1 BAROQUES ET ROCOCOS Le pouvoir de la musique Orféo de Monteverdi DOMINIQUE FL

1 BAROQUES ET ROCOCOS Le pouvoir de la musique Orféo de Monteverdi DOMINIQUE FLACART IUFM de MONTPELLIER En 1607, pour le Carnaval de Mantoue, le Prince héritier Francesco Gonzague commande à Claudio Monteverdi une fable en musique : l’Orféo. La légende d’Orphée issue de la mythologie grecque est à l’origine du livret rédigé par Striggio. Cet opéra compte 5 actes qui sont organisés symétriquement autour du 3ème acte dans lequel sont développées les stances d’Orphée : stances qui illustrent le pouvoir de la musique. Cette construction symétrique est parachevée par le prologue et le dénouement : - Le prologue est consacré à l’intervention de la Musica (une muse) - Le dénouement s’achève autour de la figure d’Apollon (père des muses et des arts) Présentation Orphée, Eurydice et Hermès. (Bas-relief, Ve siècle av. J.-C.) - Une introduction orchestrale : brillante. - Le prologue : chanté par la Musica (personnage allégorique) - Acte I : scènes pastorales très vivantes. Les Nymphes et les bergers se réjouissent de l’amour partagé d’ Orphée et Eurydice dont on annonce le mariage. - Acte II : contraste entre le bonheur exalté d’Orphée et l’annonce de la messagère. Eurydice est morte des suites de la morsure d’un serpent. Désolation et douleur s’expriment avec force. - Acte III : descente d’Orphée aux Enfers. Il ne parvient pas à attendrir Caron. - Acte IV : Proserpine a entendu les stances d’Orphée; émue, elle demande à Pluton, son époux d’intercéder. Une condition est posée : Eurydice est autorisée à quitter les Enfers pour suivre Orphée mais celui-ci ne doit pas se retourner. Il ne tient pas cette promesse. - Acte V : de retour sur terre, Orphée chante son désespoir. Apollon touché par sa détresse vient le chercher afin de l’emmener avec lui au ciel. - Un chœur conclut l’opéra Copyright : CRDP de Montpellier 2007 2 Les moyens musicaux Orphée et Eurydice, de Nicolas Poussin (1659) - Une importance exceptionnelle est accordée aux pièces instrumentales : sinfonie et ritornelli sont au nombre de 20. Monteverdi a noté sur la partition avec précision les détails instrumentaux ce qui est inhabituel à cette époque. Ces pièces instrumentales jouent un rôle dramatique - Les interventions du chœur structurent la tragédie : chaque acte se termine par une conclusion chorale. - Différents chants sont au service du texte : des chants strophiques, le récitatif, le chant virtuose, des chants d’allure dansante. L’orchestre : Joueur de flûte, de Hendrick Terbrugghen (1621) Une chitarrone : Joueur de luth, de A. Grammatica (1620) L’orchestre d’Orféo est composé de trois groupes : les vents, les cordes et les instruments de la basse continue. - Les trompettes et timbales interviennent uniquement dans l’introduction : c’est la première fois dans l’histoire de la musique occidentale que la musique est notée pour les trompettes - Les cuivres : cornets et sacqueboutes (ancêtres du trombone) apparaissent dans les actes III et IV, actes dont l’action se situe dans les Enfers. - Les flûtes restent « sur terre » : ce sont les instruments liés aux bergers et aux Nymphes. - Les cordes sont présentes pendant tout l’opéra et sont liées comme Eurydice aux deux mondes; elles jouent en tutti (groupe) ou en soli (solistes) Une grande variété instrumentale est requise pour jouer la basse continue : clavecin, deux sortes d’orgue, deux chitarrones, des violes de gambe. Leur intervention est dictée par les « passions » ou « affections » qu’elles traduisent : elle est soumise au contexte dramatique. - L’orgue régale (petite boîte portative possédant des anches battantes en métal mises en vibration par le vent de deux soufflets dont la sonorité est