MICHAEL RIFFATERRE Philippe Hamon, Henri Mitterand Le Seuil | « Poétique » 2006

MICHAEL RIFFATERRE Philippe Hamon, Henri Mitterand Le Seuil | « Poétique » 2006/4 n° 148 | pages 507 à 509 ISSN 1245-1274 ISBN 9782020840332 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-poetique-2006-4-page-507.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil. © Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Michael Riffaterre était citoyen français d’origine et citoyen américain par choix. Né en 1924, fils d’un industriel et homme politique qui avait été maire de Bourganeuf et député socialiste de la Creuse avant la Seconde Guerre mondiale, il avait commencé ses études uni- versitaires à la faculté des lettres de Lyon en 1941, puis combattu dans un maquis de la Résistance, avant d’acquérir à la Sorbonne une maîtrise de Lettres classiques en 1947. Il s’ins- talla ensuite à New York, tout en conservant des attaches en France. Il obtint son doctorat à Columbia University en 1955, avec une thèse sur Le Style des «Pléiades» de Gobineau, publiée à Columbia University en 1957 et presque immédiatement, en Europe, à la librairie Droz. D’abord instructeur au département de français et philologie romane à Columbia depuis 1953, il ne quitta plus dès lors la plus prestigieuse des universités new-yorkaises, où il devint successivement professeur-assistant en 1955, professeur titulaire en 1964, titulaire de la chaire Blanche K. Knopf en 1975, «University professeur» (le rang le plus élevé dans la hiérarchie de Columbia) en 1982. Il était professeur émérite depuis 2004. C’est avec Essais de stylistique structurale, paru en 1970 en France et préfacé par D. Delas, recueil d’articles publiés entre 1960 et 1970, que Michael Riffaterre a donné l’un de ces livres majeurs qui ont contribué à faire de cette décennie 1965-1975 la période-phare du structuralisme littéraire. On en retiendra, outre sa participation avec beaucoup d’autres à la plurielle et désormais fameuse analyse des Chats de Baudelaire, outre son hypothèse de travail tactique du «lecteur moyen», ou «archilecteur», comme ensemble de signaux- symptômes, sa remarquable analyse des fonctions du cliché dans la prose littéraire, l’une des premières à ne pas s’arrêter à la définition traditionnelle et a priori péjorative et donc réductrice de la notion. On en retiendra surtout la plus opératoire, la plus heuristique, la plus simple définition du fait de style qu’ait sans doute connue la stylistique, cette disci- © Le Seuil | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.206.83.191) © Le Seuil | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.206.83.191) pline souvent contestée et toujours remise en chantier: le fait de style est «insertion d’un élément inattendu dans une structure», définition élégante, exportable à tous les niveaux de l’organisation d’un texte, définition qui combine une approche de type structural fon- dée sur la distinction du micro-contexte et du macro-contexte et une approche intégrant la notion de surprise et une véritable théorie de la réception. Par ailleurs, et dans ses recueils ultérieurs, en pleine période du «tout narratologique», Michael Riffaterre est l’un des premiers et rares théoriciens à porter son attention sur des objets qui ne sont pas alors à la mode, sur la phrase et sur le poème en prose par exemple, et à étudier les modes d’en- gendrement et de dérivation de certaines organisations non narratives du texte comme les stéréotypes, la métaphore, la métaphore filée, l’humour, l’intertextualité et surtout les sys- tèmes descriptifs, dont il fut le premier à construire la théorie. Citer simplement ces concepts et ces champs de réflexion montre, à l’évidence, tout ce que la recherche actuelle la plus vivante continue de devoir à Michael Riffaterre. Parallèlement à sa recherche et à son enseignement, Michael Riffaterre a collectionné les responsabilités de direction et les titres, dans son université et dans les enceintes de la recherche linguistique et littéraire: président du Département de français et philologie romane, directeur de l’Ecole de critique et de théorie, directeur de nombreux colloques de théorie littéraire, éditeur général de la Romanic Review, professeur invité à