Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2012 Ce document est p
Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 17 déc. 2020 10:33 Québec français Vers une lecture mythocritique des textes littéraires Camille Deslauriers L’actualité du mythe Numéro 164, hiver 2012 URI : https://id.erudit.org/iderudit/65889ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Deslauriers, C. (2012). Vers une lecture mythocritique des textes littéraires. Québec français, (164), 42–46. 42 Québec français 164 | HIVER 2012 L I T T É R AT U R E / L’A C T U A L I T É D U M Y T H E Vers une lecture mythocritique des textes littéraires PAR CAMILLE DESLAURIERS* «U n travail d’Hercule », « un ouvrage de Pénélope », « c’est son talon d’Achille », « Œil pour œil dent pour dent », « jouer les bons Samaritains » : autant de locu- tions inspirées de mythes gréco-latins ou judéo-chrétiens, lesquels ont principalement infuencé notre culture occidentale. Travailler l’origine de ces expressions françaises avec les élèves du secondaire s’avère sans doute la voie la plus évidente pour bâtir un pont vers ces histoires que l’homme se raconte depuis des millénaires – et qui nous fascinent encore aujourd’hui : les mythes. Mais comment procéder, lorsqu’on désire aller plus loin que l’anecdote ou le résumé dans l’ex- ploration de ces « repères culturels » importants ? Peut-on profter de l’intérêt des adolescents pour le fantastique afn de les initier à ces récits vieux comme le monde où régnaient déjà les dieux, les héros et les monstres, voire leur proposer une autre façon de lire et d’ap- précier des textes variés ? Oui. Arrimer mythe et littérature s’avère possible en étudiant le texte littéraire dans une perspective mytho- critique. Dans cet article, nous verrons donc, d’une part, quelques outils d’analyse permettant de comprendre en quoi consiste cette approche et, d’autre part, quelques exemples tirés principalement de textes narratifs brefs : trois contes des frères Grimm, un conte d’Henri Gougaud et une nouvelle de Michel Tournier, extraits qui nous permettront d’efeurer les fgures mythiques de Pygmalion et de Galatée, du Minotaure, d’Ariane, de Sainte Véronique et de l’ogre. Pour commencer, un peu d’histoire La mythocritique s’est développée dans les années 1960-1970, dans la foulée d’une réfexion plus générale sur le mythe, l’imaginaire et l’in- conscient collectif. Les prédécesseurs sont nombreux : Gaston Bache- lard, Joseph Campbell, Mircea Eliade, Carl Gustav Jung et Claude Lévi-Strauss en font partie, pour ne nommer que ceux-là. Toute- fois, deux théoriciens ont principalement contribué à préciser et à défnir cette approche des textes littéraires. Le premier, Pierre Brunel, a travaillé dans une perspective comparatiste et a notamment dirigé plusieurs dictionnaires importants dénombrant, décrivant et analy- sant diférents types de mythes : le Dictionnaire des mythes littéraires, le Dictionnaire des mythes féminins, et le Dictionnaire des mythes d’au- jourd’hui, autant d’outils incontournables pour qui souhaite appro- fondir ses connaissances sur un mythe ou un autre afn d’aborder les textes littéraires sous un angle mythocritique. Le deuxième, Gilbert Durand, – considéré par les spécialistes de la méthode comme le père de la mythocritique et du terme lui-même –, s’est plutôt intéressé aux fondements anthropologiques des mythes et a étudié les mythes, les archétypes et les symboles au sein des productions imaginaires dans un sens plus sociologique, c’est-à-dire en rapport avec une société et une culture données, à une époque donnée, se consacrant ainsi non seulement à l’étude de la littérature, mais de la société dans laquelle elle s’inscrit, investigation d’envergure qui a fait évoluer la recherche vers ce que l’on nomme plus exactement la mythanalyse. Sur les traces des mythèmes Pour Danièle Chauvin, André Siganos et Philippe Walter, direc- teurs du collectif Questions de mythocritique, « le postulat de la mythocritique est de tenir pour essentiellement signifiant tout élément mythique patent ou latent » (2005, p. 7) repéré dans les œuvres littéraires. Celui qui veut lire des textes littéraires à la lumière de la mythocritique devra donc chercher, dans le corpus étudié, des références mythiques ou, plus précisément, ce qu’on appelle des mythèmes (qui se défnissent, en fait, comme les plus petits éléments mythiquement signifants). Ces références peuvent être explicites ou implicites, directes ou indirectes, voilées ou dévoilées. À la suite de Pierre Brunel (qui expose notamment sa méthode dans l’essai Mythocritique. Téorie et parcours, 1992) et des précédents cher- cheurs nommés ci-dessus, pour parler d’une façon imagée, on peut donc considérer la mythocritique comme une enquête sur les traces Thésée et le Minotaure. Amphore attique à fgures noires (540 av. J.