Extrait de la publication Extrait de la publication POÉTIQUE D’ ANNE HÉBERT JEU

Extrait de la publication Extrait de la publication POÉTIQUE D’ ANNE HÉBERT JEUNESSE ET GENÈSE SUIVI DE LECTURE DU TOMBEAU DES ROIS Extrait de la publication Du même auteur : « Kamouraska » d’Anne Hébert : une écriture de la passion suivi de Pour un nouveau « Torrent », Hurtubise HMH, 1982. ROBERT HARVEY Poétique d’ Anne Hébert jeunesse et genèse suivi de Lecture du Tombeau des rois essai traduites de l’anglais par Stéphane Brault Extrait de la publication Maquette de la couverture : Anne-Marie Guérineau Illustration de la couverture : Lili Richard, Pinatubo, 1993 Huile et collage sur bâche, 210 x 309 cm Photographie : Guy L’Heureux Nous remercions la galerie Estampe Plus de Québec pour son aimable collaboration. Photocomposition : CompoMagny enr. Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2 Pour la France : D.E.Q. 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. © Les éditions de L’instant même 865, avenue Moncton Québec (Québec) G1S 2Y4 www.instantmeme.com Dépôt légal – 2e trimestre 2000 Données de catalogage avant publication (Canada) Harvey, Robert, 1946- Poétique d’Anne Hébert : jeunesse et genèse : lecture du Tombeau des rois : essai Présenté à l’origine comme thèse (de doctorat de l’auteur – Université de Montréal), 1995. Comprend des réf. bibliogr. ISBN papier 978-2-89502-136-0 ISBN PDF 978-2-89502-604-4 1. Hébert, Anne, 1916-2000 – Critique et interprétation. 2. Hébert, Anne, 1916- 2000. Tombeau des rois. 3. Poétique. I. Titre. PS8515.E16Z574 2000 C841'.54 C00-940743-X PS9515.E16Z574 2000 PQ3919.H42Z574 2000 L’instant même reçoit pour son programme de publication l’aide du Conseil des Arts du Canada, celle de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec ainsi que celle du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada. À Mary Lise, ma compagne de toujours et ma si chère amie et à Tristan, mon fils formidable Extrait de la publication Je remercie tout particulièrement Lise et Tristan pour avoir supporté patiemment mes absences durant toutes ces années. Merci à Tristan d’avoir insisté pour m’initier aux bienfaits de l’ordinateur. Je remercie Georges Desmeules, le directeur de cette collection, pour ses suggestions éclairées et son engagement à l’égard de cet ouvrage ; Christiane Lahaie, codirectrice du Centre Anne-Hébert. Toute ma reconnaissance pour avoir bien voulu intéresser L’instant même à la lecture du manuscrit ; Jacques Michon, qui a rendu possible l’enclenchement du processus menant à la publication ; Laurent Mailhot pour l’intérêt qu’il a toujours su témoigner à l’égard de ma démarche de lecture. Sa sollicitude m’aura permis d’acquérir la confiance nécessaire à la réalisation de ce projet ; mon frère, Fernand Harvey, pour son soutien moral et l’émulation qu’il a créée ; Pierre Brais, pour son humour tonique et pour sa longue complicité. Je remercie enfin Linda Fortin et Marie Taillon pour le remarquable travail de correction et de supervision de cet ouvrage. Extrait de la publication 9 Introduction INTRODUCTION Je crois que les publications de jeunesse contiennent vraiment en nœud fermé ce qui va suivre. Anne HÉBERT, Le Devoir, 23 mai 1992. L’œuvre d’Anne Hébert occupe sans contredit la place d’honneur dans la littérature québécoise, comme en témoigne la fascination de nombreux lecteurs d’ici et à travers le monde depuis plus d’un demi-siècle. Elle a inspiré plus de thèses, d’articles et de livres que toute autre œuvre québécoise. Pour- tant, il n’existe encore aucune étude d’ensemble portant sur ses fondements imaginatifs. Les premiers textes, abordés de façon parcellaire dans des articles ou des parties de livres1, n’ont jamais vraiment intéressé la critique. On y a vu des exercices de style, des expérimentations sur les formes, une « étape ini- tiale, ou encore un prologue nécessaire2 » pour l’œuvre à venir. En cherchant un peu plus cependant, on aurait pu y trouver l’unité imaginative de sa structure, son schème organisateur. La méconnaissance de ces assises n’est pas étrangère au problème d’interprétation3 du Tombeau des rois. Peut-être nous aura-t-elle aussi empêchés pendant longtemps de définir la poétique d’Anne Hébert. Chaque texte doit certes pouvoir se Extrait de la publication 10 Poétique d’Anne Hébert : jeunesse et genèse lire indépendamment de l’ensemble, trouver sa cohérence, son sens en lui-même. Mais pour en saisir la véritable portée, il faut comprendre la dynamique sous-jacente au travail de l’écriture, ce qui relève de la poétique, c’est-à-dire des principes qui président à l’organisation d’une œuvre. Pour définir cette poétique, selon Henri Meschonnic, il faut pratiquer une poé- tique de l’œuvre. Tenue à distance comme objet contemplé, l’œuvre vivante doit aussi être revécue comme sujet par la critique