Multilinguales 1 | 2013 Pratiques littéraires, linguistiques, pédagogiques, did
Multilinguales 1 | 2013 Pratiques littéraires, linguistiques, pédagogiques, didactiques et médiations culturelles contemporaines Noms propres dans l’œuvre de Mohya : Entre tradition et innovation Proper nouns in Mohya’s work: between tradition and innovation Mustapha Tidjet Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/multilinguales/3348 ISSN : 2335-1853 Éditeur Université Abderrahmane Mira - Bejaia Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2013 Pagination : 159-166 ISSN : 2335-1535 Référence électronique Mustapha Tidjet, « Noms propres dans l’œuvre de Mohya : Entre tradition et innovation », Multilinguales [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 23 août 2018. URL : http:// journals.openedition.org/multilinguales/3348 Ce document a été généré automatiquement le 23 août 2018. Multilinguales est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International Noms propres dans l’œuvre de Mohya : Entre tradition et innovation Proper nouns in Mohya’s work: between tradition and innovation Mustapha Tidjet 1 La signification du nom propre joue un rôle important, parfois essentiel, dans la transmission du message dans certains domaines de la littérature amazighe, aussi bien dans la littérature traditionnelle que dans les modes modernes d’expression littéraire. Les pièces de Mohya en sont un parfait exemple. 2 Parce que c’est un auteur peu médiatisé, nous nous autorisons une brève biographie. Abdellah Mohya, plus connu sous le pseudonyme Mohend Ou Yehia, est un poète et dramaturge kabyle. Originaire des At Ouacifs. Il est né en 1950 à Azazga, wilaya de Tizi Ouzou. Il a fait ses études secondaires au lycée Amirouche de Tizi Ouzou. Après avoir obtenu son bac en 1968, il s’inscrit à l’université d’Alger pour préparer une licence en Mathématiques, qu’il obtient en 1972. En 1973, il s’installe en France pour étudier après avoir réussi le concours d’accès à l’école d’ingénieurs en hydraulique. 3 Il a publié bon nombre de travaux, aussi bien des créations que des traductions et adaptations vers le Kabyle d’œuvres reconnues. Son œuvre est composée de poèmes, de nouvelles, de pièces de théâtre, d’écrits divers. Grâce à des chanteurs populaires kabyles (Takfarinas, Malika Domrane, Slimane Chabi, Ferhat Imazighen Imoula), qui ont repris certains de ses poèmes, la poésie de Mohya est sortie de l’anonymat. Mais pour le poète Mohya, ce ne sont là que « chansonnettes2 » (Mohya, 1985). 4 Ainsi, par le biais d’une description comparative des noms de personnages dans le conte kabyle et dans quelques productions de Mohya, nous allons essayer de mettre au jour les points de continuité entre les deux types de productions littéraires et les points de rupture qui font l’originalité de l’œuvre de cet écrivain. Noms propres dans l’œuvre de Mohya : Entre tradition et innovation Multilinguales, 1 | 2013 1 Les noms dans la littérature de la tradition orale berbère 5 En général, les noms propres dans la littérature de la tradition orale berbère, et en particulier kabyle, ne sont pas empruntés à la réalité. Ils appartiennent à un registre propre à ce type de production : Mqidec, Ǧeḥḥa, Belɛejjuḍ,... 6 Quand il est fait recours à un prénom kabyle courant, il subit un traitement qui va le distinguer de sa forme initiale, comme Ɛica (Aïcha) qui devient Ɛica Mɣiɣden (Aïcha, fille aux cendres). Un nom commun peut être également utilisé comme désignateur, surtout quand il s’agit d’êtres mythologiques, comme Waɣzen (ogre), ou Teryel ou Tteryel (l’ogresse) du conte merveilleux. 