-C.). Illustration : Maître des Cassoni Campana (entre 1510 et 1520). HIVER 2012 | Québec français 164 43 des héros mythiques et des empreintes de leurs aventures dans les textes littéraires. Idéalement, le chercheur en viendra à repérer un ou quelques mythes structurants qui semblent sous-tendre le texte littéraire, comme s’ils servaient de toile de fond, en quelque sorte, et il étudiera ensuite « l’analogie qui peut exister entre la structure du mythe et la structure du texte » (Brunel, 1992, p. 67). Mais il y a plus encore : la mythocritique s’intéresse aussi aux modifcations et aux transformations que les mythèmes ou les mythes identifés subissent dans les textes littéraires. Ainsi, quand on entreprend d’interpréter un texte dans une visée mythocritique et qu’on veut y retracer des « motifs mythologiques qui se retrouvent chez toutes les races et à toutes les époques » (Jung, 1968 : 434) dans les croyances religieuses ou païennes, les légendes, les contes et les rêves – tant ceux de nos ancêtres et que ceux de nos contemporains –, il faut penser dans une perspective comparatiste : primo, il importe de faire de la recherche sur les mythèmes ou les fgures mythiques recelés dans les textes étudiés ; secundo, il convient de comparer diférentes versions des mythes repérés (car, ici, compte tenu des origines orales du genre, le droit d’auteur n’existe pas, il n’y a pas une version originelle d’un mythe et la bonne version d’un mythe n’existe pas : au contraire, le mythe se défnit plutôt comme étant la somme de ses variantes), en plus de comparer ces versions entre elles, et de comparer ces versions et le texte littéraire à l’étude ; tertio, à la fn de ce processus, il devient alors possible d’interpréter le texte à la lumière des mythèmes et des mythes trouvés et d’analyser si ceux-ci se sont transformés, voire de se demander comment et pourquoi ils se seraient transformés, dans un contexte politique, sociohistorique et culturel précis, soit celui qui entoure et génère le texte, glissant ainsi, presque naturellement, vers ce que Durand et ses successeurs appellent la mythanalyse. Par conséquent, il faudra être particulièrement attentifs aux analogies, aux ressemblances et aux diférences entre les mythèmes / symboles qui sous-tendent un ou plusieurs mythes et les mythèmes / symboles tels qu’ils se manifestent dans le texte littéraire, voire entre la structure d’un mythe en particulier et la structure telle qu’elle se présente dans le texte. Car, souligne encore Brunel (1992), quand on analyse un texte sous cet angle, on se rend souvent compte que, par rapport au récit contemporain, le mythe joue un rôle de préfgura- tion – donc qu’il anticipe, qu’il annonce, qu’il sous-entend, qu’il sous- tend, qu’il organise l’histoire concernée par l’analyse, histoire qui vient répéter à sa façon (réitérer) ou modifer (allant parfois jusqu’à le subvertir) le mythe convoqué consciemment ou inconsciemment par l’auteur… Des prénoms tels Véronique et Hector, par exemple, dans la nouvelle « Les suaires de Véronique » du recueil Le coq de bruyère (1978), de Michel Tournier, préfgureraient ainsi en partie le récit et devraient nous indiquer minimalement deux pistes à suivre : l’une qui nous mènerait vers la légende de sainte Véronique et de son voile ; l’autre qui nous ferait revisiter L’Illiade et quelques diction- naires de mythes et mythologies pour découvrir qui était Hector. Dans une optique mythocritique, le lecteur-interprète se mettra donc à la recherche de références mythiques qui s’avéreront tantôt isolées tantôt interdépendantes, lesquelles fnissent parfois par consti- tuer un modèle structurant en tout ou en partie le récit. Où se cachent les mythèmes ? Les références mythiques peuvent prendre plusieurs formes et, en lisant – et en relisant – les textes littéraires dans l’optique d’une initiation à la mythocritique, l’enseignant et les élèves se devront d’être particulièrement attentifs aux éléments suivants : æ Des événements et des situations qui rappellent ceux et celles d’un mythe : le geste de sculpter un personnage qui prendra vie, par exemple. • Dans le mythe de Pygmalion, si uploads/Litterature/ mythocritique-pdf.pdf
Documents similaires
-
17
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 26, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 1.6848MB