Kateb Yacine : Nedjma 2 3 Charles Bonn Kateb Yacine : Nedjma (Réédition) 4 1ère

Kateb Yacine : Nedjma 2 3 Charles Bonn Kateb Yacine : Nedjma (Réédition) 4 1ère édition : Paris, PUF, 1990. Table des matières Le contexte 9 Les structures narratives 29 Inscription historique et politique 47 Structures mythiques, vacillement tragique des genres et roman des origines 69 Prolongements 93 Bibliographie 115 La relation au réel ...................................................................................... 9 Eléments de biographie et d'Histoire........................................................ 11 Le substrat mythique et traditionnel ......................................................... 14 Le contexte littéraire................................................................................. 19 « Plan » du roman .................................................................................... 29 Lectures structurales................................................................................. 37 De la tribu à la nation : structure et signification ........................................ 48 Productivité du récit ................................................................................. 55 La dimension épique................................................................................. 59 Le plurivocalisme...................................................................................... 65 Ambivalence mythique et intertextualité................................................... 70 L’espace tragique ..................................................................................... 82 « Une seule œuvre de longue haleine, toujours en gestation »................. 93 « Fortune » de Nedjma ........................................................................... 104 Principales oeuvres de Kateb Yacine...................................................... 115 Quelques études publiées sur Kateb Yacine ........................................... 116 Quelques thèses sur Kateb Yacine......................................................... 117 Principaux recueils collectifs et numéros spéciaux de périodiques........ 118 Quelques études générales sur la littérature algérienne de langue française. 119 Sites internet ........................................................................................... 120 6 Avertissement Cette réédition de mon livre publié en 1990 aux Presses universitaires de France, et depuis longtemps épuisé, le reproduit presque à l’identique. J’ai simplement actualisé des passages assez rares qui me semblaient trop datés, ou qui ne pouvaient pas encore, il y a vingt ans, tenir compte de quelques faits historiques ou littéraires survenus depuis. Et j’ai mis à jour la bibliographie sélective finale, tout en renvoyant pour qui désirera une bibliographie plus complète, à la base de données bibliographique tenue depuis vingt ans elle aussi, mais disponible depuis cette année seulement sur Internet, à l’adresse www.limag.com. n Le contexte La relation au réel Le lecteur étranger à la réalité maghrébine qui ouvre pour la première fois un roman algérien y cherche le plus souvent un document sur une société qu'il ne connaît pas. Et quand ce roman a été comme Nedjma publié pendant la guerre d'Algérie, en 1956, il y cherche aussi un témoignage sur cette guerre dont les blessures de part et d'autre ne sont pas encore tout à fait refermées, et sur l'histoire de laquelle pèse cependant comme une chape de silence. Dans les deux cas il peut s'attendre à un récit linéaire, chronologique, et à des descriptions savoureuses ou cruelles, mais réalistes. Un tel lecteur ne peut être que déconcerté par un roman où les descriptions sont rares, où les récits sont multiples et enchevêtrés, tout comme les points de vue narratifs, où les chronologies ne semblent pas respectées, où certains passages sont répétés. Et certes la description réaliste ou le récit linéaire ou chronologique ne sont pas les visées essentielles de Kateb Yacine, lequel ne nous raconte pas non plus la guerre d'Algérie, ne serait-ce que parce que l'essentiel du roman était rédigé avant le début de celle-ci. En en datant les fragments, Jacqueline Arnaud, dont la thèse constitue la référence essentielle sur Kateb Yacine, montre qu'ils ont été composés entre 1946 et 1955 : « Nedjma est un roman d'avant le 1er novembre 1954 et le déclenchement de l'insurrection, puisque des passages importants sont déjà publiés en 1953. Comme le dit Kateb, on peut y lire la vie de l'Algérie "toute crue" des années 1920-1930 à 1946-1947. » 1 1 Jacqueline Arnaud, Recherches sur la littérature maghrébine de langue française. Kateb Yacine, Nedjma 10 Le tout est de savoir ce qu'on entend par « la vie de l'Algérie toute crue ». Les plus pittoresques parmi les rares descriptions, en première et en cinquième partie, portent essentiellement sur le petit monde des colons, plus que sur la société traditionnelle. Et les récits d'Histoire récente concernent la répression sanglante de la manifestation du 8 mai 1945 dans l'Est algérien 2, telle qu'elle a été vécue par Lakhdar dans la deuxième partie, par Lakhdar et Mustapha dans la sixième. Quand on sait l'importance de la guerre qui va suivre et de la modification qu'elle apportera à la société algérienne, cette