Les hypothèses avancées par Todorov étaient vivement contestées par l’écrivain

Les hypothèses avancées par Todorov étaient vivement contestées par l’écrivain polonais Stanislaw Lem. Qu’est-ce que Lem lui reproche au juste? 1. Le concept de la littérature fantastique selon Tzvetan Todorov Dans son œuvre Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov donne un aperçu de l’idée du fantastique et avance des thèses qui reposent sur les concepts du structuralisme. Pour commencer, nous étudierons brièvement les traits caractéristiques du structuralisme ; ensuite, nous verrons où s’emploie l’idée structuraliste dans l’œuvre de Todorov et nous finirons par examiner ses thèses au sujet du fantastique. Le structuralisme littéraire dérive des concepts linguistiques de Ferdinand de Saussure et s’occupe majoritairement avec les paradigmes ainsi que les structures et systèmes qui fonctionnent au-dessous de la surface d’une œuvre littéraire (cf. Hawthorn 305). De cette manière, un structuraliste met l’accent sur la forme et non le contenu en essayant de trouver une réponse à la question suivante : quelle structure fait évoluer la création des significations dans une œuvre littéraire ? (cf. ibid.). Selon l’idée structuraliste, l’auteur, ne se trouve effectivement pas au centre d’intérêt, car son œuvre n’est pas écrit par lui-même mais plutôt par une grammaire et un système de transformation déjà existant – par conséquent, l’auteur ne joue qu’un rôle secondaire dans l’analyse structuraliste de littérature. Todorov commence par définir le fantastique comme tout un genre littéraire qui fait référence à l’univers de la littérature (cf. Todorov 7,12). En impliquant les idées du structuraliste canadien Northrop Frye, Todorov constate les relations entre le héros de l’histoire, le lecteur, la vraisemblance, et les lois de la nature comme facteurs décisifs pour la compréhension et l’interprétation de toute œuvre du genre fantastique – même s’il concède que le choix de ces facteurs est bien arbitraire, Todorov le déclare valable pour sa définition du genre (cf. 14-15). Afin de pouvoir mieux situer le fantastique en relation avec d’autres genres littéraires, il déclare aussi que les frontières entre les différents genres sont loin d’être fixées et ne désignent jamais de vérité absolue par rapport à un certain genre (cf. 26-7). Dans la suite de son argumentation, Todorov nous confronte avec un modèle assez claire et structuré qui représente les traits caractéristiques de l’élément fantastique du genre. Selon lui, nous avons affaire avec le fantastique si, dans une histoire qui joue dans notre monde, un événement surnaturel et inexplicable produit un moment d’incertitude et d’hésitation auprès du lecteur. Ce dernier doit décider s’il considère les événements explicables par les moyens de notre monde ou non (cf. 29). Par conséquent, l‘élément fantastique se trouve dans le moment d’hésitation même, tout passage de l’hésitation à la décision mène du fantastique à un autre genre littéraire (cf. ibid.). Todorov constate alors que la condition nécessaire pour la création de l’élément fantastique est le moment d’hésitation auprès du lecteur qui doit être pris dans l’état d’hésitation le plus longtemps possible – une condition facultative consiste au moment d’hésitation auprès du protagoniste de l’histoire (cf. 34-36). Non seulement au niveau du contenu, de la perception de l’histoire par le lecteur se produit-il l’effet de l’hésitation mais aussi au niveau des procédés grammaticaux : l’emploi de l’imparfait et des modalisations contribue à la création d’une notion d’incertitude (cf. 42-45). Todorov présente aussi le dénouement pour le moment d’hésitation, donc une transition du genre fantastique à un autre genre littéraire. Lorsque le lecteur ou le protagoniste se trouve dans une situation où il doit prendre une décision par rapport à l’explication aux phénomènes surnaturels, il est confronté avec deux solutions : soit il existe une explication raisonnable d’après les lois de la nature de notre monde, soit une explication n’est possible qu’à l’aide de nouvelles lois de la nature – le premier cas désignant une transition vers le genre de l’étrange, le deuxième vers le genre du merveilleux (cf. 46-47). Selon Todorov, l’étrange est un genre dans lequel l’explication n’est que suggérée et qui fait référence au passé, au connu tandis que le merveilleux se réfère au futur, à l’inconnu (cf. 47, 53). Ce dernier est encore divisé en différents sous-genres comme le merveilleux hyperbolique, exotique, instrument, ou scientifique (cf. 60-62). Pourtant, il est nécessaire de remarquer que Todorov ne présente des sous-catégories ni pour le genre de l’étrange ni pour le fantastique. Sur le plan textuel, le fantastique est mis en relation avec les genres de la poésie et de l’allégorie. D’après Todorov, la poésie, qui est