Revue Philosophique de Louvain Le temps, l'espace et la genèse du monde selon A
Revue Philosophique de Louvain Le temps, l'espace et la genèse du monde selon Abû Bakr al-Râzî. Présentation et traduction des chapitres I, 3 du «Kitâb a‛lâm al- nubuwwa» d'Abû Hâtim al-Râzî Fabienne Brion Citer ce document / Cite this document : Brion Fabienne. Le temps, l'espace et la genèse du monde selon Abû Bakr al-Râzî. Présentation et traduction des chapitres I, 3 du «Kitâb a‛lâm al-nubuwwa» d'Abû Hâtim al-Râzî. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 87, n°74, 1989. pp. 139-164; https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1989_num_87_74_6547 Fichier pdf généré le 26/04/2018 Abstract The Kitâb a'lâm al-nubuwwa by the Ismâ'îlî missionary Ahmad b. Hamdân Abu Hâtim al-Râzî (d. around 322/933-34) takes the form of a critical dialogue between the author and his contemporary and adversary, the doctor and philosopher Muhammad b. Zakarîya Abu Bakr al-Râzî, known to the Latins as Rhazes. The text given here is the complete translation, with notes and introduction, of the third and fourth chapters of the first section of the work (ed. S. al-Sawy and Gh.-R. Aavani, Tehran, 1977, pp. 14-28). In it are set out and refuted the famous theories of Abu Bakr on time, space and the genesis of the World, through the text of which, like a thread, runs the problematic of the taqlîd and of the ijtihâd in the practice of philosophy. (Transl, by J. Dudley). refuted the famous theories of Abu Bakr on time, space and the genesis of the World, through the text of which, like a thread, runs the problematic of the taqlîd and of the ijtihâd in the practice of philosophy. (Transl, by J. Dudley). Résumé Œuvre du missionnaire ismâ'îlien Ahmad b. Hamdân Abu Hâtim al-Râzî (ob. vers 322/933-34), le Kitâb alâm al-nubuwwa prend la forme d'un dialogue critique entre l'auteur et son contemporain et adversaire, le médecin et philosophe Muhammad b. Zakarîya Abu Bakr al-Râzî, le Rhazès des Latins. On trouvera ici la traduction complète, avec notes et introduction, des troisième et quatrième chapitres de la première section de l'ouvrage (éd. S. al-Sawy & Gh.-R. Aavani, Téhéran, 1977, p. 14-28). Y sont exposées, et réfutées, les célèbres théories d'Abû Bakr relatives au temps, à l'espace et à la genèse du monde, le texte étant traversé, en filigrane, par la problématique du taqlîd et de Yijtihâd dans l'exercice de la philosophie. Le temps, l'espace et la genèse du monde selon Abu Bakr al-Râzî Présentation et traduction des chapitres I, 3-4 du Kitâb a'iâm al-nubuwwa d'Abû Hâtim al-Râzî Les deux extraits du A'iâm al-nubuwwa1 de l'ismâ'îlien Ahmad b. Hamdân Abu Hâtim al-Râzî dont je propose ici la traduction se présentent, comme le reste du livre, sous la forme d'un dialogue entre l'auteur et celui qu'il appelle couramment «l'hérétique», Abu Bakr Muhammad Ibn Zakarîya al-Râzî, le Rhazès des Latins. Apologie de la prophétie et de l'institution ismâ'îlienne de l'imamat, le A'iâm est également une réfutation des thèses philosophiques et religieuses (ou, devrait-on dire, «a-religieuses») du médecin. Un auteur donc, mais deux protagonistes — qui, pour faciliter les choses, étant tous deux originaires de Rayy, en Iran, s'appellent l'un et l'autre al-Râzî («de Rayy»). Par commodité, je les appellerai dorénavant Abu Hâtim et Abu Bakr. De ces deux protagonistes, le premier est certainement moins célèbre que le second. Abu Hâtim, missionnaire ismâ'îlien, était selon S.H. Nasr2 un homme de grande culture ayant étudié, outre les doctrines ismâ'îliennes, la poésie arabe, les sciences religieuses de l'Islam, les religions comparées et les sciences naturelles et mathématiques de son temps. Sa vie semble entièrement marquée par son activité de propagandiste et l'accueil varié que lui réservèrent les princes3. Entré très jeune dans les rangs de la hiérarchie ismâ'îlienne, choisi 1 A. H. al-Râzî, A'iâm al-nubuwwa (The Peaks of Prophecy). Edited with introduction by S. al-Sawy and Gh. R. Aavani. English preface by S.H. Nasr, Imperial Iranian Academy of Philosophy, Téhéran, 1977, p. 14-28 — Sigle E. 2 S. H. Nasr, Introduction à l'éd. al-Sawy - Aavani du A 'lâm. 3 Voir S. M. Stern, art. Abu Hâtim al-Râzî, in Enc. de l'Islam, Nouv. éd., 1. 1, p. 129. 140 Fabienne Brion comme lieutenant par le dâ'îâe Rayy, Ghiyath, il devient lui-même chef de la da'wa de Rayy, après avoir évincé le successeur de Ghiyath. On raconte qu'il parvient alors à convertir à ses doctrines le gouverneur de la ville, Ahmad b. 