Université de Nantes U.F.R. LETTRES ET LANGAGES DEPARTEMENT DES SCIENCES DU LAN
Université de Nantes U.F.R. LETTRES ET LANGAGES DEPARTEMENT DES SCIENCES DU LANGAGE Conditions métaphoriques Le cas du verbe sentir (Mémoire master 2) MASTER 2, spécialité : Sciences du langage Réalisé par : DOROS Diana Coordinateurs: Catherine Collin Orin Percus 47 2011 47 I INTRODUCTION NTRODUCTION « Toute langue est un cimetière de métaphores mortes, dont seuls quelques érudits ou amoureux de la langue possèdent la clef. »1 Nous pensons par la métaphore, elle est omniprésente, toutefois le dévoilement de son mécanisme et de son originalité devient aussi illusoire que le désir d'Orphée pour Eurydice. Cette espèce de mystère qui est la métaphore nous tient à son égard depuis des siècles; l’intérêt reste inépuisable, même in crescendo du fait que l’approche de sa consistance fuit sans cesse dans d'autres coins inconnus. Un nombre imposant de recherches dans de différents domaines (sociologie, philosophie, rhétorique) se sont interrogés sur le mécanisme du sens métaphorique en termes de: transfert de sens, analogie, comparaison cachée, homonymie faible, etc. Cependant la question comment obtient-t-on un nouveau concept d’une forme déjà assimilée reste actuelle. Pourquoi les expressions du type : « le pied de table », « arbre généalogique » «je me suis fait une queue de cheval » bien qu’elles ne visent pas un véritable pied, arbre ou une véritable queue ne sont plus perçues comme des métaphores, alors que « bleu angélus » (Mallarmé), « fleurs de rêve » (Rimbaud), « la discussion est la guerre » (Lakoff) restent des métaphores vivantes? Existe-il une base stable (un sens propre) et un entourage (un contexte précis) qui favorise la métaphore? Quelles conditions sont nécessaires pour que, par exemple, la phrase Max est un bébé soit perçue métaphoriquement? S-agit-t-il d’un transfert de sens, d’un décalage ou d’une norme? La plupart des études plus anciens (Aristote,U.Eco, Recanati, Pierce) traitent la 1 Molino Jean, Solblin F., Tamine Joëlle. Présentation: Problèmes de la métaphore. In : Langages, 12eme année, n 54...La métaphore.,pp.6 47 métaphore comme une dérivation d'un sens primaire autour duquel s'organisent les sens métaphoriques ou figurés. A la base de ces études le sens du mot est pris en tant qu’une entité indivisible et objective. Cependant, cette démarche a suscité une impossibilité de déterminer un sens primaire et donc par conséquence cela pose problème pour délimiter les sens métaphoriques. De plus, la métaphore a été longtemps perçue comme « un déguisement », une décoration du langage naturel de manière que tout décalage de sens tenait d'ordre poétique et non-réel. Les études actuelles, en particulier Lakoff et Johnson relèvent que la métaphore fait partie d'une démarche naturelle que nous utilisons dans la vie de tous les jours et qui souvent sert comme seul moyen d'apprentissage. Le problème se pose alors de savoir: existe-t-il un langage naturel et un langage métaphorique, et si oui alors comment les différencie-t-on? Dans la recherche de Houda Ounis « Coup de foudre. Étude linguistique d'une métaphore » la question « qu'est-ce que c'est une métaphore », amène à des vastes discussions car, « selon les dictionnaires, qui mélange à la fois au fig. (sens figuré), par ext. (par extension), pop. (populaire), métaph. (métaphore), on ne peut pas déterminer si l'étiquetage « métaphore » porte sur le mot en soi ou sur la valeur qu'il prend en discours. On ne peut pas non plus se fier à la définition qui ferait de la métaphore une valeur « abstraite » prise par un mot d'abord vu comme «concret»2. Ces divergences de définitions nous ont amené à nous rendre compte, dans un premier temps, du parcours historique de la métaphore qui met en évidence les limites des certaines théories et argumente le choix de notre approche. La première partie de notre recherche est censée établir donc le concept que nous adopterons, la terminologie utilisée et l’argumentation d’une telle démarche suite à l’analyse de dictionnaires. Nous nous concentrerons, dans un deuxième temps, sur l’influence du 2Houda Ounis « Coup de foudre. Étude linguistique d'une métaphore 47 contexte dans le processus métaphorique et les différentes conditions ou contraintes que celui- là impose. Nous avons choisi le cas du verbe « sentir » et nous nous sommes proposé d’extraire certaines régularités que le contexte suscite au changement du sens. En suivant la théorie de Kleiber, qui s’oriente de la sémantique de la métaphore vers la pragmatique de la métaphore, nous nous focaliserons sur les valeurs du mot dans le discours. La problématique consiste à s’interroger d'une façon régulière pourquoi Je sens une bosse renvoie au sens de toucher, je sens la ciboulette dans la salade renvoie au goût, et je sens qu'il va pleuvoir renvoie à