7 En raison des connotations associées à chacun de ces noms propres, on les retrouve, en discours, dans des usages descriptifs ou qualificatifs ; c’est-à-dire qu’ils peuvent re-passer dans le registre des noms communs par le procédé de l’antonomase : Une espèce de synecdoque, par laquelle on met un nom commun pour un nom propre, ou bien un nom propre pour un nom commun. Dans le premier cas, on veut faire entendre que la personne ou la chose dont on parle excelle sur toutes celles qui peuvent être comprises sous le nom commun, et dans le second cas, on fait entendre que celui dont on parle ressemble à ceux dont le nom propre est célèbre par quelque vice ou par quelque vertu. (Dumarsais C.C., cité par Vaxelaire, 2005 : 270) 8 Ainsi, pour signifier la beauté exceptionnelle d’une jeune fille, elle sera qualifiée de Lounǧa, (fille de l’ogresse d’une beauté sans pareille) ; quelqu’un de rusé, qui joue de mauvais tours, sera surnommé Mqidec. 9 Certains auteurs distinguent le cas où la dénomination implique un changement de catégorie grammaticale, c’est-à-dire l’utilisation du nom propre comme nom commun ou inversement, du cas où il n’y a pas de changement catégoriel. Dans le premier cas, ils parlent d’antonomase, alors que dans le second, ils préfèrent le terme de métaphore : La métaphore, conçue comme métaphore vive, est une figure qui, contrairement à l’antonomase, se réalise dans le discours, n’implique pas de changement de catégorie grammaticale (le nom propre reste un nom propre) et ne correspond pas à un sens prévisible. N’importe quelle propriété du contenu du nom propre peut servir de base à une métaphore. (Gary-Prieur, 2001 : 81) 10 C’est dans cette dernière catégorie que l’on peut classer les différents surnoms empruntés aux contes, comme Mqidec que l’on fait suivre de manière quasi systématique de sa périphrase : bu lehmum, ur yeggan ur yettnuddum (Mqidec à problèmes qui ne dort jamais et qui n’a pas sommeil). 11 Du statut de surnom, qui passe de génération en génération, le surnom se transforme en patronyme. C’est ce que nous avons relevé dans le cadre de notre thèse (Tidjet, 2013) pour les patronymes formés sur Meqidec3, Lounǧa,4… 12 Sur le plan de leur formation linguistique, il est à remarquer qu’à côté des noms à morphologie simple, qui paraissent ordinaires5, comme c’est le cas de Lounǧa et des emprunts à la littérature arabe (Ǧeḥḥa), il y a eu également recours aux formations expressives comme Belɛejjuḍ Mqidec. Cependant, nous n’avons trouvé aucune racine avérée d’où serait dérivé Belɛejjuḍ, à moins qu’il n’ait été formé par association phonique avec mejjuḍ, « gale »6 ; ce qui paraît très probable. Il serait à rattacher à ijjeḍ (adj.) Noms propres dans l’œuvre de Mohya : Entre tradition et innovation Multilinguales, 1 | 2013 2 « faible », « maladif », « mal formé », « dégénéré » (Dallet, 1982 : 361). On ne peut qu’avancer des hypothèses à ce sujet. 13 C’est le même cas pour Mqidec. Est-il formé sur qeddec qui est « attesté en berbère rifain comme verbe pour signifier "jouer un tour à quelqu’un" » (Bezzazi, 1999 : 87) ? Ou bien dérive-t-il de aqeddac » domestique, serviteur » (Dallet, 1982 : 648) ? Ce dernier lexème étant aussi attesté dans l’arabe dialectal avec un sens très proche : qeddac « domestique qui fait les menus services (va à l’eau, fait les commissions,…) » (Beaussier, 1956 : 782). Les noms dans l’œuvre de Mohya 14 L’analyse des noms propres dans une œuvre peut indiquer l’intention de l’écrivain, comme le signale D. de Camilli à propos de l’œuvre de Pavese : En désirant connaître les racines, les origines de cette œuvre, il faut une approche particulière, c’est-à-dire l’analyse des noms propres que Pavese a employés et qu’il a cherchés dans plusieurs milieux, soit en ville soit à la campagne, voire Turin et les Langhe, soit dans les littératures anciennes. (1998 : 348) 15 Mohya appartient à ces auteurs qui mettent un soin particulier à choisir et à confectionner les noms de leurs personnages ; d’où ses créations onomastiques dans presque toutes ses œuvres. Les types de ces dénominations sont divers. Nous allons nous contenter de l’étude de quelques-uns à travers les noms de certains personnages principaux dans quatre textes de l’auteur. Ccix Aḥecraruf g-Gillulen Umalu 16 Le nom du personnage principal est un nom commun attesté dans le kabyle, mais il est enrichi d’indications si précises qu’il crée un effet de réel. 17 En effet, d’abord d’un point de vue ethno-géographique, il est composé en partie d’un toponyme, Illulen Umalu, désignant le territoire d’une tribu connue en Kabylie. 18 Ensuite, ce toponyme est précédé d’un lexème emprunté à l’arabe, Ccix (« cheikh »), qui signifie maître7. Généralement, il désigne l’imam de la mosquée du village ou le maître d’école coranique8. Donc, il est assimilé à une particule nobiliaire. 19 Enfin, cette particule est suivie du véritable nom propre du personnage, Aḥecraruf, nom commun signifiant « précipice. Endroit difficile d’accès. Rocher élevé » (Dallet, 1982 : 304). 20 Ce nom à trois éléments est, en fait, constitué de deux parties : le nom du personnage proprement dit, Aḥecraruf, et une partie surajoutée, que nous nous proposons d’appeler « définition ». Ce sont des mots que l’on rajoute au nom pour distinguer une personne. Il s’agit ici de ccix, qui peut indiquer soit la profession, soit le rang social, et de Illulen Umalu qui est un localisateur. 21 Nous en déduisons que la composition du nom est oxymorique : la partie « définition » annonce que l’on a affaire à une personne distinguée (sage, respectable), tandis que uploads/Litterature/ noms-propres-dans-loeuvre-de-mohya-entre-traditio.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/DlFLFY4JwYlv7pxavlv2n8eb4Jc0cOBcuDPoabnXRbDzMJJRrvcCF1y5Fbrf6GtUzASD38pxKqgWokq884zREhHP.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/bBuC7IpYS3MV0DEeenMULnbWlFMLpcktUiGrTpl96X1kWmC3PLoJLf2Eh8PX0djNMYFPIjo5VfIcEvW7giUk2XNG.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/sgI380sG9tNBBGWelyd4NxzFawPP0pcprmUPdQ0OdTTuufl3IV2rpDZ5O56YFqAK2IKR0hM3sdoLajsRPC1L185M.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/62gqvfFCn0azCj09r6IsYg5i0If5hOH1GrX2OnSlNvNjkN2qIXrLEniJNps1eX2ZqRMEfnfq0bINI1mqu46EHEly.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/ADfQo8uCvvKW20e1vMaicFtvObcZeiuflOPUr3gOAXTf1byPIRJntIRid7S3Kv1wmDuOj77zWdwf0orEwnfQYWh5.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/L4JvGcHleHiq88sAVo6myC5Lf7UYATagwgKDpGdYdhM6OWwjPC3SZVsRMIs6OIP8WgFDPflHjtNXkml7Gsnz3jJ3.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/VyhMykC24tQK0X79McMxjnFKyjHCVLn6PYpc0MWYtpnOpKkABewutXpsd952ru3zABSc3c5w7YNEouYoLoyMs5LE.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/P4Ll62T1SEAroPI9R4JlhXFZaBipkmnUHb3K38zcjMTE3PEFyEMOtR0wkHZtCqVg0pgUK4RtsQTgwrCih2Y1niw9.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/zc9UZAvrc3X6PoFpEn4w4mpxUpWqTjnqTw3HDjeMyEMqxkQ08GzFLhJZHNgNDidbvkWMuX0tEz0hlDMc4JCxjpB1.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/siwrFOVSBsURgHh6iYCto5LLDBNzeU1eNdjE4hhlxRN2mBtX97mxVCTarjFKC3oRef3q5G3eAUMaRGC3VtuDcCPx.png)
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 31, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2324MB