NIETZSCHE Langage et interprétation Notes de cours, Fernand Couturier, Fondatio

NIETZSCHE Langage et interprétation Notes de cours, Fernand Couturier, Fondation littéraire Fleur de Lys, Lévis, Québec, décembre 2017, 312 pages. Édité par la Fondation littéraire Fleur de Lys, organisme sans but lucratif, éditeur libraire québécois en ligne sur Internet. Adresse électronique : contact@manuscritdepot.com Site Internet : http://manuscritdepot.com/ Tous droits réservés. Toute reproduction de ce livre, en totalité ou en partie, par quelque moyen que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur. Tous droits de traduction et d’adaptation, en totalité ou en partie, réservés pour tous les pays. La reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par quelque moyen que ce soit, tant électronique que mécanique, et en particulier par photocopie et par microfilm, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur. Disponible en version numérique et papier. ISBN 978-2-89612-549-4 © Copyright 2017 Fernand Couturier. En couverture : Friedrich Nietzsche around 1869. Photo taken at studio Gebrüder Siebe, Leipzig. Then, he must have sent it to Deussen with his letter from July 1869 ([1], KGB II.1 No 10). A copy of this photography is at Goethe und Schillerarchiv, No. GSA 101/11. Public domain due to age of photography. Scan processed by Anton (2005). Wikipédia. Dépôt légal – 4ème trimestre 2017 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada Imprimé à la demande au Québec. Du même auteur Un peuple et sa langue – Pour l’avenir du Québec Mots de Noël – Grâces à la clairière de l’être! Quatrième édition augmentée Régime de l’être – Condition humaine Heidegger en opuscule Deuxième édition augmentée Mythes Religions Laïcité – Une aire de liberté Mort humaine… suprême Séjour en Être Recueil de textes AVANT-PROPOS Le texte de ce livre a été conçu et écrit à partir des notes données aux étudiants en philosophie lors du dernier cour donné à l’UQAM pendant le semestre d’hiver 1993, immédiatement avant ma retraite de l’enseignement. La rédaction, pour l’essentiel, eut lieu pendant les premières années e la retraite. Elle a été revue et modifiée au rintemps-été 2017. d p 7 PRÉFACE Dans ce livre tenteront de se rencontrer les idées directrices de la pensée de Nietzsche, la capacité de relance d'une pensée inhérente à l'interrogation heideggérienne ainsi que le stimulant interprétatif dégagé par l'auto-compréhension contemporaine de l'herméneutique sous l’influence des travaux de Hans-Georg Gadamer. C'est dire que ce livre veut se situer au carrefour des questions qui ont animé les cours que j'ai eu le plaisir de donner à l'UQAM sur Heidegger, Nietzsche et l'Herméneutique pendant plusieurs années. Un livre où se reflète l'idée que la pensée d'un penseur est toujours à un saut plus loin que la place occupée par les signes du discours formulé, et que pour l'accompagner dans le développement de ses possibilités il faut s'engager dans l'ouverture du monde et de l'être qui la supportent et la distendent. Cet engagement est celui de l'interprétation qui, selon une perspective contemporaine, ne laisse intact ni le lecteur ni cela que celui-ci lit. Voilà pour la méthode ou le chemin qui sera emprunté. C’est, dans ce cas-ci, le cheminement de la pensée elle-même. Ce n'est donc pas une méthode au sens d'un instrument plus ou moins arbitrairement choisi et tout simplement utilisé pour soumettre un objet à un traitement purement cognitif et objectif. Par ailleurs, ce livre voudra rester près des particularités de la pensée de Nietzsche. Une pensée qui s'alimente aux paradoxes ou qui fréquente les extrêmes; une pensée en voyage qui modifie sans relâche le panorama et maintient un effet de 9 NIETZSCHE – Langage et interprétation dépaysement; une pensée qui, par une impitoyable perspicacité, pratique inlassablement des trouées dans les remparts de l'habituel ou de ce qui est; une pensée qui est invitation continuelle à être soi-même, i.e. à devenir autre; une pensée inspirée plutôt que besogneuse, i.e. animée par un instinct de créativité; une pensée qui pousse sans cesse à prendre le large dans la liberté, mais qui suggère en même temps le désarroi de l'astronaute échappant à son orbite, et fait éprouver le mal du pays et de ses assises; une pensée qui par sa tournure langagière, peut-être obligée, risque de provoquer un mortel ennui si ne s'ouvre un quelconque horizon pour la réalité répétitive qui bat lourdement en elle. Ces particularités peuvent se synthétiser dans ce qu'on appelle plus académiquement le renversement des valeurs: la critique des valeurs anciennes qui prévalent et l'instauration de valeurs nouvelles. Et à son tour ce renversement des valeurs peut se comprendre, selon ce que Heidegger a retenu, comme les quatre idées fondamentales de Nietzsche: la mort de Dieu, le surhomme, la volonté de puissance et l'éternel retour de l'identique. La démarche que se propose ce livre, en suivant le fil conducteur de l'interprétation heideggérienne et gadamérienne et son rapport au langage, voudrait ainsi présenter le paysage mouvant de la pensée de Nietzsche et laisser apparaître l'articu- lation et le sens de ces quatre idées dites fondamentales. 