Romania Études sur le roman de Perceforêt L.-F. Flutre Citer ce document / Cite
Romania Études sur le roman de Perceforêt L.-F. Flutre Citer ce document / Cite this document : Flutre L.-F. Études sur le roman de Perceforêt. In: Romania, tome 70 n°280, 1948. pp. 474-522; doi : https://doi.org/10.3406/roma.1948.3679 https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1948_num_70_280_3679 Fichier pdf généré le 06/04/2018 ÉTUDES SUR LE ROMAN DE PERCEFORÊT PREMIER ARTICLE Perceforêt est le plus vaste des romans que nous ait laissés le moyen âge. Comprenant 531 chapitres, qui occupent 3.400 co¬ lonnes petit in-folio, — ce qui équivaut à 6 ou 7.000 pages de nos in-seize actuels, — il dépasse de beaucoup en lon¬ gueur les romans à' Alexandre et de Troie , Y Histoire du Graal, le Lancelot en prose, les Amadis de Gaule. Et ce « roman fleuve » est en même temps, peut-être, la plus ennuyeuse de toutes ces compositions ; car, si une partie du premier livre, quelques chapitres dispersés dans les cinq autres, — tels le conte de la Rose, les aventures du malin esprit Zéphir, l'enchantement de Zélandine, l'histoire du Chevalier Doré et de la Pucelle au Cœur d'acier, — se lisent avec un certain intérêt, le reste, descriptions de tournois ou récits d'aventures fantastiques toutes plus ou moins sur le même modèle, est d'une monotonie désespérante '. Si l'on ajoute que le texte de Perceforêt est difficilement abor- i. Sur les différentes opinions émises à propos de l'intérêt de Perceforêt , voir G. Paris, Le conte de la Rose dans le roman de Perce/orest, dans Romania, XXIII (1894), p. 80, — qui lui-même, p. 87, en fait un éloge très mitigé. Ajouter Paulin Paris, Mss. français..., t. I, p. 143 : « Le Perceforest est bien inférieur en mérite à V Amadis. On y chercherait vainement cet esprit, cet aimable et gracieux enjouement qui fait passer les récits les plus invraisem¬ blables du monde... Des détails de tournois, des descriptions héraldiques, de l'érudition mythologique en quantité ; mais des scènes de tendresse fort peu tendres, des peintures et des descriptions d'amour fort peu contagieuses » ; et F. Lot, Étude sur le Lancelot en prose, p. 289, note : « composition d'une prolixité et d'un ennui effroyables. »> LE ROMAN DE PERCEFORÊT 475 dable, n'ayant pas été publié depuis le xvie siècle ; que les versions que nous en connaissons, manuscrites aussi bien qu'imprimées, sont très défectueuses et certainement fort éloi¬ gnées de la rédaction primitive, on ne sera pas surpris que ce roman soit resté, même pour les spécialistes de l'histoire litté¬ raire du moyen âge, une oeuvre à peu près inconnue. Cette œuvre pourtant n'est pas sans mérites. Bien que l'au¬ teur ait été « impuissant à incarner dans des personnages doués de vie et à mettre en scène », d'une manière vraisemblable et efficace, « l'idéal, d'ailleurs assez factice, dont il voulait faire l'inspiration de son roman » ; bien que le merveilleux à la fois le plus absurde et le moins apte à susc-iter l'intérêt forme l'élé¬ ment principal de ht narration ; que le style soit « prolixe et sans nerf », et que « des sujets même assez heureux » n'aient été traités que d'une façon trop souvent «plate et baroque», on ne peut refuser tout intérêt à Perceforêt. Une imagination débordante s'y manifeste et, qui mieux est, possédant un grand caractère de noblesse et d'idéal. « Jamais », comme l'écrit G. Paris r, « les vertus chevaleresques, la bravoure, la fidélité, l'honneur, la magnanimité, la courtoisie, n'ont été célébrées avec un enthousiasme sinon plus sincère, du moins plus sou¬ tenu ». L'intrigue est adroitement machinée, les péripéties suspendues et entrelacées avec la plus grande habileté, suivant les meilleures règles de la composition romanesque du temps ; le lecteur se perd bien un peu dans leur multiplicité ainsi que dans la foule des personnages, mais il est tout surpris de voir l'aisance et l'à-propos avec lesquels l'auteur, à de certains moments, rassemble tous ses héros et dénoue les situations les plus emmêlées. Disons encore que cette histoire était une « nouveauté », inventée de toutes pièces par son auteur, et non pas, comme tant de romans en prose de l'époque, un simple remaniement d'un plus ancien roman en vers ; rappelons qu'on y trouve intercalées un certain nombre de pièces de vers sur dts rythmes variés (lais de Complainte, de Confort, de la Rose, de l'Ours...; chanson du Bossu ; ballades des quatre chevaliers ; inscriptions i. Op. laud., p. 87. Les citations entre guillemets qui précèdent sont aussi empruntées au même article. 