Paru en 2007 dans : Monique LEBRUN et coll. (eds.) Le manuel scolaire d’ici et
Paru en 2007 dans : Monique LEBRUN et coll. (eds.) Le manuel scolaire d’ici et d’ailleurs, d’hier à demain Actes de colloque. Québec: Presses de l’Université du Québec (Cdrom). Manuels de français langue seconde au primaire en Afrique de l’ouest : quelle image de la langue et de l’apprentissage ? Appui ou contrainte pour l’intervention éducative ?* Colette NOYAU UMR 7114 MoDyCo, C.N.R.S. Université de Paris-X-Nanterre cnoyau@u-paris10.fr http://colette.noyau.free.fr Deux séries de manuels de français pour les élèves du primaire ont cours dans les écoles au Togo, l’une à laquelle ont été exposés les élèves de l’étude acquisitionnelle transversale du projet AUF / CAMPUS / Cognitique sur «Appropriation du français langue de scolarisation et construction de connaissances via la scolarisation en situation diglossique » (2001-2005), l’autre introduite vers la fin de notre enquête sur le terrain (sur ce projet, voir Noyau, 2001 ; Noyau & Quashie, 2003). Dans la situation sociolinguistique du sud Togo, le français est LA langue de l’école, mais les enfants y sont rarement exposés au dehors, ils découvrent le plus souvent cette langue en entrant à l’école. Des observations ont été faites sur les contenus linguistiques de ces manuels en regard de l’évolution de l’acquisition de la langue par les élèves de plusieurs points de vue, en particulier : a) quel entraînement à la compétence narrative – compétence textuelle fondamentale pour l’enfant et pour tout locuteur (Noyau, 2002b) - peut s’effectuer à travers les textes qu’on y trouve ? quelle exploitation de ces matériaux est faite par les maitres en charge de conduire les enfants vers cette compétence ? la maîtrise du lexique verbal tarde sur celle du lexique nominal, tant dans l’acquisition primaire du langage que dans celle de langues secondes (Bassano, 1998 ; Noyau, 2003) ; nous avons mené plusieurs études sur le développement du lexique verbal en L2 (Kihlstedt, 2005 ; Noyau, 2005a, c) : qu’en est-il du matériel lexical verbal dans les manuels des premières années, dans quelle mesure contribue-t-il à la structuration progressive du lexique verbal chez les élèves ? Nous adoptons ici une perspective acquisitionnelle plus globale, en interrogeant, d’une part, les relations entre les processus d’acquisition de la L2 mis en lumière dans nos travaux et les manuels de français au primaire au Togo, d’autre part, les relations des maîtres en tant qu’organisateurs de l’acquisition de la langue à ces manuels. 1 * Ce travail a été mené à partir du projet « Appropriation du français et acquisition de connaissances via le français langue seconde en situation diglossique », soutenu par l’Agence Universitaire de la Francophonie (ARP, réseau Sociolinguistique et dynamique des langues), le programme CAMPUS du Ministère français des Affaires Etrangères, et le programme ‘Ecole et Sciences Cognitives’ du Ministère français de la Recherche, Université de Paris-X-Nanterre et Université de Lomé (Togo). 1 Signalons que plusieurs études antérieures ont traité de la question des manuels de français langue seconde en Afrique sous des éclairages différents : le facteur culturel (Niang, 1995), les options didactiques et la méthodologie d’enseignement (Verdelhan 1993, 2002), l’évolution des conceptions sur les manuels (Spaeth 2005), I. Paramètres sociolinguistiques de l’appropriation du français en Afrique de l’ouest Dans les pays de la francophonie ouest-africaine comme le Togo, le Bénin ou le Burkina-Faso, c’est l’école qui provoque le plus souvent la rencontre initiale des enfants avec le français, utilisé dès le départ comme unique véhicule d’enseignement et de vie scolaire, alors que la vie sociale et familiale, même en ville, se déroule pour l’essentiel en langues autochtones. Les systèmes éducatifs de certains de ces pays connaissent des évolutions récentes vers la reconnaissance du plurilinguisme à l’école, sous diverses modalités expérimentales, comme l’initiation à l’écrit via la L1 avant d’accéder à l’écrit du français, ou un enseignement bilingue pour le démarrage de la scolarisation, mais au Togo, qui a constitué notre principal lieu d’enquête, enseignants et parents restent très attachés au français exclusif comme médium d’enseignement même au préscolaire (Noyau, 2006 sous presse a), on laissera donc de côté ces cas de figure, encouragés par les Etats-Généraux de l’enseignement du français et en français en Afrique subsaharienne de Libreville (2003), situations sur lesquelles on trouvera des éclairages dans les Actes du colloque international « Appropriation du français langue de scolarisation et construction de connaissances en situation diglossique » de Paris-X-Nanterre (février 2005 ; Noyau (Ed.) 2006 sous presse a). La situation de l’école primaire dans les pays subsahariens, surtout francophones, est critique pour des raisons politico-économiques de fond, et il faudrait une action volontariste puissante pour arriver à approcher en 2015 l’objectif de