagou ou archi-suppôt de l'argot, et « porter un bras, une jambe ou une cuisse uploads/Litterature/ argot-ciriminel 1 .pdf
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- Publié le Mar 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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