PHILOSOPHIE A NTIQUE P roblèmes, R enaissances, Usages Numéro 8 2008 Les sophis

PHILOSOPHIE A NTIQUE P roblèmes, R enaissances, Usages Numéro 8 2008 Les sophistes anciens Revue publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici Presses Universitaires du Septentrion ru e d u Barreau - BP 199 - 59650 V illeneu v e d ’A scq internet : w w w .sep tentrion.com Publié avec le soutien du Conseil Régional Nord/Pas-de-Calais © P resses U niv ersitaires d u Sep tentrion, 2008 www.septentrion.com En application de la loi du 1er juillet 1992 relative au code de la propriété intellectuelle, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie. (20, rue des Grands Augustins - 75006 Paris) ISBN 978-2-7574-0076-0 ISSN 1634-4561 Livre imprimé en France Table des matières Jean-François PRADEAU Présentation .............................................................................................................5 Jean-Marie BERTRAND Réflexions sur la doctrine d’Antiphon, la révolution des Quatre Cents et la tyrannie des Trente ...........................................7 Michael GAGARIN Protagoras et l’art de la parole................................................................................23 Arnaud MACÉ Un monde sans pitié : Platon à l’école de Thrasymaque de Chalcédoine..................33 Mauro BONAZZI Thrasymaque, la polis et les dieux........................................................................61 Louis-André DORION Héraclès entre Prodicos et Xénophon......................................................................85 Michel NARCY La sophistique, une manière de vivre ? .................................................................115 Varia Jean-Baptiste GOURINAT « Le Platon de Panétius » : à propos d’un témoignage inédit de Galien ................139 Fulcran TEISSERENC Platon a-t-il distingué différents emplois du verbe « être » ? Note sur un passage controversé du Sophiste (255c-d)........................................153 Vladimír MIKEŠ Le paraoxe stoïcien : l’action déterminée et la responsabilité..................................189 Voula TSOUNA Le livre de Philodème Sur la colère....................................................................215 Comptes rendus T. Penner & C.J. Rowe, Plato’s Lysis (L. Pitteloud)................................................259 X. Ibáñez-Puig, Lectura del «Teetet» de Plató : Saviesa et prudència en el tribunal del saber (J. Monserrat-Molas) ...................................................................................................262 U. Zilioli, Protagoras and the Challenge of Relativism. Plato’s Subtlest Enemy (M.-A. Gavray) .............................................................................................................267 C. Viano, La Matière des choses. Le Livre IV des Météorologiques d'Aristote et son inter- prétation par Olympiodore (J. Groisard) ........................................................................270 R. Bodéüs, Le véritable politique et ses vertus selon Aristote. Recueil d’études (C.J. Rowe) ....................................................................................................................274 G. Aubry, Dieu sans la puissance : dunamis et energeia chez Aristote et chez Plotin (D. Lefebvre).................................................................................................................278 T. Brennan, The Stoic Life : Emotions, Duties, and Fate (V. Mikeš) .........................282 I. Ramelli, Anneo Cornuto, Compendio di teologia greca (J.-B. Gourinat)....................286 A. Zangara, Voir l’histoire : Théories anciennes du récit historique. IIe siècle avant J.-C.–IIe siècle après J.-C. (J. Dross) ............................................................................................289 A. Linguiti, Plotin, Traité 36 (I, 5) (I. Koch)..............................................................293 E.K. Emilsson, Plotinus on Intellect (W. Kühn) ........................................................295 M. Perkams & R.M. Piccione (éd.), Proklos. Methode, Seelenlehre, Metaphysik (G. Van Riel) ................................................................................................................299 M. Ferré, Martianus Capella, Les Noces de Philologie et de Mercure, Livre IV : la dia- lectique (J.-B. Guillaumin) ............................................................................................302 Bulletin bibliographique.........................................................................................307 Philosophie antique, n° 8 (2008), 115-135 LA SOPHISTIQUE, UNE MANIÈRE DE VIVRE ? Michel NARCY Centre Jean Pépin, CNRS, Villejuif RÉSUMÉ. Le point de départ de cet article est la question de savoir quel con- tenu donner à la prohairesis tou biou qui distingue, selon Aristote (Metaph. G, 2, 1004b24-25), la philosophie de la sophistique. Après avoir montré qu’il s’agit du stéréotype conjuguant la définition platonicienne du sophiste comme fabricant de simulacres et la pratique censée être propre aux sophistes, de faire payer leurs leçons, on se demande si, pourquoi et à quelles conditions la pratique et l’ensei- gnement de la philosophie par Socrate et ses successeurs échappaient à cette double caractérisation. SUMMARY. In Metaph. G, 2, 1004b24-25, Aristotle states that the difference between philosophy and sophistics is their prohairesis tou biou : what does really mean this state- ment ? I hold that it refers to nothing else than the stereotype which combines the