l’Education pour tous (EPT) de l’Unesco. Et pourtant, dans ces situations scolaires difficiles, c’est l’école qui perpétue et diffuse la francophonie. Des études récentes sur le rendement des systèmes scolaires africains (Bauchet & Germain, 2003) ont montré statistiquement que parmi les facteurs susceptibles d’avoir une influence positive sur la qualité des apprentissages, la disponibilité de manuels pour chaque élève est l’un des plus puissants (avec celle de petits équipements scolaires comme globe, carte murale …), dépassant de beaucoup, étonnamment peut-être, l’influence de paramètres tels que la taille du groupe-classe, ou le niveau de formation des maîtres2. : Dans des sociétés où l’écrit est peu présent en zone rurale, et beaucoup moins présent et central dans la vie quotidienne, même en ville, que dans les pays développés (Noyau 2002a), et où les bibliothèques sont rares, le fait pour les élèves d’avoir un manuel à sa disposition garantit une fréquentation régulière de l’écrit, condition sine qua non du devenir lecteur. Dans un pays comme le Togo, les manuels font l’objet d’une jouissance esthétique, et sont considérés comme un cadeau de choix dans les familles. Les manuels de français sont les plus présents (ou les moins absents) dans les écoles, mais ceux d’autres matières lorsqu’ils existent sont des raretés même pour les maîtres : manuels de mathématiques, de sciences d’observation, d’éducation civique, de langue nationale comme ‘matière’ … Nous allons approcher les manuels de français au primaire en Afrique francophone sur l’exemple du Togo, qui permet des comparaisons avec d’autres éléments d’enquête menés dans ce pays sur les apprentissages et les comportements et représentations des maîtres et des parents, et où une 2 Il est nécessaire cependant d’interpréter correctement de tels résultats statistiques : le niveau de formation peut apparaître comme peu influent, lorsqu’on assiste à un nivellement par le bas, conséquence de l’absence de formation pédagogique, les maitres formés sur le tas devenus directeurs ‘formant’ les suivants. Pour des vues plus approfondies sur la place des manuels dans l’économie générale de l’éducation en Afrique, voir Fandio (2003), et Bauchet & Germain (Ed.) 2003, particulièrement dans ce volume les études de : Asselain, Balmès, Mingat, Morrisson, Ngoupandé, Seddoh. évolution récente a eu lieu avec le remplacement d’une série de manuels en vigueur depuis les années 80 par une nouvelle série, introduite à partir de 2002 (généralisée dans les écoles à partir de 2004). Les manuels nationaux de divers pays d’Afrique francophone sont des adaptations contextuelles élaborées avec des équipes d’enseignants de chaque pays d’une série de manuels commune produite par un éditeur français, qui édite les séries nationales avec l’appui de la Coopération française. On peut donc considérer que le cas du Togo éclaire en fait les options pédagogiques adoptées par les systèmes scolaires d’un ensemble plus large de pays sub-sahariens officiellement francophones. Les manuels sont imparfaits par nécessité, dans la tension entre leurs fonctions d’aide à l’apprenant et de soutien à l’enseignant (Vargas, 2006), aussi s’agit-il non d’en effectuer une évaluation, mais d’éclairer les rapports avees outils qu’on maîtres et élèves dans ce contexte éducatif de français langue seconde. II. Les manuels comme source d’exposition à la langue seconde Dans des situations où le livre est rare, où les maîtres sont insuffisamment formés ou recrutés sur le tas, un manuel est un outil structurant. D’ailleurs, le manuel scolaire est considéré comme l’idéal type d’un « livre » par la plupart des maîtres et des parents dans ce contexte. Quand on interroge les maîtres sur leurs lectures personnelles, le manuel revient souvent, plutôt que « du roman », expression qui désigne de façon un peu péjorative la littérature de fiction (Noyau 2002a). Il importe donc de voir ce qu’il apporte. Nous analysons les contenus des manuels de langue française au primaire sous deux éclairages privilégiés : a) l’exposition aux textes et aux genres textuels ; b) l’exposition au lexique verbal, avant de mettre en lumière les représentations que se font maîtres et élèves de la langue et de son apprentissage sur cette base, et de proposer quelques ouvertures pour une rénovation des pratiques pédagogiques liées aux manuels. II.1. Exposition aux textes et aux genres textuels Nous allons présenter des éléments de ces manuels pertinents pour notre réflexion (voir en fin d’article l’inventaire des ouvrages examinés) en précisant si nécessaire d’après le n° de page des phénomènes commentés la période de l’année scolaire où ils interviennent. La série de six manuels de « langage » en vigueur jusqu’en 2004 « Mon [Nième] livre de lecture » pour les six uploads/Litterature/ noyau-manuels-de-francais-langue-seconde-au-primaire.pdf
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- Publié le Apv 12, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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