i Université Paris III — Sorbonne Nouvelle UFR Littérature Générale et Comparée

i Université Paris III — Sorbonne Nouvelle UFR Littérature Générale et Comparée L’effet fantastique par Manon Malais Mémoire de Master 2 Sous la direction de Mme Sophie Rabau et Mme Anne-Isabelle François Année universitaire 2014-2015 ii iii Déclaration sur l’honneur Je, soussignée Manon MALAIS, déclare avoir rédigé ce travail sans aides extérieures ni sources autres que celles qui sont citées. Toutes les utilisations de textes préexistants, publiés ou non, y compris en version électronique, sont signalées comme telles. Ce travail n’a été soumis à aucun autre jury d’examen sous une forme identique ou similaire, que ce soit en France ou à l’étranger, à l’université ou dans une autre institution, par moi-même ou par autrui. iv Remerciements Je tiens à remercier Mme Sophie Rabau ainsi que Mme Anne-Isabelle François, pour leur aide et leur patience. Je remercie également Grégoire Provost, Cristina Fauste et mes parents pour m’avoir accompagnée durant cette année. v Table des matières Le spectre du genre : une introduction ............................................................. 1 I. Le fantastique est-il un genre ? .............................................................. 10 a. Ce que le fantastique n’est pas : définitions préliminaires .................... 10 La fantasy .................................................................................................... 11 Le merveilleux et l’étrange ......................................................................... 14 Le policier et son suspense .......................................................................... 15 L’absurde .................................................................................................... 16 Le mode ....................................................................................................... 17 b. Insuffisances du genre ........................................................................... 18 Critique de la thématisation ........................................................................ 19 Critique de l’hésitation ............................................................................... 21 Critique de la catégorisation ...................................................................... 27 c. Un problème de nature .......................................................................... 30 Le genre fantastique .................................................................................... 30 Le mode fantastique .................................................................................... 36 L’effet fantastique ....................................................................................... 38 II. Lecteur, personnage, narration ............................................................. 42 a. Actualisation de l’effet fantastique ....................................................... 43 Le plaisir de l’indétermination ................................................................... 43 Le doute et ses frayeurs ............................................................................... 47 Constructions en creux................................................................................ 49 vi b. Mise en place de l’effet fantastique ...................................................... 51 Le personnage ou le tigre ............................................................................ 52 Étude de cas : Ombre .................................................................................. 55 Résolution de l’allégorie ............................................................................. 64 c. Maintien de l’effet fantastique .............................................................. 67 Instants du fantastique ................................................................................ 67 Stratégie de la narration ............................................................................. 73 Étude de cas : « La Morte amoureuse » ..................................................... 75 III. Rapports aux réels .................................................................................. 79 a. Le fantastique, l’imaginaire, le réel ....................................................... 80 La transgression .......................................................................................... 80 Le surnaturel ............................................................................................... 83 L’effet de réel .............................................................................................. 87 b. Métatextualité du fantastique ................................................................ 90 Mise en question des thèmes ....................................................................... 90 Mise en question des stratégies narratives ................................................. 93 Mise en question du sens ............................................................................. 96 c. Au-delà de la littérature ......................................................................... 98 Conclusion........................................................................................................ 103 Bibliographie ................................................................................................... 