Tous droits réservés © TTR : traduction, terminologie, rédaction, 2001 Ce docum
Tous droits réservés © TTR : traduction, terminologie, rédaction, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 24 juil. 2022 10:53 TTR Traduction, terminologie, re?daction Comptes rendus de lecture Louise-L. Larivière. Pourquoi en finir avec la féminisation linguistique ou À la recherche des mots perdus. Montréal, Éditions du Boréal, 2000, 149 p. Claude Tatilon Volume 14, numéro 2, 2e semestre 2001 Antoine Berman aujourd'hui Antoine Berman for our time URI : https://id.erudit.org/iderudit/000577ar DOI : https://doi.org/10.7202/000577ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association canadienne de traductologie ISSN 0835-8443 (imprimé) 1708-2188 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Tatilon, C. (2001). Compte rendu de [Louise-L. Larivière. Pourquoi en finir avec la féminisation linguistique ou À la recherche des mots perdus. Montréal, Éditions du Boréal, 2000, 149 p.] TTR, 14(2), 225–232. https://doi.org/10.7202/000577ar 225 COMPTES RENDUS Louise-L. Larivière. Pourquoi en finir avec la féminisation linguistique ou À la recherche des mots perdus. Montréal, Éditions du Boréal, 2000, 149 p. Le titre est ambigu : il « peut, en effet, s’interpréter différemment selon que l’on est pour ou contre la féminisation ». L’auteure est pour, évidemment, voulant « en finir avec toutes les faussetés qui circulent autour de cette notion : faussetés de croire que la féminisation est un phénomène nouveau des vingt dernières années, qu’elle est née du cerveau enflammé des féministes québécoises, qu’elle ne se manifeste qu’au Québec et qu’elle ne vaut que pour la langue française » (p. 13). Habile plaidoyer en faveur de la féminisation, l’ouvrage n’a qu’« un seul but : contrer le sexisme dans la langue » (p. 16). Il s’impose par sa logique et son bon sens, autant que par son « style incisif et mordant, teinté parfois d’humour et de sarcasme » – la quatrième de couverture ne ment pas. Le propos de l’étude est d’examiner « la raison d’être de la féminisation linguistique ainsi que des phénomènes qui font obstacle soit à la visibilité des femmes (masculinisation de la langue), soit à l’égalité entre les femmes et les hommes (marginalisation du féminin), et ce, en décrivant les formes d’opposition à la féminisation, formes marquées, bien souvent, du sceau de l’ignorance, de la bêtise et de la mauvaise foi. Le comment de la question est traité dans un livre numérique aux Éditions www.00h00.com (Comment en finir avec la féminisation linguistique ou Les mots pour la dire) » (p. 17). Ce dernier ouvrage, disponible depuis peu, ne fait pas partie du présent compte rendu. Les attaques contre la féminisation sont ici remarquablement synthétisées ─ en huit points (pp. 89-118) qui méritent d’être énumérés : 1. « La femme de… » : une expression malheureuse qui a la vie dure. 226 2. « Ce nom est déjà pris » : sophisme en vertu duquel l’homonymie serait à proscrire pour les nouveaux noms féminins. Une manœuvre, une critique ne seraient alors pas acceptables pour dénommer une femme, en dépit du secrétaire, du patron, du guide et de bien d’autres noms attribués aux hommes. 3. Certains suffixes féminins sont péjoratifs, –euse en particulier, comme dans niaiseuse, peureuse, « téteuse » (au sens québécois de lambine). Mais ici la péjoration provient de la base lexicale (niais, peur, téter) et non du suffixe, du reste bien toléré dans de nombreux cas comme chanteuse, danseuse, coiffeuse… 4. Écrivaine, quelle horreur! Le nom rime avec vaine, déclare-t-on sans se soucier le moins du monde de la rime d’écrivain ! Les noms auteure, professeure seraient laids ou barbares ; agente de police imprononçable, en dépit de parente, régente… Reconnaissons-le, l’argument pseudo- esthétique ne fait pas très sérieux. 5. Une ministre, une juge, « ce n’est pas dans le dictionnaire ». Ces deux noms ont naguère fait couler beaucoup d’encre du côté de l’Académie française. Bien inutilement car ils sont déjà dans presque toutes les bouches. 6. Annonceuse, meneuse, entraîneuse, « ce n’est pas du français ». Mais, curieusement, l’adjectif substantivé emmerdeuse n’est, lui, jamais contesté. 7. Le dénigrement des noms féminins passe aussi, souvent, par de mauvaises plaisanteries dignes « de jeunes collégiens », dont sont très friands certains « Immortels » : Jean Dutourd proposant majordame et enseignette de vaisselle pour faire pendant à majordome et à enseigne de vaisseau ; Marc Fumaroli recommandant la légalisation des noms en –esse (notairesse, mairesse, doctoresse) parce qu’ils riment avec fesse ! 