Lambert-Lucas L I M O G E S « LA LEXICOTHÈQUE » —oOo— François Gaudin (éd.) Ala
Lambert-Lucas L I M O G E S « LA LEXICOTHÈQUE » —oOo— François Gaudin (éd.) Alain Rey, vocabuliste français «Alain Rey a consacré sa vie à la description de la langue française en tant que bien commun universel inaliénable. Il l’a fait en conjuguant érudition et ouverture, tolérance et exigence ; je dirais avec bienveillance, considérant que la langue française appartient avant tout à ceux qui la parlent. Ni grammairien contraint à l’austérité, ni linguiste enfermé dans sa théorie, ni lettré confit dans sa suffisance, Alain Rey a su faire partager à un large public le goût du vocabulaire et le sens du mot juste, mettant ses connais- sances historiques au service d’analyses lexicales acérées. Observateur attentif de l’usage, “vocabuliste” comme disait Louis-Sébastien Mercier, il a su rendre justice à la créativité des locuteurs qui, parfois dans les marges, font bouger une langue naguère ossifiée. Loin de défendre un idiome pous- siéreux, il se fait volontiers le chantre des inventions linguistiques des ban- lieues » (extrait de la préface de François Gaudin). L’ouvrage réunit les premières contributions en hommage à Alain Rey lors du colloque « Alain Rey, ou Le Malin Génie de la langue française », Rouen, 4 et 5 juin 2009, couvrant la plupart des thèmes de son activité de lexicologue, de lexicographe, de linguiste et de sémiologue. Textes de Sylvain Auroux, Bruno de Bessé, Louis-Jean Calvet, Alexandra Cunita, Loïc Depecker, Henri Mitterand, Jean-Yves Mollier, Jean-François Sablayrolles et Salah Stetié, réunis et présentés par François Gaudin. 106 pages 10 euros ISSN 1958-0738 ISBN 978-2-915806-71-7 ™xHSMJLFy806717z « La Lexicothèque » Collection dirigée par Christine Jacquet-Pfau Alain Rey, vocabuliste français Textes réunis et présentés par François Gaudin Ouvrage publié avec le concours de la Région Haute-Normandie Couverture : Alain Rey, photo de Carme Arisa, © Éditions Le Robert. © Lambert-Lucas, Limoges, 2011 ISBN 978-2-915806-71-7 « La Lexicothèque » ISSN 1958-0738 L’ÂNE ET LE FABULISTE L’âne disait un jour à Lafontaine : Vous me devez un dédommagement, C’est, lorsqu’à l’avenir vous me mettrez en scène, De me faire parler spirituellement. Moi, dit le fabuliste, accorder à ta race Plus d’esprit que du Ciel elle n’en a reçu ! Tu n’y gagnerais rien, et du public déçu Le mécontentement me mettrait à ta place. J’ai pour règle de peindre aux regards satisfaits Les bêtes et les gens tels que Dieu les a faits. Victor de Perrodil CECI N’EST PAS UNE PRÉFACE François GAUDIN Université de Rouen Laboratoires « Lexiques, Dictionnaires, Informatique » (UMR CNRS 7187) et « Linguistique, Didactique, Francophonie » (EA 4305) À bas le génie ! Ce titre d’un des livres d’Alain Rey n’incite pas à la flagornerie. Si le colloque qui est à l’origine de cette publication s’in- titulait « Alain Rey, le malin génie de la langue française », c’est que génie et malin sont polysémiques et que ce titre appelait de multiples interprétations. L’homme n’est pas un mauvais diable, mais le linguis- te est un diable d’homme ! Grâce aux pouvoirs conjugués du marketing éditorial et des moyens de communication, il est l’un des rares lexicographes célèbres de son vivant. Le public en témoigne tous les jours, il est devenu une référence et un familier. Son visage s’affiche dans les librairies et les magazines ; sa voix est devenue familière à de nombreux auditeurs et téléspectateurs ; le succès de ses ouvrages dément les pessimistes propos sur la fin de la lecture. Ce succès n’est pas de ceux qui laissent songeur. Il s’explique très aisément, trop peut-être. Alain Rey a consacré sa vie à la description de la langue française en tant que bien commun universel inaliénable. Il l’a fait en conjuguant érudition et ouverture, tolérance et exigence ; je dirai avec bienveillance, considérant que la langue française appar- tient avant tout à ceux qui la parlent. Ni grammairien contraint à l’aus- térité, ni linguiste enfermé dans sa théorie, ni lettré confit dans sa suffisance, Alain Rey a su faire partager à un large public le goût du vocabulaire et le sens du mot juste, mettant ses connaissances histori- ques au service d’analyses lexicales acérées. Observateur attentif de l’usage, vocabuliste, comme se disait Louis-Sébastien Mercier 1, il a su rendre justice à la créativité des locuteurs qui, parfois dans les mar- ges, font bouger une langue naguère ossifiée. Loin de défendre un idiome poussiéreux, il se fait volontiers le chantre des inventions lin- guistiques des banlieues. 1. « Mais j’oublie toujours que je ne suis ici qu’un vocabuliste » écrit Sébastien Mercier dans sa Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux, Paris, Moussard et Marandan, an IX-1801, p. 57. 