197 1 1 . Wendelin Werner S pécialiste des probabilités, il est le premier math
197 1 1 . Wendelin Werner S pécialiste des probabilités, il est le premier mathé- maticien à recevoir la médaille Fields* pour cette discipline. Il attribue cette reconnaissance à des ren- contres avec de brillants collègues et peut-être aussi à son sens de l’orientation qui l’a aidé à retrouver son chemin dans les méandres des trajectoires aléatoires… 1968 Naissance à Cologne (Allemagne) 1969 Arrivée en France 1981 Tourne dans La Passante du Sans-Souci 1987 Entrée à l’École normale supérieure de Paris 1991 Entrée au CNRS 1997 Professeur à l’université Paris-Sud (Orsay) 2006 Médaille Fields PARCOURS DE MATHÉMATICIENS 198 La vocation « Mon père était au CNRS, mais en littérature (mes parents étaient d’ailleurs venus en France car il travaillait sur les manuscrits de Heinrich Heine que la Bibliothèque nationale venait alors d’acquérir) et il n’y avait pas dans ma famille de scientifique. Du coup, je ne m’étais jamais posé la question des mathématiques en termes de métier possible. Mais il est vrai que les matières scientifiques m’ont toujours plu, et surtout les mathématiques. Quand j’avais 3 ou 4 ans, ma grand-mère me surnommait le “petit mathématicien”, sans doute parce que j’aimais les chiffres. À l’école, j’appréciais particulièrement les mathématiques, peut-être parce que c’est la matière dans laquelle l’évaluation est la plus équitable, contrairement à d’autres où l’on peut avoir compris sans que cela se traduise par de bons résultats. La légende familiale, sans doute exagérée, met en avant mon bon sens de l’orientation. Mes parents racontent que je gigotais dans tous les sens dans la voiture lorsque ma mère se trompait de chemin, alors que je n’étais pas encore capable de parler ! Le fait est que je me suis très tôt bien repéré dans l’espace et que, plus tard, j’aimais regarder les cartes géographiques sur lesquelles je m’amusais à retracer mentalement tous les endroits où j’étais passé (souvent au cours de randonnées à vélo). Je m’étais d’ailleurs dit que je travaillerais un jour à l’Institut géographique national (IGN) dont j’aimais acheter les cartes… Enfant, j’appréciais aussi d’autres choses : faire de la musique, jouer à des jeux de société ou regarder les étoiles – j’avais lu quelques livres sur l’astronomie. Pendant la période entre 9 et 15 ans, si un adulte me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais toujours “astronome”. Mais bon, je n’étais pas si “intellectuel” que cela, le foot jouait un rôle prépondérant dans ma vie… 199 Wendelin Werner Durant l’année de troisième, j’ai eu la chance de jouer dans le film de Jacques Rouffio et Jacques Kirsner, La Passante du Sans-Souci, où je tenais le rôle du fils adop- tif de Romy Schneider. Les producteurs cherchaient un enfant qui jouait du violon et cela m’est tombé dessus un peu par hasard. Le “Monsieur Casting” du film, Dominique Besnehard, aujourd’hui assez connu entre autres en tant qu’agent de stars, était passé dans l’or- chestre de jeunes où je répétais en demandant qui souhaiterait jouer dans un film. J’ai été l’un des seuls à ne pas avoir levé la main… J’ai donc vécu cette expé- rience sans plan particulier, essentiellement par curio- sité. Cependant, il a fallu à un moment que je me pose la question de savoir si j’étais bien certain de ne pas vouloir poursuivre dans cette branche. Il y avait plein de gens sympathiques et l’ambiance des plateaux, avec les techniciens, était intéressante. Toutefois, il n’y avait pas de réelle démarche artistique de ma part et je ne ressentais pas une envie de m’exprimer à travers le jeu d’acteur. Me demandant donc ce que je voulais faire plus tard, je me suis alors rendu compte que j’étais attiré par la stimulation intellectuelle et scientifique. Je me souviens avoir formalisé à cette période l’idée que je ferais des études scientifiques après le baccalauréat. » Le cursus « Même si mes origines sont en première approxima- tion germaniques (je suis né citoyen allemand) et que j’ai effectué mes études secondaires dans un lycée franco-allemand, je suis un produit du système sco- laire français. La voie m’était toute tracée : les bons élèves qui s’intéressent aux sciences ne se posent pas trop de questions, ils vont en classe préparatoire et présentent ensuite aux concours des grandes écoles. J’ai fait mes années de classe préparatoire au lycée Hoche de Versailles. En fait, c’était une période plutôt tranquille, les cours et leur contenu me plaisaient, et puis ce n’est pas désagréable d’avoir de bonnes notes… PARCOURS DE MATHÉMATICIENS 200 En 1987, je suis entré à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, mais j’ignorais encore si j’allais faire des mathématiques ou de la