10 INTRODUCTION 1. Particularités de la pensée de Nietzsche a. Fréquentation des extrêmes Il n'est pas nécessaire d'avoir un contact très prolongé avec l'œuvre de Nietzsche pour se sentir invité à une réflexion sur les extrêmes. Cette réflexion trouve une expression simple dans des formulations assez courantes: «Le génie est près de la folie.», «On passe souvent d'un extrême à l'autre.», «Qui tombe de haut tombe bas.»; ainsi que dans cette pensée de Nietzsche lui-même: "Le sommet et l'abîme sont confondus."1 Et dans la même veine Heidegger dit : «Qui pense grandement doit se tromper grandement.» (Wer groß denkt, muß groß irren.", Aus des Erfahrung des Denkens, p. 17). La pensée de Nietzsche s'alimente au paradoxe. Nietzsche s'est promené et a dansé la majeure partie de sa vie sur les crêtes aiguës, éclairées et illuminées du génie. Nietzsche s'est abîmé ensuite dans les profondeurs apparemment obscures de la folie. Mais qui louche trop vers la vie d'un penseur, en lisant son œuvre, risque de ne pas comprendre sa pensée. Il faut plutôt interroger résolument le "monde" et l'"être" qui gisent au fondement de son œuvre et la supportent. C'est Nietzsche lui- 1 NIETZSCHE, F., Ainsi parlait Zarathoustra, Livre de poche, p. 178. 11 NIETZSCHE – Langage et interprétation même qui le suggère. Car l'essentiel de la pensée d'un penseur ne se situe pas au niveau du langage qui relate l'événement, le fait divers; pas dans le langage de surface, pourrait-on dire. "Car tout grand penseur pense toujours à un saut plus originellement que là où il parle immédiatement."2 D'après cette remarque de Heidegger, l'essentiel de la pensée d'un penseur ne se retrouverait pas d'emblée et tout simplement dans son dire immédiat ou explicite. Il semble que Heidegger annonce là la tâche d'inter- prétation nécessaire à toute lecture qui veut comprendre vraiment. Quoi qu'il en soit, on voudrait dire au moins, pour le moment, que la biographie de Nietzsche n'est pas immédiatement intéressante pour la pensée philosophique de Nietzsche, ni pour la pensée tout court. La pensée superficielle demeure au niveau de l'anecdote. Convenons-en. Mais comment présenter Nietzsche? Voici comment Pierre Boudot le voit; et voici le lieu où il le perçoit: “Entre la parole et les cris, dans une zone où tout est plus ardent parce que la volonté créatrice ne renonce jamais, où tout est plus confus parce que le mouvement saccadé ne trouve pas sa finalité, où tout est plus redoutable parce qu'on voit remuer des lèvres sans distinguer le message, où tout est plus tragique parce qu'un homme seul mime simultanément une civilisation qui change, une civilisation qui naît, nous apercevons une silhouette qui se nomme Nietzsche.”3 Ce qui est intéressant et possible dans une introduction, – notre projet ne se veut pas autre chose – c'est d'entrevoir au moins les possibilités qu'offre une pensée, en l'occurrence celle de Nietzsche. Ceci peut comporter les éléments suivants: indiquer ses dimensions, relever ses pistes directrices, énoncer ses principaux thèmes, dégager son articulation maîtresse. Il faut commencer par les nommer, ces possibilités. Puis, dans la mesure du possible, en explorer l'une ou l'autre d'une façon plus minutieuse. 2 HEIDEGGER, M., Nietzsche I, p. 158. Cf. COUTURIER, F., Monde et être chez Heidegger, p. XIV. 3 BOUDOT, P., Nietzsche en miettes, PUF., 1973, p. 118. 12 INTRODUCTION La présente introduction va surtout s'efforcer de nommer, de faire apparaître, de montrer. Elle ne comportera à vrai dire que des flashes. Cela devrait être aussi détestable, mais aussi intéressant, par ailleurs, que des pré-vues dans une salle de cinéma! Il s'agira de laisser entendre, de laisser pressentir, de laisser soupçonner ce que peut être la pensée de Nietzsche, ce vers quoi elle s'avançait ou s'avance encore, ce dans quoi elle évoluait. b. Effets de voyage En train de rédiger Aurore, Nietzsche fait la digression suivante: "Un livre comme celui-ci n'est pas fait pour être lu à la suite ni devant un public, mais pour être feuilleté, surtout en promenade et en voyage. On doit pouvoir constamment y plonger et en sortir la tête, et ne plus rien trouver d'habituel autour de soi."1 Ce que Nietzsche dit d'Aurore, nous pouvons le uploads/Litterature/ n-fernand-couturier-6.pdf

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