Article publié sur http://www.info-metaphore.com La Métaphore entre Ricœur et D

Article publié sur http://www.info-metaphore.com La Métaphore entre Ricœur et Derrida Plan I- Introduction. II- La métaphore selon Ricœur. III- La métaphore selon Derrida. IV- La métaphore entre Ricœur et Derrida. IV- Conclusion. I- Introduction : L’interrogation philosophique sur la métaphore commence dès l’antiquité, en particulier dans les textes d’Aristote. Ces écrits fixent pour les siècles à venir, un certain nombre de cadre qu’il sera fort difficile, à l’époque contemporaine, de briser. En premier lieu, la métaphore relève du style, qui correspond à la partie de la Rhétorique, l’art de persuader. Pour Aristote, parler en métaphore c’est, de façon un peu étrange, parler clairement. La métaphore, dans ce sens n’est pas ornementale. La tradition rhétorique se démarquera, sur ce point, de sa pensée. Elle reprendra cependant la notion de déplacement, du transfert de sens qu’utilise Aristote : jusqu’à l’époque contemporaine, la définition de la métaphore comme l’attribution d’un sens nouveau à un mot isolé en le projetant hors de sa sphère conceptuelle d’origine figurera dans bien des traités sur les tropes. C’est un rapport d’analogie entre le sens usuel du mot et son sens métaphorique qui rend possible, d’après Aristote, le transfert de signification. Ricœur1, quant à lui, héritera de cette tradition. Pour lui, il s’agit d’une analogie « d’attribution » qui permet à l’être de « ressembler » au divin. De la focalisation sur le mot métaphorique à la recherche du sens dans l’œuvre entière, la métaphore demeure rebelle à la compréhension. Elle est cette expression que la raison n’appréhende pas, mais qui reflète une dimension ontologique de l’être. C’est elle-même qui exprime le métaphysique. Plus encore, à chaque fois que la métaphysique se révèle, elle le fait par langage métaphorique, quitte à ce que la raison achève le travail de l’interprétation. Dans cette perspective, la métaphore secoue la raison et la guide afin de retrouver le semblable, voire l’analogue qui unit l’être au divin. 1 Dans notre travail-ci sur Ricœur nous nous référerons sur son ouvrage « La Métaphore vive », Ed. Seuil, Paris, 1975. 1 L'auteur de ce texte est F. Calargé Article publié sur http://www.info-metaphore.com Bien métaphoriser c’est « voir comme », c’est « voir le semblable » malgré la différence conceptuelle. Toute la doctrine ricœurienne de la métaphore réside dans la copule. Le « est » de la copule est celui de l’équivalence. Il fait participer deux êtres, l’un à l’autre, du fait de leur ressemblance. Il unifie l’équivoque et « focalise » sur l’analogie au sein du « cadre » général. Il demeure inépuisable. Il est également un « n’est pas ». Il rend l’interprétation littérale ambiguë, mais offre au lecteur un monde nouveau, fertile à toute hermeneia. Alors que pour Derrida, la métaphore consiste en un double effacement. Les mots signifient le sens second qui leur est appliqué, alors que leur référent initial est sensible, matériel. Dans cette perspective, il s’agit plutôt de « métaphoriser la métaphore ». La signification se révèle par un détour étymologique qui vise l’origine. Elle n’est donc ni tout à fait métaphore, ni tout à fait concept, mais le lien intime et tendu qui maintient cette dialectique. Disons-le en termes plus clairs, quand la raison est incapable de s’exprimer en concept, ou de mener un discours philosophique sur la métaphysique, la métaphore, quant à elle, fait appel à la rhétorique. Dans cet essai, nous tenterons d’exposer la théorie ricœurienne de la métaphore. Nous tâcherons de voir en quoi consiste, au juste, la métaphore ? Et quel serait le rôle de l’herméneutique dans l’étude de cette problématique ? Cependant, un retour aux origines des significations des mots s’avère nécessaire. D’où le recours à Derrida. Nous verrons pourquoi, selon lui, la métaphysique relève de la métaphore. Et comment il envisage la dialectique entre propre et figuré. Enfin la troisième partie serait une tentative de rapprochement aussi bien que de démarcation entre les deux philosophes. Peut-être ne serions-nous capables que de métaphoriser leur philosophie. II- La métaphore selon Ricœur : Pour commencer, disons que la tâche déjà primitive, et toujours recherchée, de la parole est de persuader et « d’influencer ». Le mérite revient à Empédocle qui l’a inventée. Toutefois, cette maîtrise de la langue ne va pas sans opposition. Car bien qu’elle soit l’art de parler, elle n’est en vérité qu’ornement et « pure délectation ». Nous devons à Aristote d’avoir tranché la problématique entre le persuasif et le logique du vraisemblable, sur laquelle il bâtira