Séance 4 Les Fleurs du Mal : tension entre tradition et modernité Tradition Mod
Séance 4 Les Fleurs du Mal : tension entre tradition et modernité Tradition Modernité, innovation « Une Charogne » Baudelaire reprend un topos poétique : le memento mori Il s'est inspiré de poètes antérieurs, comme le poète de la Pléiade Ronsard et son célèbre poème « Mignonne, allons voir si la rose... » => Points communs : Ronsard souhaite montrer à une dénommée « Cassandre », qu'on devine être une belle jeune fille, qu'elle doit profiter de sa vie avant de vieillir et de s'enlaidir. Il la compare pour cela à une rose qui, fatalement, finira par perdre ses pétales, - et donc, sa beauté. L'objectif de Ronsard est donc de lui rappeler que la mort est inévitable, et qu'il est préférable de profiter de sa jeunesse avant qu'il ne soit trop tard. Baudelaire, malgré quelques différences essentielles, fait écho à ce célèbre poème de Ronsard : comme Ronsard qui s'adressait à sa « mignonne », Baudelaire s'adresse à « son âme » (sa bien-aimée) pour lui rappeler qu'elle est destinée à mourir. Il utilise pour cela l'exemple d'une charogne rencontrée lors d'une promenade. Tout comme Ronsard, il utilise une métaphore, un symbole, pour matérialiser de façon didactique (définition dans l'explication de texte n°6) les ravages du temps. On peut penser aussi au poète baroque Chassignet, ayant écrit le sonnet célèbre « Mortel, pense quel est dessous la couverture... ». Tout en s'inspirant d'une tradition bien connue, il innove, car il insère des différences originales : Alors que Ronsard utilise la métaphore de la rose pour symboliser le vieillissement (métaphore courtoise stéréotypée!), Baudelaire utilise la charogne ! La description crue, érotique et détaillée du cadavre en décomposition est très originale pour le 19e siècle ! On ne s'attend guère à ce qu'une jeune femme soit comparée à un animal en décomposition. Baudelaire fait également preuve d'originalité lorsqu'il brise tout lyrisme amoureux. Alors que Ronsard met simplement en garde Cassandre contre les ravages du temps sur sa beauté, Baudelaire se veut quant à lui bien plus pessimiste, puisqu'il appelle ironiquement sa destinataire « mon âme », et qu'il lui fait comprendre que l'amour est une illusion, un sentiment éphémère : « mes amours décomposés ». L'originalité de Baudelaire réside surtout dans le fait qu'il utilise à sa façon le poème de Ronsard pour insérer une idée qui n'était pas du tout présente dans « Mignonne, allons voir si la rose….. » => Baudelaire se sert du caractère éphémère de la beauté féminine pour, a contrario, valoriser l'éternité de la beauté poétique (seule « l'essence divine » de ses poèmes va résister au temps). Cet éloge de la poésie n'était pas du tout présent chez Ronsard. « La Chevelure » Baudelaire utilise ici une tradition poétique, le blason, c'est-à-dire un poème faisant l'éloge du corps, ou d'une partie du corps (de la femme généralement). Son poème est centré sur un sujet très traditionnel en poésie, la chevelure d'une femme. Cela peut nous faire penser au blason du poète Clément Marot, «Du Beau tétin ». On relève plusieurs métaphores assez stéréotypées dans « La Chevelure » : Ex : la chevelure est assimilée à une « forêt aromatique » ou encore à une « mer d'ébène » (2 métaphores) => assimiler la chevelure à un élément naturel est très stéréotypé. Il s'agit d'un topos L'exaltation des sens est également un cliché. La chevelure de la femme est souvent associée à l'odorat. Baudelaire reprend ici cette idée, car il est constamment question des sens éveillés au contact de cette chevelure. En revanche, certaines métaphores sont surprenantes, inattendues : Ex : « Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure ! » = ce premier vers est surprenant en raison de son caractère prosaïque. Il y a un contraste étonnant entre l'apostrophe « ô » utilisée dans les éloges hyperboliques et le terme « encolure » qu'on utilise pour des animaux, et non pour des êtres humains. La femme est valorisée, mais en même temps rabaissée par les termes qui l'animalisent : « encolure », « toison » et « moutonnant ». Sa chevelure est assimilée à la laine…. D'un mouton ! Ces métaphores sont très originales pour les lecteurs du 19e. « Parfum exotique » Ce poème reprend de nombreux clichés de la poésie lyrique amoureuse : l'éveil des sens, le voyage onirique effectué par l'intermédiaire de la femme, En comparaison d'autres poèmes bien plus provocants comme « Le Revenant » ou « Les Deux Bonnes soeurs », ce poème est très conformiste. l'éloge de la sensualité, le rêve, le désir