physique. J’aimais bien les sujets traités dans cette dernière matière (j’avais eu d’excellents professeurs au lycée), mais je trouvais qu’en classe préparatoire, une partie de l’enseigne- ment était artificiel, dans le seul but d’arriver à fabri- quer une note au détriment du contenu. Les mathé- matiques souffraient un peu moins de ce travers. “Peut-être que ce défaut disparaîtrait à l’ENS”, me suis-je dit, et, durant le premier semestre, j’ai suivi des cours de physique en parallèle au cursus de mathé- matiques. Ces cours, essentiellement de la physique statistique et de la mécanique quantique, me déçurent. J’ignore exactement pourquoi, mais disons que j’atten- dais quelque chose que je n’ai pas ressenti à ce moment-là. J’avais aussi gardé dans un coin de ma tête cette envie d’enfant de faire de l’astronomie, mais ayant entendu dire que le secteur était “bouché” et compte tenu du fait que j’appréciais les cours de mathématiques, je n’ai pas exploré cette idée. La deuxième année, j’ai suivi un DEA (aujourd’hui un master 2) de probabilités, car cette spécialité m’atti- rait. J’ai fait mon mémoire avec Paul Malliavin, spécialiste de l’analyse stochastique*. J’ai ensuite embrayé avec une thèse sous la direction de Jean- François Le Gall, dont j’avais apprécié les cours en DEA. Il fait partie de ces mathématiciens qui font des cours et des exposés magnifiques, très préparés, ne laissant rien au hasard. Cette clarté méticuleuse allait jusque dans la rédaction des articles qu’il voulait par- faits. Quand on se retrouve entre anciens thésards de Jean-François Le Gall, on se remémore avec “émo- tion” du grand nombre de fois où il nous demandait de reprendre la présentation de nos articles… Le sujet sur lequel j’ai commencé à travailler tournait autour du mouvement brownien plan, les trajectoires continues aléatoires. J’ai retrouvé dans ce sujet une synthèse de tout ce que j’aimais. Il y avait des aspects 201 Wendelin Werner de géométrie descriptive, comme lorsqu’on lit une carte routière ou une carte géographique et que l’on cherche à décrire ce que l’on voit. ll y avait des trajets bidimensionnels, comme aux échecs ou sur les cartes routières encore, et un aspect aléatoire, comme dans les jeux auxquels je jouais en famille étant enfant. Il y avait aussi cet aspect infini ou infinitésimal présent dans ces trajectoires continues qui me rappelait l’astronomie. Bref, cela me correspondait et je m’y suis tout de suite senti bien. Dans le courant de la troisième année à l’ENS, j’ai donc commencé une thèse sous la direction de Le Gall sur les trajectoires browniennes. À la fin des quatre années d’école, j’avais commencé ma thèse depuis plus d’un an et je suis rentré au CNRS. C’était une époque où il était possible d’y rentrer jeune, avant même d’avoir fini sa thèse. Cette embauche précoce a été une chance car elle m’a assuré beaucoup de liberté dans mes recherches : sans la pression de publier pour avoir des dossiers d’embauche solides qui “présentent bien”, j’ai pu prendre mon temps pour finir ma thèse et parfaire mes connaissances. En 1993, après ma soutenance, je suis parti faire un séjour postdoctoral à Cambridge, en Angleterre. J’y ai passé deux années financées par une bourse euro- péenne, qui tenaient en partie lieu de service national (en tant que coopérant, on m’a d’ailleurs vacciné contre la fièvre jaune avant de partir car c’était le règle- ment…). Cela a été une période fructueuse. D’abord, je n’avais pas de pression, puisque mon poste au CNRS m’attendait au retour. Ce calme relatif m’a incité à aborder des questions considérées comme diffi- ciles, car je n’avais pas de nécessité de résultat immé- diat. Ensuite, Cambridge était un lieu de passage et j’y ai entendu beaucoup de conférenciers intéressants. Enfin, c’est à cette période que j’ai commencé à parti- ciper à des conférences organisées aux États-Unis. J’ai ainsi pu rencontrer de nombreux mathématiciens et démarrer des collaborations internationales. C’est un PARCOURS DE MATHÉMATICIENS 202 peu plus tard, au cours d’une conférence à Oberwol- fach (Allemagne), en 1997, que j’ai commencé à travailler avec Gregory Lawler, qui est devenu l’un de mes collaborateurs principaux par la suite. » L’apport aux mathématiques Les trajectoires browniennes « Une trajectoire brownienne dans le plan est une courbe que l’on peut grosso modo décrire en disant que sa direction change à chaque instant de manière aléa- toire. C’est analogue à la “marche de l’ivrogne” sauf que dans l’objet mathématique c’est à chaque instant uploads/Litterature/ parcours-math-werner.pdf
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- Publié le Jui 08, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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