'Alî. Après l'occupation de Rayy par les troupes du Sâmânide Nasr b. Ahmad, Abu Hâtim se rend dans le Daylam, où il gagne l'adhésion de dirigeants daylamites tels que Mardawîj. Lorsque ce dernier, plus tard, se retourne contre les Ismaïliens, il trouve refuge auprès de Muflih, gouverneur de l'Adharbayjân à partir de 320/931. C'est apparemment peu après qu'il meurt, sans doute en 322/933-34. Abu Hâtim a laissé plusieurs œuvres, dont le Kitâb al-zina*, dictionnaire de termes théologiques, et le A'iâm al-nubuwwa, source importante pour la connaissance de la pensée de son adversaire, Abu Bakr. Abu Bakr5 est né, selon al-Bîrûnî, en 251/865, et mort — les avis diffèrent — entre 311/923 et 322/933, ou même 332/943. Il fut reconnu par ses contemporains comme un médecin d'exception et un grand naturaliste. Il dirigea l'hôpital de Rayy et le grand bîmâristân al-Muqta- dirî de Bagdad, fondé en 306/918 par le calife dont il portait le nom6. C'est également comme médecin et alchimiste que l'Occident médiéval le rencontra d'abord: son Kitâb al-mansûrî, ou Liber Almanso- rem, compilation médicale, fut traduit en latin dès le Xlle s. et connut de nombreuses éditions à la Renaissance, tandis que le Kitâb al-hâwî, qui propose des observations cliniques, fut traduit dès le XHIe s. Son petit ouvrage sur la variole est considéré comme un des chefs-d'œuvre de la littérature médicale arabe et un moment important de l'histoire de l'épidémiologie, étant la première monographie consacrée à cette maladie7. Un de ses ouvrages de chimie, traduit en latin au Xlle s., laisse un exposé clair des dispositifs utilisés pour la fonte des métaux, la distillation et d'autres opérations, ainsi qu'une classification systéma- 4 Voir M. A. H. al-Hamdanî, Kitâb az-zinat of Abu Hâtim ar-Râzî, in Actes du XXIe congrès des Orientalistes, Paris, 1949, p. 291-294. 5 Sur Abu Bakr al-Râzî, voir notamment 'A. R. Badawi, Histoire de la philosophie en Islam, t. II, Les philosophes purs, Vrin, Paris, 1972, p. 577-593; H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, Gallimard, Paris, 1964, p. 194-201; P. Kraus - S. Pines, al-Râzî, in Enc. de l'Islam, le éd., p. 1213-1215; S. Pines, Beitrâge zur Islamischen Atomenlehre, A. Heine GmbH, Gràfenhainichen, 1936, p. 34-93; J. Ruska, Al-Bîrûnî als Quelle fur dos Leben und Schriften al-Razî's, in ISIS, 1923, p. 26-50. 6 Voir A. Mieli, La science arabe et son rôle dans l'évolution scientifique mondiale, Brill, Leyde, 1966, p. 90. 7 Voir ibid., p. 91-92. Le temps, l'espace et la genèse du monde selon A.B. al-Râzî 141 tique des substances et réactions chimiques8. Vésale, qui ne le connaissait que par ses écrits médicaux, l'admirait comme le dernier représentant de la tradition grecque au Moyen Age, tant oriental qu'occidental. Le philosophe fit moins l'unanimité. Et si 'A. R. Badawî, de nos jours, voit en lui «le penseur le plus vigoureux et le plus libéral de l'histoire de l'Islam, et peut-être même de toute l'humanité9», Avi- cenne, à l'époque, suggéra qu'il aurait mieux fait de se cantonner aux analyses d'urines et d'excréments10, tandis qu'Ibn Abî Usaybi'a écrivait: «II ne pénétra pas à fond la métaphysique et ne saisit pas son but suprême, si bien qu'il adopta des idées indéfendables, épousa des doctrines perverses et critiqua les gens qu'il ne comprenait pas et dont il ne suivait pas les méthodes11». Aucun de ses ouvrages philosophiques ne fut traduit en latin12. Je ne résumerai pas, dans cette introduction, les théories râziennes du temps, de l'espace et de la genèse du monde dont on trouvera l'exposé dans la traduction qui suit. Je ne peux, à ce propos, que renvoyer à l'excellente étude de S. Pines, Beitràge zur Islamischen Atomenlehre, qui, selon F. E. Peeters, demeure l'ouvrage de référence pour l'intelligence du système physique d'Abû Bakr13. Quelques mots de présentation toute/ois. Du premier extrait traduit14, on pourrait sans doute écrire, en paraphrasant P. Kraus, qu'il reflète «les discussions qui dans le néoplatonisme ont été soulevées autour des notions opposées d'Aristote et du Timée concernant le temps et l'espace, discussions qui ont eu une profonde influence sur les philosophes arabes15». Abu Hâtim s'y fait en 8 Voir A.C. Crombie, Histoire des sciences de saint Augustin à Galilée (400-1650), trad, française de J. D'Hermiès, 1. 1, P.U.F., Paris, 1959, p. 155 sqq. 9 Voir 'A. R. Badawî, Muhammad ibn Zakarîya al-Râzî, in M. M. Sharif (éd.), A History of Muslim Philosophy, Otto Harrassowitz, Wiesbaden, 1963, t. I, p. 448. 10 Voir S. Pines, Studies in Abu'l-Barakât al-Baghdâdî Physics and Metaphysics, «The Collected Works of Shlomo Pines, Volume I», The Magnes Press, The Hebrew University, Jérusalem - Brill, Leyde, 1979, p. 5, n. 20. 11 Cité dans A. Mieli, La science arabe, p. 90. 12 Voir 'A. R. Badawî, Histoire de la philosophie en Islam, t. II, p. 583. uploads/Litterature/ phlou-0035-3841-1989-num-87-74-6547.pdf
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- Publié le Sep 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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