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Une version abrégée a paru sous le titre Artaud/Joyce, le corps et le texte, Nathan, 1996 (épuisé). 2 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman 3 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman Introduction « Type du livre emmerdant absolument impossible à lire, que personne n'a jamais lu de bout en bout, même pas son auteur, parce qu'il n'existe pas » (Antonin Artaud, Suppôts et Suppliciations) “His usylessly unreadable Blue Book of Eccles”, (James Joyce, Finnegans Wake 179.26-27). Qu'est-ce qu’un texte ... illisible? L'illisible, disait Roland Barthes, ne se définit pas, il s'éprouve; il se décèle à cette souffrance de lecture qu'il inflige1. Y aurait-il une relation d'agressivité que certains textes entretiennent avec leur lecteur? On évoque parfois à propos de l'écriture contemporaine un véritable travail de "déliaison", une attaque contre les liens psychiques du lecteur. Comme la peinture non figurative ou la musique sérielle, l'écriture moderne semble repousser avec dédain ou violence quiconque pose encore sur l’œuvre d'art un regard amoureux. Lire Artaud ou Beckett, Blanchot ou Joyce, relèverait-il de ces pratiques masochistes, ces médiocres plaisirs pervers où se complaît l'actuelle mélancolie : 1 Prétexte : Roland Barthes, U.G.E.-10/18, 1978, p. 299. 4 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman "La chair est triste, hélas!", disait Mallarmé... Avons-nous lu tous les livres? N'est-ce pas cependant un pacte amoureux secret qui nous lie à ces textes réputés illisibles, une relation de lecture plus complexe et labyrinthique, sans cesse près de se rompre et toujours à reprendre? Que nous promettent-ils enfin? Un bouleversement de nos logiques, d'éblouissants débordements de sens, des lectures infinies. Beaucoup ont été découragés lorsqu'ils ont tenté d'aborder les oeuvres de la maturité de Joyce et d'Artaud, Ulysse ou Finnegans Wake, Suppôts et Suppliciations, les textes de Rodez. Sans doute ont-ils reçu comme illisible au sens premier (douloureuse, folle) une écriture autre, qui ouvre un espace de lecture différent. Face à ces textes, le lecteur est appelé à modifier ses habitudes. Nous sommes loin ici de la rassurante stabilité des identifications qui nous permettait de retrouver à l'intérieur d'un texte des points de repère subjectifs familiers, ou d'une étrangeté point trop inquiétante. Marthe Robert l'a montré, l'écriture romanesque traditionnelle repose sur la transfiguration narrative de ce "roman familial" dont Freud postule l'existence dans tout imaginaire infantile et qui resurgit dans les textes narratifs sous sa version réaliste ou rêvée2. Rien de tel à présent dans les textes que nous allons aborder et si Marthe Robert voit encore dans l'Ulysse de Joyce, odyssée parodique d'un fils à la recherche d'un père, une survivance de la grande aventure du Bâtard et de son roman "oedipien", c'est pour en signaler "la transposition sur le mode épique tout à la fois énorme et dérisoire qui seul est de mise à ce moment de déclin"3. Avec les dernières oeuvres de Joyce et d'Artaud les identifications oedipiennes du "roman familial" 2 M. Robert, Roman des origines et origines du roman, Grasset, 1972; rééd. Gallimard, coll "Tel", 1977. 3 Ibid., p. 361. 5 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman volent définitivement en éclat: éclat de rire pour Joyce, éclat de rage pour Artaud. Ainsi ces textes demeurent-ils lettre morte, autre nom de l'illisible, si le sujet qui les lit refuse de s'y perdre, d'abandonner provisoirement ses repères subjectifs pour entrer dans le processus de dissolution des identités qu'ils imposent. Nul ne peut sortir indemne d'une telle lecture, s'il lit vraiment. Non seulement les deux écrivains bouleversent nos pratiques de lecture mais ils proposent de surcroît au sein même de leur écriture une réflexion sur la réception de tout texte littéraire. On sait que les tentatives se sont multipliées depuis quelques années afin de rendre la parole à ce lecteur que Jean Rousset appelle joliment "l'éternel aphasique"4. A notre tour, nous tenterons d'élaborer une théorie de ce nouvel espace de lecture que déploient les textes des deux écrivains. Par delà Joyce et Artaud, c'est une autre conception de l'engagement de chacun dans l'acte de lecture que dessine l'écriture moderne. Michel Foucault le soulignait dans son Histoire de la Folie, le roman moderne naît à l'aube du XVIIe siècle en rompant avec cette conception héritée des siècles précédents pour qui la déraison était un rapport subtil que l'homme entretenait avec lui- même. Avant le grand partage entre folie et raison, Cervantes met encore en scène dans son Don Quichotte une forme de délire "par identification romanesque". De l'auteur au lecteur, les chimères y deviennent contagieuses et se transmettent tandis que s'esquisse une sourde inquiétude sur les limites entre le réel et l'imaginaire5. Dans l'univers romanesque ouvert de Cervantes, roman sur la lecture, "roman du roman" selon l'expression de Marthe Robert, le lecteur peut encore éprouver les délices d'une aliénation où il 4 Jean Rousset, Le lecteur intime : de Balzac au journal, José Corti, 1986, p. 30. 