rauque) accompagne Caron ou Pluton, personnages vivant dans les Enfers. - La harpe accompagne Apollon. - Eurydice est soutenue par le chitarrone (instrument dérivé du luth au manche démesurément long dont la sonorité grave est puissante). - Les bergers sont soutenus par le clavecin et le chitarrone. - Orphée est accompagné par différents instruments afin de traduire le climat expressif du moment. Copyright : CRDP de Montpellier 2007 3 Les voix Orphée et Eurydice, fresque de Jules-Elie Delaunay (Opéra Garnier, 1875, Paris) Elles sont présentées sous plusieurs aspects : les solistes, les ensembles, les chœurs. I - Les solistes : Interprètent les personnages principaux. L’attribution des différents types de voix en fonction des personnages telle que Monteverdi l’a pensée est devenu un « stéréotype » dans les opéras futurs. La voix - et non le physique - incarnent un personnage. - Les basses interprètent les personnages en opposition au héros : Caron ou les sages : Pluton - Le ténor représente le héros : Orphée - La soprane incarne la jeune fille : Eurydice II - Les ensembles - Duos : de bergers (actes I et II) - Trios : une Nymphe et deux bergers (acte I) - Aucun ensemble dans les trois derniers actes III - Les chœurs Commentent les évènements au cours et à la fin de chaque acte. Ils correspondent au climat expressif développé. - Chœur des nymphes et des bergers : actes I, II - Chœur des esprits infernaux : actes III, IV - Chœur au caractère sacré: acte V. Son message est proche de la prière car il procède de l’esprit de la rédemption. Par la beauté de son inspiration, de sa voix, par le charme de son chant, Orphée a en s’accompagnant avec divers instruments ému deux Dieux : Pluton et Apollon (divinités des Enfers et du Ciel) Ses qualités expressives et musicales lui ont permis d’accéder au royaume des Dieux. Par cette favola in musica (fable en musique), Monteverdi démonte que le pouvoir de la musique et du beau chant permettent de dépasser la condition humaine. Copyright : CRDP de Montpellier 2007 4 Ecoutons Orphée ramenant Euridice des enfers, de Camille Corot (1861) Illustration du titre : Le Parnasse (XVIIe siècle) ACTE I : Un récitatif Eurydice (7). La musique est au service du texte ; elle en suit les intonations, les accents : c’est un exemple de récitatif. La basse continue est jouée par le chitarrone L’esprit de la danse Le chœur des nymphes et des bergers (6) est composé de 2 strophes séparées par une ritournelle. Chaque strophe est marquée par des contrastes : a - Contrastes rythmique : La première partie est une marche, la division du temps est binaire ; la deuxième partie est une danse, la division du temps est ternaire b - Contrastes stylistiques : La marche est écrite dans le style ancien, appelé prima pratica, les entrées des différentes voix sont décalées. La danse est écrite dans le style caractéristique du Baroque, appelé secunda pratica. Les voix sont homorythmiques ACTE IV La représentation des affections Orphée (1 3) : Air strophique. La représentation d’affections diverses est caractéristique de cet air. La basse continue change suivant le climat émotionnel afférent aux différentes strophes : - Strophe 1 : clavecin et basse continue - Strophe 2 : viole de gambe et citharrone - Strophe 3 : Clavecin, chitarrone et viole de gambe - Strophe 4 : clavecin et viole de gambe Les diverses couleurs de la basse continue Pluton et Caron: sonorité particulière de l’orgue régale, assez agressive (9 : Pluton) Eurydice : chitarrone solo Orphée : clavecin et viole de gambe Messagère : orgue et chitarrone (14) Apollon : harpe (16) Copyright : CRDP de Montpellier 2007 uploads/Litterature/ orfeo-de-monteverdi.pdf

  • 11
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager