Cet ouvrage est publié dans la collection « La Couleur des idées » Conseiller é
Cet ouvrage est publié dans la collection « La Couleur des idées » Conseiller éditorial pour la publication de ce titre : Ivan Jablonka ISBN 978-2-02-118102-9 © ÉDITIONS DU SEUIL, MARS 2016. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com Remerciements La rédaction de ce livre a bénéficié d’un financement du Conseil européen de la recherche dans le cadre du « Starting Grant » RESIST Human Rights versus Democracy ? Towards a Conceptual Genealogy of Skepticism about Human Rights in Contemporary Political Thought (2010- 2016). Ce projet a pris forme au sein du Centre de théorie politique (CTP) de l’Université libre de Bruxelles qui s’est révélé un cadre de travail particulièrement stimulant et convivial. Nous remercions l’ensemble des membres passés et présents du CTP, et tout particulièrement Christopher Hamel et Carlo Invernizzi-Accetti pour leur investissement dans le projet RESIST. Merci également à Bernadette Tulkens pour sa relecture minutieuse du manuscrit. Le chapitre 5 de cet ouvrage a été publié sous une première version : Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, « Karl Marx fut-il un opposant aux droits de l’homme ? », Revue française de science politique, vol. 62, no 3, 2012, p. 433-451. Le chapitre 7 prend appui sur des arguments développés dans Justine Lacroix, « The right to have rights and French political philosophy. Conceptualising a cosmopolitan citizenship with Arendt », Constellations. An International Journal of Democratic and Critical Theory, vol. 22, no 1, 2015, p. 79-90. Nous remercions les éditeurs de ces deux revues de nous avoir autorisés à prolonger ici ces analyses. Au cours de la rédaction de ce livre, nous avons tiré grand profit de nos échanges avec Julie Allard, Sarah Al-Matary, Carolina Armenteros, Isabelle Aubert, Catherine Audard, Serge Audier, Étienne Balibar, Olivier Beaud, Thomas Berns, Samuel Chambers, Bertrand Binoche, Antoon Braeckman, Emmanuelle Bribosia, Frédéric Brahami, Bruno Bernardi, Louis Carré, Manuel Cervera-Marzal, Anne-Sophie Chambost, Véronique Champeil- Desplats, Francis Cheneval, Antoine Chollet, Laurent Clauzade, Jean Cohen, Catherine Colliot-Thélène, Juliette Corsy, Philippe Crignon, Ludivine Damay, Robert Damien, Martin Deleixhe, Florence Delmotte, Isabelle Delpla, Helder De Schutter, Alexandre Escudier, Jean-Marc Ferry, Rainer Forst, Stéphanie Francq, Michael Freeden, Marie Gaille, Antoine Garapon, Raf Geenens, Raphaël Gely, Pierre Glaudes, Florent Guénard, Sophie Guérard de la Tour, Axel Gosseries, Ayten Gündogdu, Michel Hastings, Bonnie Honig, Engin Isin, Ivan Jablonka, Bruno Karsenti, Jean- François Kervégan, Jan Kleinheisterkamp, Michael Kohlhauer, Cécile Laborde, Pieter Lagrou, Arnaud Leclercq, Annabelle Lever, Alain Loute, Lois McNay, Kalypso Nicolaïdis, Samuel Hayat, Murray Hunt, Léa Ipy, Pierre Manent, John Milbank, Nobutaka Miura, Samuel Moyn, Janie Pélabay, Anne Philipps, Arnd Pollman, Alain Policar, Jean-Claude Pouzat, Olivier Rémaud, Isabelle Rorive, Pierre Rosanvallon, Denis Salas, Andrew Schaap, Diogo Sardinha, Réjane Sénac, Céline Spector, Tristan Storme, Étienne Tassin, André Tosel, Françoise Tulkens, Yannick Vanderborght, Philippe Van Parijs, Hajime Yamamoto, Patrick Weil, ainsi qu’avec l’ensemble de nos étudiants de l’Université libre de Bruxelles, l’Université Saint-Louis-Bruxelles, Sciences Po Paris et Sciences Po Lille. Qu’ils en soient ici tous chaleureusement remerciés. Introduction Des droits de l’homme aux droits humains ? Atomisation des relations sociales, éclipse simultanée de l’autorité et de la tradition, abolition des limites anthropologiques… L’usage fait des droits de l’homme dans nos démocraties contemporaines suscite désormais de sérieuses résistances. On dénonce fréquemment les effets pervers d’une « religion des droits de l’homme » dans laquelle l’Europe aurait inconsidérément mis son cœur et sa raison. La prolifération supposée des droits, qui s’apparenterait à une croissance non maîtrisée des désirs, précipiterait, dit-on, nos démocraties dans une logique de revendications infinies. On l’a vu lors des débats sur le « mariage pour tous » où furent pointées les dérives d’une gauche « mouvementiste » favorable à une extension illimitée des droits – qu’il s’agisse, pêle-mêle, du mariage entre personnes du même sexe, du droit de vote des étrangers ou de l’adoption par les homosexuels1. On en est presque à se demander si nous ne serions pas en train d’assister à un véritable « retour de bâton » contre un lexique des droits de l’homme accusé de « dévorer le droit2 » en s’émancipant des limites nécessaires à l’existence de tout corps politique digne de ce nom. En témoigne, dans la presse aussi bien que dans les discours politiques, le succès de l’accusation de « droit-de-l’hommisme », destinée à stigmatiser ceux que l’obsession des droits de l’homme rendrait incapables de comprendre les contraintes de l’action politique. Sous couvert d’une « éthique de la conviction » mal comprise, le « droit-de-l’hommisme » serait la figure contemporaine d’une pratique, éthiquement et politiquement désastreuse, de l’irresponsabilité3. Dénonciation du narcissisme de l’individu épris de ses seuls droits, rappel des exigences et des limites de la communauté familiale, sociale ou politique : le mouvement « anti-mariage gay » du printemps 2013 peut aussi être lu comme l’irruption à large échelle d’un refus de la « politique des droits de l’homme » qui traverse certains pans de la philosophie politique depuis maintenant plus de trente ans. Bien sûr, rares sont les penseurs du politique qui assument un rejet des droits de l’homme en tant que tels, c’est-à-dire du corpus normatif et législatif sur lequel reposent les États de droit démocratiques. Tout aussi rares sont les critiques qui contestent l’inscription de Déclarations de droits au corpus de l’État républicain. Mais le consensus apparent qui a permis, depuis une quarantaine d’années, l’hégémonie (au moins rhétorique) de la référence aux droits de l’homme n’a pas empêché le développement d’un discours critique qui vise les équivoques que recouvrirait cette domination. C’est d’abord l’usage qui serait fait des droits de l’homme dans les démocraties contemporaines qui suscite de vives critiques : nos nouveaux « droits humains » seraient une forme d’utopie purement morale, antipolitique, attachée à dissoudre les contraintes inhérentes à l’existence des communautés historiques. Exhausser les droits de l’homme au rang d’un idéal autosuffisant, fait-on valoir, conduit à mettre en danger l’ordre social et politique, toujours particulier, qui leur est irréductible. Dans ses versions les plus radicales, cet argument conduit à opposer deux idées de la démocratie et des droits de l’homme, qui n’auraient qu’un rapport d’« homonymie » : la démocratie, comme « forme politique » d’un tout nécessairement limité, ne serait pas du même ordre que la démocratie comme « forme d’une société » illimitée4. Jean-Claude Milner, qui formule cette thèse, oppose « les droits de l’homme classiques – ceux de 89 », qui « matérialisent une figure de limite », et « la nouvelle doctrine des droits de l’homme, qui s’est entièrement substituée à l’ancienne » et relève du « registre de l’illimité »5. Ces différents griefs forment un ensemble d’autant plus ramifié qu’il est d’emblée marqué par l’hésitation du diagnostic historique : l’« illimitation » des droits de l’homme commence-t-elle avec la révolution de 1789, comme le pensent les libéraux conservateurs qui saluent en Edmund Burke un de leurs ancêtres ? Débute-t-elle avec la présidence d’Andrew Jackson dans les années 1830, comme Jean-Claude Milner croit pouvoir le conclure de sa lecture de Tocqueville ? Est-elle un effet de l’individualisme tardif ou postmoderne qui se déploie à partir des années 1970, comme semble le suggérer Marcel Gauchet ? Mais pour comprendre le contexte dans lequel ces critiques s’inscrivent, il faut commencer par rappeler l’histoire récente de l’usage des droits de l’homme dans nos pratiques et discours politiques. Déclin ou latence des droits de l’homme au XIXe siècle et dans l’entre- deux-guerres Avant d’en venir aux résistances qu’ils suscitent, il convient évidemment de souligner que les droits de l’homme n’ont jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui – ou du moins depuis les révolutions américaine et française. Nous vivons sans doute dans l’« âge des droits6 » au sens où les droits de l’homme sont la seule idée politique et morale qui ait reçu une consécration quasi universelle – que ce soit par l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, par la ratification des deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ou encore par la reconnaissance des droits de l’homme dans l’immense majorité des constitutions nationales. Bien sûr, cette invocation des droits de l’homme est largement hypocrite. Mais le phénomène n’en reste pas moins significatif s’il est vrai que l’hypocrisie est l’hommage rendu par le vice à la vertu : « Les droits de l’homme sont aujourd’hui la seule vertu cardinale à laquelle le vice rend hommage7. » Même si plus de la moitié du monde vit dans une situation où les droits sont quotidiennement violés, nul État ne peut se permettre de revendiquer ouvertement ces atteintes sinon au nom d’un état d’urgence provisoire. Reste que ce renouveau de la référence aux droits de l’homme est récent. À suivre Jeremy Waldron et Samuel Moyn, après les grandes Déclarations du XVIIIe siècle, uploads/Litterature/ pranchere-j-y-lacroix-j-le-proces-des-droits-de-l-homme.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 2.6099MB