10 FRANÇOIS GAUDIN On sait mieux aujourd’hui que la langue française évolue et que cette évolution ne doit pas être freinée par un purisme paralysant. Et sur ce point, la voix d’Alain Rey est sans doute parmi celles qui ont été le mieux entendues. Cette voix, il y a longtemps que nous l’avions entendue. Elle nous a accompagnés longtemps, car Alain Rey a aussi publié beaucoup en direction des chercheurs. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser une manifestation scientifique puis réuni des auteurs, des témoins, des amis. Ce n’était pas parce qu’il avait fait carrière dans le secteur marchand que les fonctionnaires de la recherche ne devaient pas manifester leur reconnaissance à l’un de leurs pairs. Ceci n’est une préface. Je ne retracerai pas ici la carrière d’Alain Rey, d’autres l’ont fait 2. Bien sûr, avant d’être un chroniqueur, Alain Rey est avant tout le rédacteur, puis le maître d’œuvre de dictionnaires qui ont modifié le rapport des francophones à leur langue. Le Grand Robert puis le Petit Robert sont tellement installés dans nos habitudes et nos bibliothèques qu’on en oublie quel changement ils ont instauré à une période où les très sages opuscules de la maison Larousse domi- naient le marché sans partage, ou presque. Ces deux dictionnaires font aujourd’hui partie des usuels ; et pourtant leur jeunesse fut fougueuse. C’était hier. Le Grand Robert, dont le premier volume paraissait en 1953, traçait la voie, monument accueillant aux textes contemporains. Le Petit Robert dépoussiérait le vocabulaire à la veille du printemps de 1968. Les dictionnaires de cette brillante équipe ouvraient une fenêtre au vent de la rue ; Maurice Druon accusait Alain Rey et son équipe de « ramasser les mots dans le ruisseau » ‒ bel endroit après tout que celui où, sous les balles, tombe Gavroche... Puis de Gaulle posa sa plume et referma son encrier. Le Micro-Robert, paru en 1971, fut le dernier que lança Paul Ro- bert de son vivant, mais depuis longtemps déjà, il ne se mêlait plus de rédiger. C’est dire si le magistère d’Alain Rey fut long. Il le partagea, au premier chef, avec la regrettée Josette Rey-Debove, sa première épouse, théoricienne et lexicographe novatrice ; mais les hommes ont ce fréquent travers de prendre une plus grande part de la lumière. D’ailleurs, pour rendre justice aux dictionnaires de la maison Le Robert, il faudrait tenter un portrait de groupe, mais tel n’est pas mon propos. Durant ces années soixante-dix, celles du structuralisme triom- phant, Alain Rey faisait jeu égal avec les lexicographes et universi- taires Jean Dubois et Louis Guilbert – l’un anima l’équipe du Diction- naire du français contemporain, fondé sur une théorie explicite qui assura sa renommée parmi les chercheurs et son insuccès commercial ; 2. On pourra consulter l’ouvrage de Giovanni Dotoli, Alain Rey. Artisan et savant du dictionnaire, Paris, Hermann, 2010. CECI N’EST PAS UNE PRÉFACE 11 l’autre dirigea les six volumes du Grand Larousse de la langue fran- çaise, un ouvrage de qualité dont le destin ne fut pas plus favorable… Marginal à sa façon, Alain Rey était, par exemple, le seul non- universitaire dans le comité scientifique d’une revue prestigieuse, Langue française. Il publia alors beaucoup, contribuant à l’essor de la lexicologie comme discipline. Et en plus, il fit des dictionnaires. Parmi ceux-là, le Dictionnaire des expressions et locutions, cosi- gné avec Sophie Chantreau, permet d’insister sur l’importance accor- dée par Alain Rey dans sa description du français aux façons de parler qui constituent une part très importante de notre vocabulaire. Il y eut aussi un Dictionnaire non conventionnel, dont l’adjectif, qui certes dépeint bien le programme de l’ouvrage, renvoie aussi avec justesse à son co-auteur (l’autre était le regretté Jacques Cellard). En effet, Alain Rey est non conventionnel dans son approche de la langue, du vocabu- laire particulièrement, mais aussi dans sa façon de penser. Il exerce pleinement sa liberté de pensée et son sens critique mais sans acrimo- nie ni acidité, alliant bonhomie et sens du combat et sachant marier la bienveillance de l’humaniste et l’affirmation tranquille de ses valeurs. Quel autre préfacier de dictionnaire pourrait dire qu’il souhaite « combattre le pessimisme intéressé et passéiste des purismes agres- sifs comme l’indifférence molle des laxismes » 3 ? Cette vision plu- rielle et non hiérarchique de la langue, ce refus de la prééminence d’un bon usage corseté, témoigne d’un humanisme libertaire 4. Histo- rien des mots, et à travers eux, des uploads/Litterature/ oa-alain-rey-vocabuliste.pdf
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- Publié le Oct 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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