476 L--F- FLUTRE rimées et énigmatiques guidant ou égarant les héros en quête d'aventures, etc.); que son vocabulaire est assez riche et ori¬ ginal pour avoir fourni nombre d'articles aux glossaires de notre ancienne langue tout comme ses peintures des mœurs che¬ valeresques et de la vie aristocratique ont donné la matière de plusieurs chapitres sur la société du xive siècle % — et cela justifiera, pensons-nous, les pages qui vont suivre, où nous tâcherons, après avoir fait le point des connaissances actuelle¬ ment acquises, de débroussailler un peu plus ce véritable maquis qu'est encore Perceforêt, et de planter quelques nouveaux jalons qui permettront, aux lecteurs qu'une telle accumulation de chapitres n'effrayera pas, de s'y orienter plus facilement et peut- être d'y retrouver un peu de l'agrément qu'y goûtaient nos ancêtres du moyen âge finissant. Généralités. i° Les manuscrits. Les manuscrits qui nous ont conservé tout ou partie de Perceforêt ont tous été copiés au xve siècle. Ce sont : A Arsenal 3483-94, formant six tomes en douze volumes. C'est le seul qui présente l'œuvre dans son intégralité. Cette copie sur papier a été « minutée » par David Aubert 3, en 1459- 60, sur le commandement du duc Philippe de Bourgogne, « pour cy aprez la grosser en vellin » (voir plus loin A 1) 4. Elle i. En particulier à celui de Lacurne de Sainte-Palaye. Il serait d'ailleurs utile de reprendre, en s'aidant de tous les manuscrits, cette étude du voca¬ bulaire, Lacurne ne s'étant servi que de l'imprimé, où beaucoup de mots anciens, que l'éditeur ne comprenait plus, ont été altérés. 2. Le même Lacurne en a tiré une grande partie de ses Mémoires sur V an¬ cienne chevalerie (1759-81) . 3. Sur David Aubert, chef des copistes bourguignons, voir G. Doutrepont, La littérature française à la cour des ducs de Bourgogne , Champion, 1929, PP. 40-56. 4. Pour une description plus complète du ms., voir H. Martin, Catalogue des mss. de V Arsenal, t. 111(1887), p. 383. LE ROMAN DE PERCEFÛRÊT 477 provient de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, où elle est signalée dans l'inventaire de Gand de 1485 \ A i British Museum, Old Royal 15 £ v, 19 E m, 19 E 11 2. Ce sont les trois premiers volumes de la « grosse » qu'exécuta David Aubert 5 ; les trois autres ont disparu. Cette copie est vraisemblablement identique à la précédente 4. B Bibliothèque Nationale, fonds français, nos 345-48 (anc. 6966, 7179, 6967-68). Ce sont les volumes 1, 2, 3 et 5 d'un exemplaire sur papier 5. Bi Bibliothèque Nationale, fonds français, nos 106-109 (anc. 6778-81). Ce sont les quatre premiers volumes d'un autre et magnifique exemplaire sur vélin é. i. Voir Barrois, Bibliothèque protypographique , nos 1629-32 ; G. Paris, 0. I., p. 78, note. — Une autre copie sur papier est indiquée dans le catalogue de Bruges de 1647 ; cf. Barrois, nos 1253-58, et G. Paris, p. 78, n. 3. Dans ce même inventaire figure un exemplaire sur parchemin, qual'fiéà deux reprises de « viez » ; c'est probablement celui qui avait servi de modèle à David Au¬ bert ; mais il y manquait un volume, cf. Barrois, nos 1248-52, et G. Paris, p. 79, n. i. Cet exemplaire semble perdu. 2. Cf. Ward, Catal. of romances in the Brit. Mus., t. I, pp. 377-81 ; Van Praet, Louis de Bruges, pp. 186-87; P* Meyer, Bibl. de V École des Chartes, 6e série, t. Ill, p. 305, et Alexandre le Grand dans la litt, franç., II, p. 364. 3. On n'en trouve pas trace dans les inventaires des ducs de Bour¬ gogne. 4. Il m'a été impossible de m'en assurer, faute de pouvoir, pendant la guerre, me rendre à Londres ou me procurer des photographies. (Cet article a été écrit en 1945 .) 5. Voir P. Paris, Les mss. franç., t. II, p. 366, et t. VI, p. 21. Ils pro¬ viennent de la bibliothèque de Louis de Bruges, seigneur de la Gruthuyse. 6. Voir P. Paris, ibid., t. I, p. 141. Ils proviennent de la bibliothèque des comtes de la Marche. — r G. Paris signale aussi, d'après J.-W. Schmidt, tra¬ duit par F. de Roisin, Les romans en prose des cycles de la Table Ronde (Extrait des Mémoires de la société des antiquaires de la Morinie, t. VI, 1841-43, p. 67, note), que «la seconde partie» de Perceforêt aurait existé à Berlin; et, d'après Haenel, Liste des mss. d' Albi, p. 17, qu'un autre exemplaire du tome II se serait uploads/Litterature/ perceforest-romania.pdf
Documents similaires










-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 2.8173MB