description de l'univers colonial encore triomphant peut paraître datée. Mais précisément les quatre héros du roman, Rachid, Mourad, Lakhdar et Mustapha, tout comme Nedjma elle-même, sont cette génération que Mustapha appelle la « patrouille sacrifiée qui rampe à la découverte des lignes, assumant l'erreur et le risque comme des pions raflés dans les tâtonnements, afin qu'un autre engage la partie » (p. 187) 3. Génération condamnée à l'impuissance par les dissensions entre mouvements nationalistes autant que par la répression du 8 mai 1945 4. Les combattants pour l'Indépendance sont absents de Nedjma, même si le roman appelle cet engagement par sa structure plus que par sa signification explicite, et si le personnage de Nedjma peut être lu Le cas de Kateb Yacine, thèse de doctorat d'Etat, Université Paris III, 1978, Paris, L'Harmattan, 1982, p. 671. 2 « Le 8 mai 1945, jour de l'armistice en Europe, plusieurs dizaines d'Européens sont assassinés dans la région de Sétif au cri de "Vive la liberté". La répression, conduite parallèlement par les colons et l'armée, est terrible : près de 10 000 musulmans, semble-t-il, sont massacrés » (Jean Lacouture, Ferhat Abbas, patriote, nationaliste, contestataire, Le Monde, 26 décembre 1985). « Combien la répression a-t-elle fait de victimes ? La radio du Caire avance aussitôt le chiffre de 45 000 morts, que les Algériens citent encore. Officiellement, à l'époque, on en admet 2000. Les historiens français, faute d'un recensement précis, hésitent entre 6 000 et 15 000. La métropole n'apprendra que très progressivement, et sous une forme très atténuée, ce qui s'est produit tandis qu'elle fêtait la victoire » (Jean Planchais, L'émeute de Sétif, Le Monde, 9 mai 1985). 3 Les indications de pages renvoient indifféremment à l'édition originale (Le Seuil, 1956) ou à la réédition en collection de poche (Le Seuil, coll. « Points », 1981). 4 Des lectures dénotatives du roman se sont plu à voir dans les quatre héros rivaux auprès de Nedjma le symbole de ces dissensions. Cette interprétation, comme beaucoup d'autres de ce type, n'est pas impossible, à condition de ne pas y limiter le foisonnement sémantique de ce texte protéiforme. Le contexte 11 entre autres significations comme le symbole de la patrie à venir. Nedjma n'est donc pas vraiment un document. Et n'est pas non plus ce récit plus ou moins autobiographique que l'on trouve souvent, à l'usage du lecteur européen et en contradiction avec le refus arabe de l'exhibition du moi, dans les premiers romans algériens, comme Le fils du pauvre (1950) de Mouloud Feraoun. Pourtant on aurait tort de sous-estimer l'ancrage référentiel du roman. Le réel y est transformé, y prend une dimension mythique, et ce en partie dans la rencontre entre le référent collectif et le référent biographique personnel de l'auteur. Les quatre amis, également protagonistes et supprimant de ce fait le héros central unique de narrations plus traditionnelles, confèrent au récit une dimension collective et épique : celle de toute une génération. Pourtant cette génération est aussi celle de l'auteur lui-même, qui tout en les peignant différents l'un de l'autre, leur attribue à chacun des éléments de son histoire personnelle, et projette dans la figure toujours mouvante que forme leur groupe changeant, non seulement l'histoire objective des tâtonnements du nationalisme, mais également l'histoire mythique de la tribu des Keblouti dont il est comme eux issu. Si donc Nedjma ne peut être lu comme un document, le réel ne s'y retrouve pas moins dans l'intersection même des différentes narrations qui composent le roman, qui toutes en sont nourries. Une lecture dénotative cherchant la signification objective de chaque cellule narrative isolée ferait certainement fausse route : c'est dans l'interaction des différents récits qu'il nous faudra trouver le sens, et derrière le sens le réel objectif. Mais ce réel, historique, politique, biographique ou mythique est omniprésent dans la totalité du texte comme de ces différents niveaux. Eléments de biographie et d'Histoire On trouvera une biographie détaillée de l'auteur dans la thèse de Jacqueline Arnaud déjà citée 5. On se contentera d'en privilégier ici les éléments qui affleurent dans Nedjma. 5 Arnaud, op. cit., t. 2, p. 500-546. Kateb Yacine, Nedjma 12 Né en 1929 à Constantine, haut lieu de culture traditionnelle et religieuse, et symbole de résistance aux conquêtes successives dont l'importance dans Nedjma est capitale, Kateb Yacine a suivi pendant toute son enfance les déplacements de son père, petit avocat musulman, dans l'Est algérien qui sera l'espace des parcours des héros du roman. Comme l'indique son patronyme (« Kateb » signifie écrivain en arabe), sa famille est la branche lettrée de la tribu. C'est ce que lui rappellera Si Tahar Ben Lounissi, le modèle de Si Mokhtar, rencontré en 1946 alors qu'il tente de vendre son premier recueil de poèmes, Soliloques, devant la Medersa de Constantine, dans le futur café « Nedjma » 6. L'enfance est marquée par le passage de l'école coranique à l'école française, la « gueule du loup » dont parle la fin du Polygone étoilé, mais aussi par les jeux et les bagarres et par l'attachement à l'institutrice que uploads/Litterature/ nedjma.pdf

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