l’université d’Oxford, aux universités Johns Hopkins, Yale, Harvard, à la City University of New York et à l’université de Pennsylvanie, conférencier invité au Collège de France, docteur honoris causa des universités de Clermont-Ferrand, Stockholm, Paris-IV, membre de l’Académie américaine des arts et des sciences. Par ces charges et ces honneurs, le monde académique a reconnu et distingué publique- ment l’éminente qualité de son œuvre de linguiste et de stylisticien. Ce ne serait pas assez de dire que Michael Riffaterre, par ses livres1 et ses innombrables articles, a continué, illus- tré, et porté à un rare niveau d’élégance analytique la grande tradition du new criticism américain, attachée à l’exploration immanente des œuvres-phares de la littérature mon- diale. Car il l’a revivifiée par l’apport de son inépuisable culture littéraire – classique et moderne, française et anglaise –, et par sa profonde connaissance de la linguistique struc- turale et de la sémiotique. Jakobson, Peirce, Hjelmslev étaient ses maîtres. Et il est devenu à son tour un maître, leur égal dans un domaine qu’ils n’avaient fait qu’effleurer: la théo- rie littéraire et la stylistique, celle-ci se transformant sous sa plume, de manière radicale- ment neuve, en une sémantique générative du poème et de la fiction. Admiré de tous, aimé de beaucoup – en particulier des étudiants qu’il avait formés et portés à leur tour jusqu’aux avenues professorales –, craint ou incompris de quelques-uns, il ne cédait rien sur les exigences de sa méthode, ni sur sa conception des règles de carrière, ni sur la conscience de son savoir et de son talent, ni sur les disciplines qu’il s’imposait. Il avait le pouvoir et la chance de dormir peu. Il travaillait dans le silence de son cabinet jusqu’à trois et quatre heures après minuit, entouré de la grande littérature et de la grande critique universelles, écrivant et réécrivant – à la main – ses pages serrées. Puis il allait 508 Philippe Hamon et Henri Mitterand 1. Outre Le Style des «Pléiades»: Essais de stylistique structurale, Paris, Flammarion, 1971; Semiotics of Poetry, Indiana University Press, 1978; La Production du texte, Paris, Seuil, 1979; Sémiotique de la poésie, Paris, Seuil, 1983; Fictional Truth, Johns Hopkins University Press, 1990. © Le Seuil | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.206.83.191) © Le Seuil | Téléchargé le 31/07/2021 sur www.cairn.info (IP: 197.206.83.191) marcher dans la nuit, avant de prendre un bref repos. Au voisinage de sa demeure de South- ampton – la perle des «Hamptons», dans Long Island –, il lui est ainsi arrivé d’être interpellé au milieu de la nuit par la police locale, qui ne badine pas avec les vagabonds… «Mais, disait-il, ils ont fini par me connaître, et par me saluer d’un “Hello! Professor Riffaterre!”» Universitaire, lecteur, chercheur par passion. Mais universitaire plutôt atypique, en somme. Et par là même attachant pour ceux qui avaient percé l’écran de sa courtoisie étu- diée – et de son humour parfois… dérangeant. Il avait fait longtemps trois parts dans sa vie professionnelle: la nuit, la lecture et l’écriture; l’après-midi, l’enseignement et l’accueil aux étudiants; et le matin… la Bourse. Sans parler des salles de ventes. Après tout, l’esprit d’ana- lyse peut n’avoir pas de frontières. C’est du moins ainsi que Michael Riffaterre expliquait sa fortune, et sa collection d’œuvres d’art – éclairée par sa prédilection pour le surréalisme. On le disait, il se disait lui-même conservateur, nixonien, républicain au sens américain du terme. Pour une part, cela tenait à un profond dédain pour les politiciens, et en parti- culier pour la machine démocrate de New York. Pour une autre part, c’était un jeu, une esquive, le refus sarcastique de la political correctness. Il ne craignait pas le paradoxe en la matière. On l’a souvent vu en conversation avec Edward Saïd. Lorsque la revue marxiste La Pensée lui a demandé en 1980 un article pour un dossier sur les voies nouvelles de l’analyse littéraire, il a accepté sans hésiter, en toute connaissance de cause: ce fut l’un de ses textes fondateurs sur l’intertexte. Inadvertance, uploads/Litterature/ poeti-148-0507.pdf

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