le concept de la rhétorique philosophique. Cependant, ce qui nous concerne, c’est que Aristote, étend le concept de la métaphore non seulement sur le champ de la rhétorique mais également sur celui de la poétique. Cette dernière se différencie de la première en étant l’art de composer des poèmes notamment tragiques, alors que la rhétorique se caractérise par sa 2 L'auteur de ce texte est F. Calargé Article publié sur http://www.info-metaphore.com position « défensive » du discours et de son éloquence. Pour Aristote, la métaphore revêt une seule structure, mais deux fonctions : celle dite rhétorique et celle dite poétique. La métaphore, aussi bien pour la rhétorique que pour la poétique, est : « le transport à une chose d’un nom qui en désigne une autre, transport ou du genre à l’espèce, ou de l’espèce au genre, ou de l’espèce à l’espèce ou d’après le rapport de l’analogie ». Cependant, Aristote diffère entre les « modes de l’élocution » (interrogation, réponse,…) et ses « parties » (syllabe, lettre,…) ; ces dernières étant les constituants de l’élocution. D’où résulte le tronc commun entre la métaphore et les parties de l’élocution, à savoir le « nom ». Aristote entend par nom, non seulement le mot formé de plusieurs lettres, mais également le verbe et le logos (la locution). Dorénavant, la métaphore puisera son sens non pas de la totalité du discours mais seulement du nom. Ce dernier se compose de lettres et de syllabes, à partir desquelles il se définit comme « complexe doté de signification ». En effet, la métaphore « est quelque chose qui arrive au nom ». Elle est, de fait, une figure de mot, un trope. Ce trait que la métaphore revêt orientera la théorie de la métaphore, à bon ou à mauvais gré, pour des siècles. Ensuite, la métaphore est « définie en termes de mouvement ». Cette dernière consiste en un déplacement de… vers… Dès lors, le sens est affecté, il n’est plus le même. D’ailleurs, comme son nom l’indique, la phora est un genre de changement, « un changement selon le lieu ». Aristote dira qu’il s’agit de transposition. Cependant, dire transposition, c’est admettre, que l’on doit avoir recours : à un emprunt qui permet d’exprimer le sens voulu ; à un sens emprunté qui s’oppose au sens premier, littéral ; à une métaphore qui comble un certain vide sémantique ; et enfin « que le mot emprunté tien[ne] lieu du mot propre si celui-ci existe ». Encore plus, la métaphore est « la transposition d’un nom étranger, c’est-à-dire qui désigne autre chose ». En d’autres termes, cette caractéristique de la métaphore implique à la fois une notion d’écart du sens propre (d’où le recours à un sens figuré), et une idée d’emprunt qui sert à définir l’origine de la métaphore. Une remarque est à signaler. L’emprunt est intimement lié à l’idée de la substitution (substituer un mot à un autre mot absent). Dans cette perspective, la métaphore devient doublement étrangère : par emprunt d’un mot présent et par substitution d’un mot absent. Enfin, cette problématique de définition, nous mène nécessairement à établir une certaine « typologie » de la métaphore. Trois hypothèses se présentent : d’abord, dire qu’il y a déplacement, c’est dire que la métaphore ne se borne plus au mot, mais à la paire des mots qui la constitue. Surtout si nous revenons à la définition aristotélicienne, entre les relations du genre, d’espèce et d’analogie, dans ce cas, il faut considérer le rapport des relations. Ensuite, il faut voir dans la métaphore un sens nouveau. Elle détruit un sens pour en rétablir un autre neuf. Dans ce sens, elle est informative, 3 L'auteur de ce texte est F. Calargé Article publié sur http://www.info-metaphore.com justement parce qu’elle re-décrit la réalité. Enfin, la métaphore dans sa fonction heuristique entraîne une certaine classification. Elle n’est plus produite par le langage mais elle le produit, elle devient une dynamique en ce sens qu’il s’agit de « bien métaphoriser », donc de bien apercevoir les ressemblances. Cela dit, différence entre la métaphore et la comparaison est à souligner. Cette dernière étant une opération simple, elle prend place entre deux termes. Ricœur dira qu’elle est une métaphore développée. Toute sa différence de la métaphore réside dans le « comme ». La métaphore, quant à elle, se place, selon le principe d’analogie, entre deux rapports et quatre termes ; elle est donc complexe. Cependant, un trait commun, remarque Ricœur, relie la comparaison à la métaphore, c’est que toutes les deux soulignent une même identité, une ressemblance identique dans la différence de deux termes. Dès uploads/Litterature/ metaphore-entre-ricoeur-et-derrida.pdf

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