perçue comme le contraire de la fiction, ne peut pas être fantastique car le lecteur la considère comme « une pure combinaison sémantique » ce qui empêche ainsi à l’effet fantastique de se produire (cf. 65). En conséquence, le fantastique nécessite la fiction au niveau textuel. De manière similaire l’allégorie s’oppose au fantastique. Todorov constate que le sens allégorique des mots peut effectivement tuer le moment fantastique dans le sens où la poésie empêche la production de l’hésitation (cf. 67). Ce dont un texte a alors besoin pour évoquer le moment fantastique, c’est d’un langage dans un sens littéral figuré qui permettrait au lecteur d’hésiter (cf. ibid.). En tant que structuraliste, Todorov divise les fonctions du fantastique selon des catégories linguistiques : La fonction pragmatique est celle de l’effet immédiat du fantastique sur le lecteur, la syntaxique celle de la narration qui sert à créer le suspense, et la sémantique qui fait référence à la réalité en dehors du langage (cf. 98). Afin de mieux comprendre les thèmes du fantastique, Todorov propose d’étudier les différentes structures invisibles au niveau de la fonction sémantique (cf. 101). Il insiste aussi sur le fait que l’analyse des structures n’est pas une interprétation de la sémantique en soi, mais plutôt la base pour de multiples interprétations de l’œuvre littéraire (cf. ibid). L’analyse des réseaux thématiques comprend l’étude de termes abstraits (comme la sexualité ou la mort) ainsi que de termes concrets (comme le diable ou le vampire) qui contribuent également à la création d’une « polysémie d’images » (151). Todorov constate que ces termes font partie des deux grands réseaux thématiques, des thèmes du « je » et du « tu » qui se réfèrent toujours à des concepts de notre monde. Selon lui, les grands thèmes du « je » comprennent toujours des références au monde de l’enfance, de la drogue, de la schizophrénie, et du mysticisme (cf. 154-55). Ces thèmes forment un véritable catalogue de références archétypiques de façon à ce que dans le fantastique, se trouve toujours des indications sur une ou plusieurs de ces catégories. Les thèmes du « tu » fonctionnent de manière tout à fait similaire : Les névroses, notamment les perversions sexuels et tous les aspects de la vie humaine qui sont de possibles sujets de la psychanalyse freudienne constituent la contrepartie des thèmes du « je » sous une influence mutuelle (cf.155-56). Vu sous l’angle du structuralisme linguistique, les réseaux thématiques du « je » et du « tu » ont un « double caractère » : « Elles possèdent un degré élevé d’abstraction, et restent intérieurs au langage » (164). En employant ces thèmes archétypiques, il est possible, d’après Todorov, de permettre au lecteur de trouver un nombre d’interprétations aussi grand que possible à l’effet fantastique. 2. Critique du concept fantastique selon Todorov 2.1 Critique du concept par Stanislaw Lem Dans son texte Todorov’s Fanatstic Theory of Literature, Stanislaw Lem, un écrivain polonais de science-fiction, critique la théorie structuraliste de Tzvetan Todorov qu’il a illustré dans son œuvre Introductiuon à la littérature fantastique. Lem lui reproche que le système structuraliste n’est pas complètement applicable à la littérature fantastique ou précisément à la littérature en général et arrive à démonter la théorie structuraliste de Todorov. En prenant comme point de départ les thèses élémentaires de Todorov sur sa théorie de la littérature fantastique nous allons aborder la critique de Lem. Nous avons déjà observé que sur un axe opposant l’étrange au merveilleux, Todorov situe le fantastique entre les deux extrêmes. Si on pense aux dichotomies structuralistes de la linguistique, ces extrêmes s’exclurent mutuellement. Lem met en évidence « an element either belongs to a set or it does not, and 45% membership in a set is impossible » (Lem 4). Stanislaw Lem rejette ces catégories opposées au structuralisme pour le domaine de la littérature et constate « the work can be placed on the natural and the supernatural level at the same time » (Lem 6). Lem indique donc qu’un texte peut être naturel et surnaturel à la fois. Une œuvre peut être contradictoire parce qu’elle permet des interprétations diverses qui peuvent être contradictoires. Nous avons également étudié les relations de l’allégorie et de la poésie dans un texte. D’après Todorov un texte fantastique ne doit être ni poétique ni allégorique, mais il faut prendre un texte fantastique au sens littéral (cf. Todorov 37). Todorov constate que ni l’allégorie ni la poésie ne peuvent produire le fantastique, dont seul le sens littéral est applicable au fantastique. Lem rejette cette hypothèse et donne un exemple qui montre que le sens littéral ne rend pas le uploads/Litterature/ ps3-todorov-lem.pdf

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