amoureux. « La Béatrice » La titre du poème fait explicitement référence à la célèbre amante de l'auteur italien Dante, ayant écrit La Divine comédie. Béatrice n'est plus du tout une muse angélique, comme elle l'était pour Dante. Sous la plume de Baudelaire, elle devient une mégère diabolique qui se raille de lui avec les « démons ». « Les Plaintes d'un Icare » Le titre du poème fait explicitement référence à la mythologie. Le mythe d'Icare s'étant brûlé les ailes en voulant se rapprocher trop près du soleil est narré dans Les Métamorphoses d'Ovide, un auteur latin. Baudelaire fait preuve d'originalité car il s'approprie le mythe d'Icare pour symboliser sa soif d'Idéal. Baudelaire se voit comme un Icare cherchant désespérément à atteindre non pas le soleil, mais un idéal artistique. « Spleen » (je suis comme le roi…..) La mélancolie n'est pas née avec Baudelaire. Le « spleen » existait déjà pendant l'Antiquité, mais il portait tout simplement un autre nom : le taedium vitae (voir la fiche sur le spleen). L'élégie (l'expression du désespoir) est récurrente dans la poésie. Ex : Ovide exprime son désespoir dans son œuvre Les Tristes L'Ennui profond ici exprimé par Baudelaire n'est pas sans rappeler la vision du divertissement selon l'auteur Pascal dans son œuvre Les Pensées, publiée au 17e siècle . Pascal s'efforçait de démontrer que l'homme est par nature un être malheureux et misérable, qui ne peut que penser à la mort dès lors que rien ne le divertit. Pascal montre que l'homme est faible, méprisable, car il a toujours besoin d'un divertissement pour ne pas penser à sa propre mort et à sa misérable condition. Nous retrouvons cette idée dans ce poème, puisque Baudelaire se compare à un « roi » cherchant désespérément à se divertir pour échapper à ses pensées morbides. Mais Baudelaire s'approprie de façon originale l'élégie: alors que l'élégie s'effectue toujours au travers d'un style hyperbolique, plaintif, Baudelaire opte pour un lyrisme plus pudique, et donc novateur. Il se contente de se comparer à un paysage pour symboliser l'étendue de son mal-être. Il évite d'utiliser un discours trop égocentré, et passe par des métaphores déshumanisantes : le cadavre, le paysage. Il s'approprie aussi de façon originale le concept du divertissement pascalien : alors que Pascal se contente d'affirmer que l'homme est misérable car il a besoin d'être diverti, Baudelaire se veut ici encore plus pessimiste, dans la mesure où rien ne peut divertir le « cadavre » vivant auquel il se compare dans ce poème : ni la chasse, ni la luxure, ni les bouffons, ni le sadisme. « Le Vin des chiffonniers » On trouve dans ce poème du registre épique, puisque les chiffonniers sont vus comme des héros sublimes qui mènent des combats pour l'honneur de la patrie. La poésie épique a longtemps été considérée comme la poésie la plus noble par excellence ; citons L'Iliade d'Homère et sa popularité intemporelle comme seul exemple. Baudelaire utilise une nouvelle fois une référence mythologique : il compare le vin au fleuve du Pactole. Mais Baudelaire utilise le registre épique de façon burlesque, puisqu'il l'applique au bas fonds social : ce sont les vulgaires chiffonniers ivres qui sont comparés à des héros combattants. L'éloge du vin est ici effectué de façon provocatrice, et donc novatrice, puisque Baudelaire le mêle à un blasphème, affirmant que le vin est un meilleur remède que le sommeil, remède inventé par Dieu, qui serait selon lui « touché de remords ». « Bénédiction » Dans ce poème on retrouve tous les poncifs de la poésie du Romantisme (qui précède Baudelaire de deux décennies environ) : l'image du poète incompris de la société et rejeté de tous, l'image du « poète mage » comme l'appelle V.Hugo, c'est-à-dire du poète élu de Dieu et qui reçoit cette « bénédiction » comme un cadeau mais aussi comme un fardeau. Ce poème est le premier du recueil. Compte tenu du contenu des poèmes ultérieurs qui sont souvent blasphématoires, on peut s'autoriser à lire ce poème très traditionnel comme un poème ironique parodiant le Romantisme des années 1830 alors démodé en 1857. « Mignonne, allons voir si la rose... », Pierre de Ronsard, Odes, livre I, 17, 1550 À Cassandre Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu cette vêprée1 Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! voyez comme en peu d'espace2, Mignonne, elle uploads/Litterature/ modernite-correction-v2.pdf
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- Publié le Jul 17, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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