Langues et cité Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques Septembr

Langues et cité Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques Septembre 2006 Numéro 7 Langues Les rectifications orthographiques En 1990, l'Académie française a approuvé à l'unanimité un cer- tain nombre de rectifications proposées par le Conseil supérieur de la langue française. Celles-ci ont été publiées dans les Documents administratifs du Journal officiel de la République française (n° 100, 6 déc. 1990). Ces rectifications tendent à sup- primer des anomalies, des exceptions ou des irrégularités ; elles touchent en moyenne, moins d'un mot par page d'un livre ordi- naire, et souvent il s'agit d'un accent. Le Premier ministre avait précisé : « Une véritable réforme, qui modifierait les principes mêmes de la graphie de notre langue, et altèrerait donc son visage familier, me parait absolument exclue ». Il insistait aussi, lors de la réception du rapport qu’il avait commandé, sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'imposer, mais seulement de proposer de nouvelles graphies sur quelques points limités : « Il n'a jamais été question pour le Gouvernement de légiférer en cette matière : la langue appartient à ses usa- gers ». Ainsi les anciennes graphies restent admises à côté des nouvelles. Les rectifications proposées ont été largement prises en compte par les dictionnaires, au premier rang desquels le Dictionnaire de l'Académie française, qui les inscrit comme variantes correctes, largement suivi par les dictionnaires les plus courants. Ces rectifications sont officiellement enseignées dans plusieurs pays francophones, alors qu'en France même elles restent assez largement ignorées des enseignants. Pourtant, après une période de 15 ans, on constate que l'usage des dictionnaires et des sim- ples scripteurs francophones a adopté nombre de ces « variantes libres », qu'il ne serait sans doute pas illégitime désormais de rendre accessibles à tous. Rectifications de 1990 p. 2 Connaissance et pratique p. 3 Pour une orthographe vivante p. 6 En Belgique p. 9 Au Québec p. 10 En Suisse p. 11 et cité 2 Les rectifications orthographiques de 1990 1. Les numéraux Les numéraux sont liés par un trait d’union. 2. Les mots composés 2.1 On observe une tendance à la soudure des mots composés d’usage courant. 2.2 Les mots composés prennent la marque du pluriel sur l’élément final, sur le modèle du mot simple. 3. L’accentuation 3.1 On introduit l’accent aigu sur le e pro- noncé fermé. 3.2 On remplace l’accent aigu par l’accent grave sur le e prononcé ouvert. 3.3 Les verbes en -eler/-eter et leurs déri- vés s’écrivent avec l’accent grave et une consonne simple comme les verbes de même formation. 3.4 L’accent circonflexe est supprimé sur le i et le u. 3.5 Le tréma est placé sur le u prononcé. 4. L’invariabilité du participe passé Le participe passé de laisser suivi d’un infi- nitif est invariable. 5. Les mots d’emprunt Les mots d’emprunt, issus du grec ou du latin ou de langues vivantes étrangères, suivent les règles d’écriture du français. 5.1 On observe une tendance à la soudure des mots d’emprunt d’usage courant. 5.2 On observe une tendance à la franci- sation des graphèmes. 5.3 Les mots d’emprunt suivent la règle de formation du pluriel des mots français. 6. Les familles désaccordées Pour plus de cohérence, on tend à régula- riser les familles désaccordées. cent un/cent-un auto-école/autoécole un compte-gouttes, des compte-gouttes/ un compte-goutte, des compte-gouttes assener/asséner céder, céderai/cèderai ; événement/évè- nement amonceler, j’amoncelle, amoncellement/ j’amoncèle, amoncèlement sur le modèle de celer, cèle ; étiqueter, j’étiquette/j’éti- quète sur le modèle de acheter, j’achète î/i, û/u, aî/ai, oî/oi, oû/ou, aoû/aou ; île/ile, flûte/flute, connaître/connaitre, accroître/accroitre, goût/gout, août/ aout aiguë/aigüe ; ambiguïté/ambigüité elle s’est laissée féliciter/elle s’est laissé féliciter a priori/à priori cow-boy/cowboy ; week-end/weekend gas-oil, gasoil/gazole ; referendum/réfé- rendum ; un torero, une torera/un toréro, une toréra ; un supporter/un supporteur, une supportrice un média/des médias ; un jazzman, des jazzmen/un jazzman, des jazzmans ; un squatter/un squatteur, des squatteurs ; un week-end/un weekend, des weekends chariot/charriot d’après charrier, char- rette 3 CONNAISSANCE ET PRATIQUE DE L’ORTHOGRAPHE RECTIFIÉE Les rectifications en France et dans la francophonie Liselotte Biedermann-Pasques CNRS-LAMOP E n 2002 et 2003, une enquête sur la connaissance et la pratique des rectifications a été menée auprès de groupes d’étudiants de diverses uni- versités francophones (en Belgique, en France, au Québec et en Suisse). En ce qui concerne la connaissances des rectifications, les Français arrivent curieusement en dernière position, bien après les Belges, les Suisses et les Québécois. Les Belges viennent en tête des groupes qui déclarent connaitre les rectifications, avec