l'intuition? Est-ce que ces valeurs sont imputables qu'aux termes qui environnent ou à certaines contraintes imposées par la structure sémantique de sentir aussi? Pourquoi en absence d'autres termes Je sens X renvoie plutôt à l'odeur et dans quels cas cette odeur est perçue ou dégagée? Et enfin, quelles contraintes s'imposent pour que la séquence Ça sent la musique soit moins naturelle que Ça sent la musique de marché? A partir de cette théorie notre étude à comme objectif de vérifier d'abord sur une série d'exemples quelle est l'influence contextuelle au changement de sens et schématiser ensuite les traits sémantiques du verbe sentir et leur activation dans des différentes conditions. Nous avons divisé cette démarche dans trois étapes: 1. Comparer les phrases qui contiennent sentir avec les synonymes de ce verbe. Le but est de récapituler certaines propriétés d'usage de sentir et argumenter l’absence de ces propriétés à ses synonymes. 2. Regrouper les phrases avec une construction similaire et capter la condition contextuelle qui change le sens de sentir d’une façon systématique. 3. Relier d’un coté les propriétés d’usage et d’un autre coté les conditions contextuelles dans un schéma récapitulatif. 47 Pour récapituler et vérifier nos hypothèses nous allons proposer une expérience qui consiste à remplacer le verbe sentir ôté auparavant dans des différentes phrases, par un des ses homologues convenables contextuellement. Cette démarche nous permettra de rendre compte de certains traits communs entre le verbe susceptible d’être remplacé et le verbe sentir ainsi que de conquérir l'emploi inhabituel de sentir et les valeurs invoquées. Par exemple, si on remplace le verbe sentir dans la phrase: Tout dans cette maison sent la richesse et le luxe avec d’autres synonymes on constate systématiquement une perte ou un décalage. Nous proposons donc une approche qui ne reste pas centrée sur la distinction entre le propre et le figuré mais qui s’intéresse plutôt au discours et aux valeurs sémantiques activés par le contexte. Suite à cette étude les propriétés métaphoriques du verbe sentir se justifient par la primauté d'interprétation et par les propriétés d’usage imposées contextuellement. Cette étude espère bien contribuer non pas à la compréhension totale du sujet ou à son épuisement mais à nous faire sentir comment la métaphorologie inspire notre pensée et notre vie. 47 CHAPITRE I CHAPITRE I V VERS ERS UNE UNE APPROCHE APPROCHE SCHÉMATISÉ SCHÉMATISÉ DE DE LA LA MÉTAPHORE MÉTAPHORE Dans le cas d'une métaphore le premier problème se pose toujours à partir de la définition et de l'identification. Face à cette question les dictionnaires nous conduisent plutôt à une polyphonie d'interprétations, d'où l'ambiguïté entre sens propre et sens figuré. De même, la définition de TLF semble très explicite: « c 'est une figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme qui, en langue, en signifie une autre, en vertu d'une analogie entre les deux entités rapprochées et finalement fondues », par exemple: Jean est un loup , « loup » ne peut pas avoir le sens de « mammifère carnassier qui a un pelage jaunâtre, mêlé de noir avec un museau effilé »- c'est donc une autre acception de loup qui rendra l'affirmation acceptable. Cependant cette définition est beaucoup trop large, car ce principe d'accommodation du sens des mots les uns par rapport aux autres vaut pour n'importe quel énoncé: salade dans assaisonner la salade n'est pas non plus compris, du fait de son occurrence avec assaisonner, de la même façon que salade dans semer de la salade qui évoque une autre entité conceptuelle de par son association avec semer. D’autres tentatives de définitions provoquent aussi à une étape donnée des limites d’application. Dans l’analyse de Charbonnel, (1999:73) nous trouvons : « [Toute réalisation métaphorique] consiste simplement dans la sélection de sèmes communs aux deux sémèmes mis en comparaison. » Cette définition nécessite que chaque mot soit composé d’un enchaînement stable et limité de sèmes. Alors que, nous le verrons dans l’analyse de dictionnaires, ce n’est pas le cas. Sans s’arrêter sur toutes les définitions et les théories 47 existantes nous présenterons ci-dessous un court parcours historique des principales directions de la métaphore en argumentant notre choix pour une théorie intégrative. 1.1 Parcours historique de la métaphore 1. Les théories classiques (Dumarsais, Fontanier Recanati, Cadiot) Étymologiquement la métaphore renvoie à l’idée de « transport »; Aristote la concevait comme le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre. Dans toutes les théories uploads/Litterature/ memoire-soutenance.pdf
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- Publié le Jui 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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