et devenir participation : « La visée d’une telle poé- tique est l’œuvre, dans ce que son langage a d’unique » (1970 : 62). Nous esquisserons donc ici, à travers la lecture-écriture de certains textes de jeunesse et du recueil de poèmes Le Tombeau des rois, les grandes lignes de cette poétique, laissant à d’autres le soin d’en articuler les règles formelles de fonc- tionnement. Notre étude4 du roman Kamouraska avait relevé le jeu com- plexe de la narration, l’imbrication des différents niveaux de récit relativement au travail de la mémoire chez le personnage d’Élisabeth Rolland, de même que les rapports entre le temps de l’histoire et le temps des récits premier et second d’où résultent les nombreuses anachronies narratives. Enfin, le « rituel commémoratif » d’Élisabeth Rolland nous avait permis de souligner la place prépondérante qu’occupe l’intertextualité biblique et liturgique dans la composition du roman. S’ajoutait à cela l’analyse de la nouvelle « Le torrent » qui démontrait la présence dans le texte d’une structure matricielle empruntée à la symbolique chrétienne de l’économie du salut, schème or- ganisateur utilisé plus tard de façon récurrente pour les œuvres dramatiques5 et narratives. Ce raisonnement par induction nous a ramené finalement aux premières œuvres, où le sacré reli- gieux ou mythique est traité explicitement comme sujet. C’est Extrait de la publication 11 Introduction là que nous avons cherché à découvrir en germe le projet d’écri- ture de l’auteure. La référence constante aux textes sacrés, presque toujours aux fins de leur propre subversion, constitue l’une des particu- larités de l’œuvre d’Anne Hébert. Plusieurs critiques, dont Jeanne Lapointe, Gilles Marcotte, Laurent Mailhot, Jean Éthier- Blais6, ont déjà souligné, bien qu’en termes généraux, ce trait caractéristique de l’écriture hébertienne, en en parlant comme d’une atmosphère qui imprègne toute l’œuvre. Nous nous sommes intéressé, quant à nous, à comprendre la nature pré- cise de ce rapport au sacré et à en définir la fonction spécifique dans le système du texte. La force de séduction de l’œuvre d’Anne Hébert pourrait s’expliquer par l’influence déterminante qu’ont eue sur elle les textes sacrés religieux ou mythiques7. L’auteure a su en fait s’approprier leurs schèmes, leurs archétypes et leurs symboles en en faisant l’armature de son œuvre. Profondément marquée par la culture judéo-chrétienne de son époque, Anne Hébert a d’abord entrepris l’exploration du sacré à partir de la Bible. Voici ce qu’elle disait à ce propos au cours d’une entrevue : Les Écritures, l’Évangile concernaient les gens de ma géné- ration. C’étaient non seulement des dogmes, une morale mais une culture aussi. C’était un enrichissement parce que la Bible est un livre extraordinaire [...]. Les romancières protestantes réussissaient leurs écrits à cause précisément de ce contact avec la Bible. Personnellement, je crois que tout ce côté reli- gieux chez moi, tout ce côté « parole » de la Bible m’a ap- porté beaucoup. C’est peut-être l’œuvre qui m’a marquée le plus. [...] Pour moi, c’est une poésie extraordinaire [...]. Ça nous a permis beaucoup à une époque où justement on n’avait pas tellement d’instruction, où les femmes n’avaient pas Extrait de la publication 12 Poétique d’Anne Hébert : jeunesse et genèse tellement d’instruction ; elles avaient cette richesse de toute la liturgie8. Son intérêt pour ce qu’elle appelait alors les « mystères chré- tiens », ou mythes chrétiens dirions-nous plus justement aujourd’hui, s’est maintenu tout au long de son œuvre, mais l’horizon de son objet s’est modifié progressivement. Emprun- tant d’abord sa symbolique au langage des Écritures, l’auteure en viendra par la suite à découvrir dans l’écriture elle-même les ressources nécessaires pour subsumer le sacré. Comme la plupart des religions du monde ont un arrière-plan mytholo- gique, il n’est donc pas étonnant que l’écriture d’Anne Hébert ait fini par rejoindre le mythe dans son essence, sans plus avoir à s’encombrer de l’imagerie proprement religieuse des débuts de l’œuvre. La plupart des critiques ont éludé cet aspect religieux des premières œuvres d’Anne Hébert en tentant, sous le couvert d’une étiquette commode – l’excuse de la jeunesse et de l’im- maturité de l’auteure –, de récupérer cet « encombrant » bagage culturel, plutôt que de lui accorder la place qui lui revient dans l’évolution de la symbolique de l’œuvre. La mythocritique a pourtant démontré la fonction structurante du discours chrétien de la perte ou du salut dans la littérature occidentale, a fortiori québécoise9. C’est oublier que les signifiés de la littérature sont avant tout des formes qui réfèrent à des fonctions, non à des êtres, comme uploads/Litterature/ poetique-d-anne-hebert.pdf

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