107 1 Le spectre du genre : une introduction Le fantastique littéraire, à plus d’un titre, est une histoire de fantômes. Impossible de l’enfermer dans une définition bien nette—en bon spectre, il traversera les murs. Qu’on tente de le fixer bien en face, et il disparaît ; qu’on tente de l’ignorer, et il revient hanter les marges de la réflexion. On ressent parfois sa présence sans qu’il daigne jamais se montrer. Certains lecteurs y sont plus sensibles que d’autres. Certains affirment tout bonnement qu’il n’existe pas. Il fait parler de lui, sans que l’on ne tire jamais de conclusions définitives ; et à l’instant où on l’expose, il s’évanouit. Certes, il n’est pas le seul à poser le problème de l’indétermination. De fait, il n’est que peu ou point de genre littéraire dont les règles soient gravées dans le marbre. La netteté est affaire de sciences ; la littérature se complaît dans les questionnements sans fin, et la redéfinition est sa seule constante. L’ancienneté n’y fait rien — la poésie et le théâtre n’y échappent pas davantage que l’héroïc-fantasy et le steampunk. Cependant, le fantastique mérite un examen plus approfondi dans la mesure où sa qualité de genre semble poser problème en soi. Avant que d’essayer de définir enfin le genre fantastique, il s’agit de se demander si le terme de « genre » lui correspond vraiment. Le premier problème auquel l’on se heurte ici est la question du genre en soi, lui- même objet de questionnements et de redéfinitions presque constants. Les genres, dans leur acception la plus commune, offrent […] des outils d’organisation de la production littéraire. […] Le public des lecteurs, le monde de l’édition, celui de l’enseignement s’accordent à maintenir quatre grandes régions — roman, poésie, théâtre, essai — et à y trouver des repères minimaux pour s’orienter dans l’espace littéraire.1 1 Macé, Marielle. Le genre littéraire. Paris: Flammarion, 2004, p. 13-14. 2 Il est difficile d’y voir clair dans la subdivision des genres en-deçà de ces « quatre grandes régions » dont parle Macé, dans la mesure où, comme elle le remarque elle- même, « les fonctions des genres sont […] très vastes : esthétique, herméneutique, cognitive, affective, politique… ils embrassent la totalité de l’expérience esthétique, dont ils désignent la part de généralité.2 » Le genre ne se définit jamais comme une catégorisation d’un aspect unique du texte, si bien que la frontière entre le genre et le mouvement littéraire, par exemple, n’est jamais très nettement définie. Inutile également d’espérer définir avec précision où commence et où s’arrête le rôle taxinomique du genre. « Tout trait esthétique est en fait susceptible de devenir un trait de genre, une fois répété, varié, intégré à un ensemble signifiant.3 » Sans nul doute plus complexe que la simple catégorie, le genre est cet « instrument essentiel [qui] sert tout à la fois l’identification, la description, l’évaluation, la canonisation, la taxinomie. »4 Cependant, ce rôle de classification, quelles que soient les subtilités qu’on lui attribue par ailleurs, demeure une constante dans la définition du genre. « Crible fondamental de la lecture5 », le genre se veut l’outil de la délimitation entre des « ensembles signifiants » d’œuvres littéraires. Or, le fantastique ne trouve pas du tout sa place dans ces efforts de taxinomie. Cette insuffisance se reflète dans les études que l’on conduit à son sujet : si la plupart de ses commentateurs le qualifient bel et bien de « genre » (parmi eux Todorov, Vax, Caillois, Grivel, Mellier, Bouvet, Bessière, pour ne citer qu’eux) certains l’appellent également « effet » (Fabre, Trousson, Poe, et à nouveau Todorov, Bouvet et Bessière). Le terme « mode » revient également à plusieurs reprises, principalement chez les commentateurs anglo-saxons (Jameson, Jackson, Brooke-Rose.) Plus soucieux de définir l’objet du fantastique plutôt que le fantastique lui-même, la plupart des commentateurs utilisent en fait indifféremment tel ou tel terme, en le considérant comme acquis, sans trop s’interroger sur sa pertinence. Bien souvent, ils basent leur définition du fantastique sur un corpus choisi justement parce qu’il se conforme à leur vision. Cependant, nulle définition générale n’émerge jamais de ces travaux incessants ; dès lors, il pourrait être 2 Ibid., p. 15. 3 Ibid., p. 22. 4 Ibid., p. 26. 5 Ibid., p. 21. 3 utile de se pencher sur les raisons de cette confusion, si l’on veut cesser d’entamer (ou d’achever) chaque ouvrage sur le fantastique par une réflexion mélancolique sur l’impossibilité de sa définition. Un facteur qu’il s’agit de prendre en compte est celui de la confrontation entre deux grands courants de pensée sur le fantastique : le français et l’anglo-saxon. Là où le premier se réclame du romantisme allemand et de Todorov, le second s’affilie au gothique anglais et à Poe, voire plus tard à Lovecraft. C’est sans compter la vague latino- américaine du XXe siècle (Borges et Cortázar en tête) et celle, croissante, de la fantasy au XXIe siècle, qui n’ont fait qu’ajouter à la confusion. Le fantastique est encore plus mal défini historiquement que théoriquement, phénomène de bric et de broc issu des quatre coins du globe, au carrefour de toutes sortes d’influences trop anciennes ou trop neuves. Quoiqu’elles ne facilitent pas la tâche du théoricien, ces origines multiples ne sont en fait pas un vrai problème. Le fantastique est loin d’être le seul genre — puisque nous l’appelons encore genre — dans ce cas ; mais il est certainement le seul à être né indéfini. Nous voulons prendre pour preuve les travaux des trois principaux théoriciens du fantastique avant Todorov : Louis Vax, Pierre-Georges Castex et Roger Caillois. Ces pionniers du genre hésitent à le définir franchement comme tel — dès l’origine, la confusion de nature était présente — et admettent avec une candeur socratique que ce qu’ils savent, c’est qu’ils ne savent rien. Louis Vax l’affirme : « Définir le fantastique, […] c’est parcourir le chemin sinueux de l’enquête, affronter le risque du choix.6 » Et donc le risque de l’erreur. La tâche du théoricien est ici, ouvertement, d’inventer le fantastique plutôt que de le commenter. Castex, dans un effort de justesse, choisit d’inscrire le fantastique dans une évolution très fermement liée à l’Histoire — et à l’Histoire française ; par conséquent, il en fait un descendant du genre merveilleux sans dénoncer entre eux de différence de nature. Il se tient ainsi à mi-chemin entre le récit féerique qui brave la vraisemblance et le récit réaliste qui écarte le mystère, ou plutôt il concilie par son ingéniosité deux formes opposées d’imagination et donne une existence littéraire à ce genre mixte, 6 Vax, Louis. La uploads/Litterature/ memoire-2015-l-x27-effet-fantastique-malais.pdf

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