Marie Heurtin ou l'accès à la communication d'une sourde-muette-aveugle de nais
Marie Heurtin ou l'accès à la communication d'une sourde-muette-aveugle de naissance Extrait de l'ouvrage publié sous le titre Une âme en prison : histoire de l'éducation d'une aveugle-sourde-muette de naissance et ses Sœurs des deux Mondes par Louis ARNOULD Lauréat de l 'Académie Française, Docteur es Lettres Troisième édition, mise à jour et doublée 1904 "Préparer et interroger un aveugle-né n'eût point été une occupation indigne des talents réunis de Newton, Descartes, Locke et Leibniz." Diderot : Lettre sur les aveugles (édit. Assézat, 1. 314) Numérisation et introduction par Albocicade 2013 Introduction Le livre de Louis Arnould "Une âme en prison", devenu "Ames en prison", a été de nombreuses fois réédité en des versions régulièrement révisées et augmentées, au point qu'en 1942 paraissait une 26ème édition. Seule la troisième édition, datée de 1904, était (fort difficilement d'ailleurs) accessible sur internet, et encore uniquement aux "voyants", puisque aucune synthèse vocale, aucune plage braille ne sait lire les fichiers en pdf image. C'est pourquoi, tout en rendant par ailleurs cette édition de 1904 plus accessible dans sa forme "pdf image" sur internet, il nous a semblé que nous limiter à cela ne serait pas digne de l'esprit qui a animé les sœurs de Larnay d'une part et Louis Arnould d'autre part. Aussi avons-nous mis en format texte les pages 7 à 112, c'est-à-dire toute la première partie du livre, celle qui concerne directement Marie Heurtin et l'institution qui l'a accueillie. Les notes sont reportées en fin de chaque section. Ceux qui voudraient lire les pages 113 à 172, à savoir le "Catalogue méthodique des principaux sourds-muets-aveugles connus" ; les "Conclusions générales sur les sourds-muets aveugles" par M. G. Riemann, professeur royal de sourds-muets à Berlin et les "Premiers pas dans l'éducation des sourds-aveugles" par Miss Dora Donald surintendante de l'école des aveugles de South-Dakota (USA), ou avoir accès aux photos ,se reporteront au fichier pdf source que j'ai placé sur Archive (et intégralement indexé) à l'adresse suivante : https://archive.org/details/UneAmeEnPrisonArnould1904 Ajoutons que la petite sœur de Marie Heurtin, dont il est question dans les lettres, est - elle aussi - entrée à Larnay, sourde-muette-aveugle, en octobre 1910. Cette même année, le 8 avril, sœur Sainte-Marguerite décédait de congestion pulmonaire, âgée seulement de 50 ans. Marie Heurtin décédait le 22 juillet 1921, à 36 ans, des suites d'une rougeole. Enfin, Marthe Obrecht, après 57 ans passés à Larnay décédait le 20 janvier 1932, âgée de 65 ans. Quant à Louis Arnould, professeur de littérature française à l'université de Poitiers et auteur de "Une âme en prison", il décédait le 9 novembre 1949, âgé de 85 ans, ayant consacré presque 50 ans à faire connaître l'admirable travail humain et éducatif réalisé à Larnay. Sans doute reste-t-il encore des fautes de numérisation qui m'auront échappées… que l'on ne m'en tienne pas rigueur. Albocicade 2013 Table des matières En guise de préface : Lettre de M. Georges PICOT Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences Morales et Politiques Avant propos de Louis Arnould Ame en prison : l'apprentissage du langage par Marie Heurtin Progrès en 1903 Lettres et écrits divers de Marie Heurtin I. Lettre de Marie Heurtin à sa mère II. Lettre à madame L. III. Lettre à mesdemoiselles A. IV. Lettre à monsieur A. V. Voyage à Vertou VI. Description sur la poule couvant des œufs VII. En automobile VIII. Dieu Marie Heurtin en Europe (Etudes et articles parus) I. En Allemagne A. Supplément de la "Gazette d'Augsbourg" B. Le "Journal scolaire catholique de Bavière" C. "Ancien et Nouveau Monde" (M. Oscar Jacob). II. En Angleterre III. En Hollande IV. En France Marie Heurtin en Europe : 1903-1904 Une couronne civique à Larnay La perception de l'étendue chez Marie Heurtin L'éducation de Marthe Obrecht En guise de préface Lettre de M. Georges PICOT Secrétaire Perpétuel de l'Académie des Sciences Morales et Politiques A l'auteur Paris, 19 février 1903. Cher Monsieur, Je vous remercie vivement de m'avoir communiqué les épreuves de votre nouvelle édition. J'ai relu avec un intérêt croissant ce récit si simple qui nous fait assister à une résurrection. Une enfant de dix ans privée de l'ouïe, de la parole et de la vue, poussant des cris inarticulés, passant aux yeux de tous pour idiote et ne semblant avoir pour tout refuge qu'un asile d'aliénés — devenue en sept ans une jeune fille instruite, intelligente, capable de communiquer avec ses semblables, d'exprimer les sentiments les plus variés, de comprendre ce monde