Platonic definition of the Sophist as a semblance-maker with the practice of teaching for pay that was supposed to be specific to the Sophists. Thus I question whether, why and under which condi- tions Socrates and his followers succeeded in philosophizing and teaching philosophy without being characterized in the same way. Philosophie antique, n° 8 (2008), 115-135 I Dans un passage fameux de la Métaphysique (G, 2, 1004b24-25), Aris- tote écrit que la philosophie se distingue de la sophistique par la pro- hairesis tou biou, le choix du mode de vie. Formule bien faite pour confor- ter ceux qui, à la suite de Pierre Hadot, tiennent que « la philosophie antique est avant tout une manière de vivre »1. En quoi consiste, cepen- dant, cette manière de vivre et en quoi s’en distingue celle dont la sophis- tique fait le choix, Aristote ne le dit pas, du moins en cet endroit et, à vrai dire, on doit même se demander quelle est l’incidence, sur la ques- tion débattue en cet endroit, d’une différence de choix de vie entre philo- sophie et sophistique. L’objectif du passage n’est en effet pas du tout de démontrer, comme par exemple au livre X de l’Éthique à Nicomaque, l’excellence d’une vie consacrée à la theoria, mais d’attester que la science de l’être en tant qu’être appartient bien en propre à la philosophie. De façon assez paradoxale, ce sont les dialecticiens et les sophistes qui se voient appelés à en témoigner, et c’est dans ce contexte qu’est invoquée de façon quelque peu inopinée une différence de choix de vie entre philosophie et sophistique : Tw'/ o[nti h|/ o]n e[sti tina; i[dia, kai; tau't∆ ejsti; peri; w|n tou' filo- sovfou ejpiskevyasqai to; ajlhqev". Shmei'on dev: oiJ ga;r dialektikoi; kai; sofistai; to; aujto; me;n uJpoduvontai sch'ma tw'/ filosovfw/: hJ ga;r sofistikh; fainomevnh movnon sofiva ejstiv, kai; oiJ dialektikoi; dia- levgontai peri; aJpavntwn, koino;n de; pa'si to; o[n ejstin: dialevgontai de; peri; touvtwn dh'lon o{ti dia; to; th'" filosofiva" ei\nai aujta; oij- kei'a. Peri; me;n ga;r to; aujto; gevno" strevfetai hJ sofistikh; kai; hJ dialektikh; th/' filosofiva/, ajlla; diafevrei th'" me;n tw'/ trovpw/ th'" dunavmew", th'" de; tou' bivou th'/ proairevsei: e[sti de; hJ dialektikh; peirastikh; peri; w|n hJ filosofiva gnwristikhv, hJ de; sofistikh; fai- nomevnh, ou\sa d∆ ou[. 1. Hadot 2002, p. 296. La phrase est extraite de « La philosophie comme manière de vivre », publié pour la première fois dans l’Annuaire du Collège de France, 1984-1985, p. 477- 487. Michel Narcy 118 À l’être en tant qu’être appartiennent certaines propriétés, et c’est à leur sujet qu’il appartient au philosophe d’examiner le vrai. Il y en a une preuve : dialecticiens et sophistes, en effet, d’une part revêtent la même forme que le philosophe : la sophistique, en effet, est une sagesse appa- rente seulement, et les dialecticiens débattent de tout sans exception, or ce qui est commun à toutes choses, c’est l’être ; d’autre part, s’ils débat- tent de ces propriétés, c’est évidemment parce qu’elles sont propres à la philosophie. La sophistique et la dialectique, en effet, tournent autour du même genre que la philosophie, mais <celle-ci> diffère de l’une par l’o- rientation de sa capacité, et de l’autre par le choix du mode de vie ; et la dialectique met à l’épreuve à propos des objets que la philosophie fait connaître, tandis que la sophistique paraît, mais n’est pas. (Aristote, Metaph. G, 2, 1004b15-262.) La preuve, donc, que c’est au philosophe qu’il appartient de recher- cher la vérité de l’être en tant qu’être est apparemment la suivante : puis- que l’être est l’objet auquel s’attachent ces imitations de philosophie que sont sophistique et dialectique, c’est donc aussi l’objet auquel s’attache leur modèle, à savoir la philosophie. Mais l’enchaînement des idées n’est pas très clair : si dialecticiens et sophistes ont en commun de se déguiser en philosophes, on ne comprend pas pourquoi seule la sophistique est qualifiée de sagesse apparente ; on ne comprend pas non plus pourquoi seuls, semble-t-il, les dialecticiens sont dits débattre de tout, alors que c’était chez Platon la spécialité déclarée des sophistes3. Il est vrai que, si l’on adopte, comme ci-dessus, la ponctuation de Bonitz (un point en haut après to; o[n ejstin, 1004b20), on comprend qu’à to; aujto; me;n uJpoduvontai sch'ma (1004b18) répond, par delà l’incise ainsi délimitée (hJ ga;r sofistikh;—to; o[n ejstin), dialevgontai de; (1004b21) et que les deux verbes ont donc en commun pour sujets oiJ dialektikoi; kai; sofistai;4;. Mais si les sophistes sont, de pair avec les dialecticiens, ceux qui débattent des propriétés de l’être en tant qu’être, on comprend d’autant moins pourquoi, dans l’incise, la remarque que c’est l’être qui est commun à toutes choses (1004b20) paraît ne viser que les dialecticiens. 2. On rapproche volontiers de ce texte le passage de la Rhétorique (I, 1, 1355b17-18) où il est dit que « la sophistique n’est pas dans la capacité (dynamis) mais dans la prohairesis (traduit ici généralement par “intention”) ». Mais cette intention est généralement com- prise comme celle de mal user de la capacité (rhétorique ou dialectique), non comme un « choix de vie ». Il en va de même des Réfutations sophistiques, 1, 165a30-31 (voir Dorion 1995, n. 13 p. 212). 3. Cf. Platon, Hipp. maj. 285c-286a, Hipp. min. 363c7-d4, Gorg. 456a7-c7, Soph. 232e2- 4. 4. Accessoirement, uploads/Litterature/ michel-narcy-la-sophistique-une-maniere-de-vivre.pdf

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