5 M. Foucault, Folie et Déraison : Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, Plon, 1961, pp. 40-45. 6 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman s'entrevoit autre. En ce sens, l'écriture contemporaine, celle d'Artaud ou de Joyce, de Beckett ou Blanchot, aurait moins mis à mort le roman, voire la littérature comme on le déclare parfois, qu'elle ne permettrait de renouer avec ces zones discursives indistinctes où l'autre, le fou, l'étranger, fait entendre sa voix à l'intérieur de cette pluralité de Moi qu'est aussi le lecteur. L'essor moderne d'écritures qui transgressent les frontières subjectives et inventent des passages de psyché à psyché est peut-être le signe d'une mutation du discours littéraire. On y verrait alors réinventée à l'adresse des imaginaires contemporains cette "volubilité et discordance" subjective que Montaigne découvre en lui et adresse à cet autre lui-même qui le lit afin qu'il s'y retrouve à la fois Différent et le Même : "Je ne peins pas l'être. Je peins le passage", écrivait Montaigne. Et ceci s'entend aussi entre texte et lecteur. Artaud - Joyce : Paris, 1920 Si Joyce et Artaud sont contemporains, c'est moins par leur appartenance à la même génération (quatorze années seulement les séparent) que dans la parenté qui relie leurs conceptions de l'écriture. Cette parenté ne se perçoit pas d'emblée; on en découvrira progressivement la logique profonde. La petite histoire retient que l'un a passé neuf années dans divers asiles psychiatriques et que l'autre, exilé volontaire de son pays et de sa langue, a dédié vingt-cinq ans de sa vie à la rédaction de deux gros livres réputés illisibles. Pas de grands ancêtres communs au Panthéon littéraire : leurs goûts ne les rapprochent guère. Joyce voue à Ibsen un véritable culte et rejette "la puissance violente et hystérique d'un Strindberg" (EC, 944). Artaud, directeur du Théâtre Alfred Jarry, opère le choix inverse et monte Le Songe dont le "frissonnement magnétique" appartient selon lui au "théâtre idéal" (II, 41). Dans L'évolution du décor de 1924, il 7 Entre corps et langue : l'espace du texte Evelyne Grossman déclarait d'ailleurs sans ambages: "Pour sauver le théâtre, je supprimerais jusqu'à Ibsen..." (II, 13). Si l'on cherchait en littérature, les noms qui les rapprochent, on ne trouverait guère que ces valeurs incontestables : Shakespeare et Mallarmé. Ils ne se sont pas rencontrés et semblent avoir ignoré leurs oeuvres respectives. Le fait peut surprendre; il est banal. Marthe Robert, amie d'Artaud, soulignait ainsi que lorsque Kafka vint à Paris en 1910 et 1911, il ne chercha aucunement à rencontrer les écrivains français de sa génération et rien n'indique qu'il ait jamais entendu parler de Proust6. Quelques points de repères en forme de "hasards objectifs" peuvent cependant éclairer certaines convergences entre les deux écrivains. Ainsi l'année 1920 est pour eux une date charnière, celle de leur arrivée à Paris, où ils s'installent provisoirement, multipliant rapidement l'un et l'autre les adresses et les lieux d'hébergement. Joyce arrive de Trieste. Comme le note Ellmann : "Il arrivait à Paris pour une semaine. Il y resta vingt ans" (JJ II, 109). Artaud arrive de Marseille la même année après un séjour d'un an passé dans une clinique suisse. Le docteur Toulouse auquel il a été confié, lui donne un poste dans sa revue Demain et pendant deux ans, jusqu'à la disparition de la revue, il y publiera régulièrement des articles. Il a 24 ans et n'a encore rien écrit excepté quelques poèmes. Joyce au contraire a déjà publié une partie de son oeuvre (Dubliners, A Portrait of the Artist as a Young Man et Exiles, en particulier). Il termine Ulysses qui 6 Marthe Robert, La Vérité littéraire, Grasset, 1981, p. 61. A propos de Kafka, Ellmann rapporte que Beckett, lors d'une conversation avec Joyce, lui indiqua que Kafka devenait uploads/Litterature/ entre-corps-langue-espace-du-texte-evelyne-grossman.pdf
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- Publié le Jui 14, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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