extérieur dont elle semblait exclue, d'aimer ses semblables, et enfin de concevoir l'idée de Dieu : voilà la transformation dont vous avez été témoin et que vous ne pouvez taire. Vous obéissez à un devoir : il n'est pas permis, aux témoins de taire les grandes découvertes, et, dans l'ordre de la science : philosophie, psychologie ou pédagogie, c'est bien d'une découverte qu'il s'agit. Vous avez eu raison de la traiter comme telle, de la soumettre à l'observation scientifique la plus précise, d'en relever tous les éléments, d'en marquer, comme en un procès-verbal, tous les progrès, de ne négliger aucune circonstance, de ne tenir aucun détail pour superflu, depuis le premier fil qui a rattaché une idée à un besoin, depuis le premier signe qui a établi une communication avec cette âme endormie jusqu'à cette multiplicité de gestes, de lecture et de langage qui, par le seul sens du toucher, ont rendu à cette intelligence de 17 ans l'activité, les relations et la vie. Quel sujet de réflexions, Monsieur ! et qu'il nous porte loin de ceux qui voyaient dans nos idées le résultat de nos sens ! En comparaison de la vue qui nous offre le spectacle du monde, de l'ouïe qui nous pénètre de la pensée extérieure, du langage qui fait de l'homme l'être sociable par excellence, qu'est-ce que le toucher ? N'est-ce pas un sens tout matériel ? Et cependant la force de l'étincelle intime qui est en nous est telle que ce sens tout animal peut s'éveiller, sentir, exprimer, et qu'il en peut jaillir toutes les formes de la pensée ! Je ne connais pas de preuve plus précise de la puissance de l'âme pensante. En s'échappant de prison, elle a apporté la démonstration de son existence. Mais que dire de l'œuvre de libération ? Peut-on mesurer ce qu'il a fallu de dévouement, de temps et de soins, d'efforts de toutes les heures pour faire pénétrer par bribes ces leçons où tout devait être improvisé, où chaque procédé était une création de l'imagination ? Je ne peux parvenir à détacher ma pensée de ce tête-à-tête de deux âmes, l'une emprisonnée dans une armure opaque et sourde, et cependant douée de vie, ayant la conscience de son impuissance, se débattant dans des crises de rage, et l'autre en plein épanouissement d'intelligence et d'amour, frappant doucement à cette porte fermée, essayant de l'entrouvrir, ne se décourageant jamais, employant des semaines et des mois à guetter les moindres signes de vie, se servant de chaque progrès pour en obtenir d'autres et parvenant enfin à délivrer cette pensée qui, sans elle, serait demeurée à jamais prisonnière ! A la vue de cette éclosion d'une âme, n'éprouve-t-on pas une douleur en pensant à toutes celles que des infirmités de même ordre maintiennent pour toujours emmurées ? Vous avez eu raison d'en vouloir dresser le lamentable catalogue : il marque la voie à suivre pour tous ceux qui veulent élever leurs devoirs à la mesure des souffrances humaines. Quelle reconnaissance et quelle admiration ne devons-nous pas éprouver pour ces libératrices d'âmes ! Vous décrivez, Monsieur, la scène la plus extraordinaire, lorsque vous parlez du sermon auquel vous avez assisté dans la chapelle de Larnay. "De la table de communion, le prêtre parlait aux aveugles. Une religieuse, montée sur une estrade et tournant le dos à l'orateur, mimait le discours pour les yeux des sourdes-muettes. Une autre Sœur articulait avec les lèvres pour les sourdes parlantes. Dans le bas de la chapelle, en deux endroits, des gestes étaient appliqués sur des mains : c'étaient les voisines de Marthe Obrecht et de Marie Heurtin, qui leur repassaient le sermon sur l'épiderme." Quoi de plus émouvant que de voir la parole humaine parvenir, en prenant toutes les formes, jusqu'à ces 250 âmes ! Et si la société idéale est celle où chaque individu est lié par le plus parfait amour, que penser de cette chapelle où chacune des infirmes, en sentant venir jusqu'à elle les paroles de foi et d'espérance, éprouve une filiale tendresse pour les religieuses qui lui ont rendu la faculté de comprendre ! Il y a des œuvres incomparables que le respect de la postérité a protégées contre les orages révolutionnaires. Les noms de saint Vincent de Paul, de l'abbé de l'Epée ont traversé les siècles. Les religieuses de Larnay, qui ne demandent qu'à être oubliées dans le couvent où, étrangères aux passions et aux tempêtes, elles affranchissent et rachètent les âmes, seront sauvées par les prières de leurs sourdes-muettes-aveugles et, il faut l'espérer, par la reconnaissance de ceux qui sauront, malgré elles, faire connaître leur uploads/Litterature/ marie-heurtin-1904-pdf 1 .pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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