227 8. Un titre prestigieux au féminin est péremptoirement déclaré discriminatoire (voir le grand débat de 1998 autour de la ministre). Ces trente pages constituent une synthèse quasi exhaustive des coups bas couramment portés à la féminisation en français. L’argumentation de l’auteure est serrée, ses explications, convaincantes : « [U]n titre féminin n’est pas menaçant dans la mesure où il se limite à désigner des fonctions traditionnelles dévolues aux femmes. S’il devient menaçant, on lui fera jouer une autre fonction ou bien on lui préfèrera le titre masculin. Il ne viendra pas à l’idée des adversaires de la féminisation d’accorder au genre féminin le même statut et la même valeur qu’au genre masculin » (p. 85). « Curieusement, comme on l’a vu précédemment, on ne s’opposera pas à la distinction en genre pour ce qui est des fonctions traditionnelles : un instituteur/une institutrice, pas plus que l’on ne s’opposera à la création d’une appellation masculine lorsque les hommes accèdent à des fonctions traditionnellement féminines (ex. un maïeuticien). Pourquoi alors s’oppose-t-on à la création d’une appellation féminine lorsque les femmes accèdent à des fonctions traditionnellement masculines : ingénieure, doyenne, rectrice, etc ? Et pourquoi trouver bizarres, laides ou ridicules ces appellations ? » (p. 88) « Aussi s’agit-il, tout simplement, de “se faire l’oreille” à ces nouvelles appellations pour ne plus les trouver bizarres. En fait, on a affaire à un phénomène circulaire : moins on utilisera ces termes, plus ils nous paraîtront inhabituels, alors que leur usage répété fera en sorte qu’on ne remarquera même plus leur caractère de nouveauté » (p. 99). Les trois substantifs avancés plus haut – ignorance, bêtise, mauvaise foi – constituent bien, en l’occurrence, des mots justes. L’ouvrage, qui fait 228 mouche à tout coup, est à lire et à faire lire. En priorité aux élèves de nos écoles de traduction avec lesquels il est indispensable d’ouvrir le débat sur une question épineuse, « hautement émotive » (p. 12), qu’ils auront à affronter tout au long de leur carrière. La première préoccupation de l’auteure étant « de rendre le propos accessible à toute personne qui s’intéresse à cette question », force m’est de signaler une faiblesse de l’ouvrage : il n’est pas exempt d’un certain flou terminologique. Flou qui, fort malencontreusement, affecte la notion même de genre, située en plein cœur du débat. Considérons le titre du troisième chapitre : « Le masculin : un genre neutre ». Le jeu de mots qu’il renferme repose sur la collision de plusieurs sens. Au fil de l’ouvrage, le substantif genre voit son sens osciller du domaine de la grammaire à celui des sciences naturelles. On lit, page 59 : « en anglais (américain à tout le moins), on a aboli les titres ayant une marque de genre au profit d’un genre indifférencié ou commun (common gender) pour les titres professionnels : ex. Airplane-flight attendant au lieu de air steward et air stewardess ». Ici, genre, comme l’anglais gender, signifie « sexe » ; il en va de même plus bas, à la page 102, où l’auteure fait mention « des titres professionnels indifférenciés pour les deux genres ». Et, à la page 107, où elle écrit : « On pourrait, toutefois, dégenriser certaines expressions, comme réduire “une chasse à l’homme” à “une chasse” (tout court). », le néologisme dégenriser veut dire faire disparaître tout substantif désignant le « genre humain » (comme on dit toujours dans les sciences naturelles). Alors, genre grammatical, sexe ou humanité ? Les lecteurs ont besoin de savoir, à chaque moment de leur lecture, à quelle notion ils ont affaire. Le genre grammatical, qui est un phénomène morphologique portant excusivement sur les noms et leurs déterminants (on ne le rencontre pas dans toutes les langues), ne correspond pas à un monème (unité minimale de sens) et n’a donc pas de signifié. Comme le précise le linguiste André Martinet, « [i]l y a en français, et c’est tout autre chose, un monème de sexe féminin, manifeste dans le –esse de princesse ou d’ânesse. » (Grammaire fonctionnelle du français. Crédif/Didier, Paris, 1979, p. 12) Il faut aussi parler d’un monème — beaucoup plus rare ― de sexe masculin, qu’on peut trouver dans le –ard de canard et dans le –et de mulet (ou, en anglais, dans le –er de widower). uploads/Litterature/ pourquoi-en-finir-avec-la-feminisation-linguistique-ou-a-la-recherche-des-mots-perdus.pdf
Documents similaires
-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2586MB