1 Henri Van Lier le Tour de l’homme en quatre-vingts thèses Avec Micheline Lo L
1 Henri Van Lier le Tour de l’homme en quatre-vingts thèses Avec Micheline Lo Les affirmations qui suivent se retrouvent dans le texte complet des trente chapitres d'Anthropogénie, dont les versions antérieures circulent polycopiées depuis 1992, et sont accessibles depuis 1998 au site d’accès libre : www.anthropogenie.be. Le présent abrégé ne fait pourtant pas double emploi, car on y dégage des rapports qui échappent peut-être dans les énoncés développés. Les mêmes idées montrent ici des implications, des tensions, des oppositions nouvelles. Et il est plus facile de mettre à jour un texte court qu’un texte long. Ce travail ne vise donc pas uniquement le lecteur pressé. Il a même appris des choses à son auteur. Haeckel a créé le terme d’Anthropogenie, en français anthropogénie synonyme d’anthropogenèse, en 1874 dans un cadre d’embryologie comparée. La présente anthropogénie pose une question plus large mais simple : en quoi Homo, dont la biologie et la paléoanthropologie nous ont montré l'animalité, en particulier celle d'un mammifère et d'un primate, se singularise parmi les animaux, et parmi tous les autres états-moments de l'Univers? En tout cas, de notre Univers proche. Jules Verne a réussi un tour du monde en quatre-vingts jours. Pourquoi ne pas tenter un tour de l'homme en quatre-vingts thèses? Faire le tour ne veut pas dire qu'on a tout dit, vu, entendu, touché. Mais seulement qu'on est revenu à son point de départ. Ou qu'on ne l'a jamais quitté. La dédicace à Micheline Lo n’est pas qu’une satisfaction conjugale et privée. Il fallait presque qu’une anthropogénie résulte de la complicité la plus étroite et constante d’un homme et d’une femme, d’un théoricien et d’une artiste extrême, qui déclara un jour comme par inadvertance : je peins le paysage cérébral. A ce nom il faut ajouter celui de trois collaborateurs de plus d’un demi-siècle, également disparus il y a peu, et qui ont connu et contrôlé au plus près toutes les étapes d’Anthropogénie jusqu’à hier : le poète et mathématicien, catégoricien et toposiste, René Lavendhomme de l’Université de Louvain-la- Neuve ; le linguiste et terminologue Georges Lurquin, fondateur-directeur de la revue « Le langage et l’homme » et du centre « Informatique et Bible » ; le psychologue expérimental, statisticien et clinicien, Jean-Louis Laroche de l’Université de Montréal. Tous les quatre avaient aperçu que l’anthropogénie n’est pas une philosophie de plus, ni une simple addition aux sciences humaines, mais une nouvelle discipline. Deux d’entre eux, René Lavendhomme et Micheline Lo, ont connu les premières versions de cet abrégé et s’en étaient montrés satisfaits. On peut espérer que les dernières mises au point du texte n’auraient pas contrarié leur attente. La présente version est du 1er mars 2004. LES BASES 2 A. Un corps technique et sémiotique 1. L'angularité calable. L’orthogonalité. La stature dressée et assise – Le plus frappant dans le corps d'Homo est sans doute que ses articulations sont capables d'angles, entre phalangettes, phalangines, phalanges, puis au poignet, au coude, à l'épaule, enfin au bassin, au genou, au pied s'appliquant au sol. Il angularise. Ces angles ne sont pas seulement décidés, mais peuvent être calés durant un temps plus ou moins long, moyennant des dispositions osseuses et même des perceptions kinesthésiques angulatrices. Et parmi ces angles, certains sont droits, orthogonaux, ce qui leur donne une faculté de référence, révolutionnaire dans l'environnement antérieur. Homo a surgi dans notre Univers proche comme l'animal angulateur, orthogoniseur. Articulateur de tout ce qu'il saisit. D'autant qu'aux orthogonalités de la station debout son corps a adjoint celles de la station assise, démontrant la stabilité pratique mais aussi sémiotique de trois angles droits majeurs, - bassin, genoux, pieds, - que fixera la chaise tant de l'artisan que du potentat, civil ou religieux. La chaise de l'évêque, la cathèdre, a suscité la cathédrale. Les parsecs, par lesquels nous calculons la distance des étoiles, sont encore des angles. 2. Les mains planes et planifiantes en symétrie bilatérale. L’application (mapping) – En concordance avec l'angulation, l'évolution d'Homo a sélectionné des mains planes et qui mettent en évidence leur symétrie bilatérale. S'appliquant à un environnement, ces mains ont invité à le malaxer, pétrir, lisser, jusqu'à créer l’évidence d'objets relativement lisses, d'abord courbes, puis orthogonalement plans. Mais elles furent portées aussi à s'appliquer l'une à l'autre, l'une sur l'autre, l'une dans l'autre, et cela en toutes directions, semblables ou inverses. De quoi engendrer le nombre, arithmétique, et la figure, géométrique. Bref, de quoi mathématiser toute forme, inanimée ou vivante. Un ouvrage de mathématique très général, Conceptual Mathematics des catégoriciens Lawvere and Shanuel, s'ouvre sur cette phrase très anthropogénique : "We all begin gathering our mathematical ideas in early childhood, when we discover that our two hands match" ; le verbe "match" anglais, de la racine *maacen, couvre l'égalité (to equal) et l'accouplement (to mate). Les mêmes auteurs dégagent plus loin le caractère aussi fondamental de l'application, autre performance des mains planes et de la symétrie bilatérale, en anglais to map (cartographier). Le mapping comporte le concept de fonction : y = (f)x, clé de toute mathématique ultérieure. Ou le regard mathématique comme tel. Et physicien aussi. Le pli de l'application, pli à pli, est la première des sept catastrophes élémentaires de la topologie différentielle (Thom), à savoir : le pli, la fronce, la queue d'aronde, l'aile de papillon, les ombilics elliptique, parabolique, hyperbolique. Les applications des mains planes mathématisent tout ce qu’Homo aborde, saisit dans tous les sens de ce verbe à la fois immédiatement tactile et lointainement mental. 3. Le ralentissement du couple continu/discontinu. Geste et pas, le segment technique. La topologie et le rythme – Mais cette maîtrise de l'étendue, expérience première de l'espace, eût été inefficace sans la maîtrise de la durée, expérience première du temps. Et Homo a sélectionné évolutivement la capacité de ralentir indéfiniment ses mouvements, leur permettant, en plus de modeler et de moduler, d'ajuster angulations et planages, jusqu'à concevoir la justesse, et un jour la justice ; la phalangette et la phalangine du pouce sapiens sapiens furent sélectionnées selon une proportion invitant à des prises graciles pointues que ne permettait pas le pouce robuste néandertalien. Continus et ralentis à volonté, les mouvements des mains devinrent le geste (gerere, dont vient gestus, n’est pas simplement facere, operari). Et ceux des pieds, le pas. Le couple du pas et du geste, où les pieds transportent les mains là où elles sont efficaces, fit la technique. Déclenchant corrélativement la topologie, c'est-à-dire la distribution en proche et lointain, continu et discontinu, englobant et englobé, ouvert et 3 fermé. Mais aussi, très tôt sans doute, la mesure de la géométrie (mesure de la terre arpentée), à partir des étalons du pas, du pied, du pouce, de l'empan, de la coudée, de la brassée. Pendulaire, le pas sera même un étalon qui croise l'espace et le temps, et sa cadence, sa chute (thesis) et sa levée (arsis) réglées, fournira un premier métronome, à la façon dont les doigts de la main furent le premier boulier compteur. Le pas acheva sa fonction anthropogénique comme matrice du rythme, avec ses huit recours <30>, commandant en particulier la santé <67> et la vie d’art <70>. La marche se fit démarche. 4. La substitution et la possibilisation. Le primate possibilisateur. L'échange et la segmentarisation. Le commerce – Au bout des deux bras dégagés, les mains planes et symétriques peuvent se croiser de façon aisée, claire, récurrente. Ainsi, un objet A dans la main droite se donne comme pouvant occuper la place d'un objet B dans la main gauche. L'inverse et le même ne s'excluent pas, ils sont chacun en puissance de l'autre. Oui, A ou B ou C sont ici maintenant, mais ils peuvent, ou en tout cas pourraient, être ailleurs, ou autres. La substitution manuelle et à un moindre degré la substitution pédestre ouvrirent les possibles, les possibilités, la possibilisation, le virtuel, qui est une façon de saisir tout ce qu'on saisit en tant qu'à la fois effectif et disponible. Déjà angularisant, planant et arpentant, Homo a surgi dans l'environnement terrestre comme l'animal possibilisateur. Sa faculté de substitution acheva de distribuer son environnement en segments, suggérant l'échange exact et l'échange interprétatif. Elle fera du commerce (merx, échangé, échangeable) l'activité constante d'Homo, et de l'échangeur neutre (notre monnaie) l'instrument de ses plus grands projets et de ses plus grandes folies. 5. La transversalisation. La largeur prévalente. L’évidence et le suspens. Le primate transversalisant et suspensif – En sorte qu'Homo a fini par introduire sur Terre trois plans de référence orthogonaux l'un à l'autre, et donc trois dimensions décidées. D'abord le plan de largeur, infini et mince, qu'ont dressé dans l'environnement terrestre son tronc relativement plat, ses bras qui s’écartent à tous les intermédiaires des hauteurs diverses, ses jambes qui s’écartent de même, comme l'ont anthropogéniquement dessiné Léonard de Vinci pour l’homme debout et Micheline Lo pour la femme parturiente. Puis, en constraste orthogonal, le plan de profondeur, référé au sol horizontal, c’est-à-dire cerné par l’horizon. Enfin, comme accomplissement vertigineux, un plan de hauteur coupant les deux premiers, orthogonalement encore. Parmi les trois dimensions, on ne saurait assez uploads/Litterature/ antrhopogenie-succinte 1 .pdf
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- Publié le Aoû 26, 2022
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