un pourcentage de 60,61 % : plus d’un étudiant sur deux déclare les connai- tre, ce qui n’est pas étonnant quand on sait que certains ont été en contact avec les rectifications dès l’enseignement secondaire, voire primaire dans les insti- tutions catholiques. Suit de très près le groupe suisse de Neuchâtel qui déclare connaitre les rectifications avec un pour- centage de 53,57 % ; comme précédem- ment, plus d’un étudiant sur deux affirme connaitre les rectifications. Les Québécois viennent en troisième position avec respectivement 40,62 % d’étudiants du groupe Université Laval qui déclarent connaitre les rectifications (15,62 % d’en- tre eux, cependant, confondent la notion de graphie rectifiée avec celle de correc- tion orthographique). Pour le groupe Sherbrooke, 35,13 % d’étudiants décla- En février 2006, la DGLFLF et les Presses universitaire d’Orléans ont publié le n° 1 des Cahiers de l’Observatoire des pratiques linguistiques, intitulé : Les rectifications ortho- graphiques de 1990 : analyses des pratiques réelles (Belgique, France Québec Suisse, 2002-2004), sous la direction de Liselotte Biedermann-Pasques et Fabrice Jejcic. Nous présentons ici une synthèse des différents chapitres de cet ouvrage. rent connaitre les rectifications, soit un bon tiers (4,05 % confondent les notions de correction et de rectification orthogra- phique). Les trois groupes français vien- nent en dernière position avec une chute considérable du nombre de ceux qui déclarent connaitre les rectifications : 18,18 % pour Caen 1 ; 4,54 % pour le groupe Paris-IUFM, alors que les rectifi- cations ont été présentées trois semaines environ avant l’enquête. Le groupe Caen 2 vient en dernière position avec 4,34 % d’étudiants qui déclarent connai- tre peu ou prou les rectifications (1 cas de confusion entre rectification et correc- tion orthographique). Parmi les principaux arguments dévelop- pés pour justifier la non-adoption des rec- tifications, figure l’attachement à l’orthographe apprise dans l’enfance ; les rectifications couperaient l’écriture du patrimoine littéraire et de l’étymologie ; elles ne doivent pas devancer l’évolution de la langue ; elles seraient un appauvris- sement de la langue ; il y a une méfiance à l’égard de rectifications susceptibles d’entrainer encore d’autres chan- gements ; certains secteurs de rectifica- tions sont acceptés, d’autres non ; cer- tains étudiants n’ont pas conscience d’appliquer les rectifications, ils ne sont pas sûrs de les connaitre ; les universitai- res ne les connaissent pas et ne les appli- quent pas, etc. Pour ce qui est de la pratique des gra- phies rectifiées, la régularisation du plu- riel de mots composés, avec un s en finale du deuxième élément, type un abat-jour, des abat-jours, vient en tête avec le plus grand pourcentage de gra- phies rectifiées, 49,83 %, soit près d’un étudiant sur deux. Ce type de rectification demande un raisonnement analogique somme toute assez simple par rapport à la formation régulière du pluriel en fran- çais, en finale (stratégie rationalisatrice), ce qui explique que ce secteur ait globa- lement bien marché. Suit le secteur de l’accentuation, avec introduction de l’ac- cent grave sur e prononcé ouvert devant syllabe muette, type je cèd(e)rai et évèn(e)ment, avec 40,26 % de graphies rectifiées. La francisation de mots d’em- prunt, type à capella, avec introduction d’un accent grave sur l’élément à (capella) emprunté à l’italien, sur le modèle de la préposition française à, vient en troisième position, avec 18,93 % de graphies rectifiées, soit néanmoins une chute de plus de 20 % du nombre de rectifications par rapport aux deux sec- teurs précédents. La suppression de l’ac- cent circonflexe sur i représente un pourcentage peu significatif de 3,30 % de rectifications. Quant à la régularisation d’anomalies, du type ognon, qui s’écrirait comme il se prononce, elle n’a donné lieu dans l’enquête qu’à des graphies tradi- tionnelles. De fait il est intéressant de constater que les étudiants français qui, à la question sur la connaissance des recti- fications, répondaient ne pas les connai- tre, les emploient spontanément, ce qui prouve que les rectifications de l’ortho- graphe vont dans le sens de l’usage. Pour ne citer qu’un exemple, à propos de la régularisation du pluriel de mots compo- sés, 69,23 % du groupe d’étudiants de Caen 2 utilisent la graphie rectifiée, et néanmoins 88 % de ce groupe répondent ne pas connaitre les rectifications. 4 Des pratiques gra- phiques aux dis- cours : norme et variation dans le contexte des rectifi- cations de l’ortho- graphe Fabrice Jejcic CNRS-LAMOP D ans le questionnaire relatif à l’en- quête évoquée ci-dessus, il appa- rait que certaines questions, plus que d’autres, sont restées sans réponse. Il en est ainsi de trois questions relatives à la norme et à la variation qui, à elles seules, uploads/Litterature/ lc-7-nouvelle-orthographe-def.pdf

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