Joseph Quesnel Colas et Colinette ou Le Bailli dupé BeQ 2 Joseph Quesnel (1749-
Joseph Quesnel Colas et Colinette ou Le Bailli dupé BeQ 2 Joseph Quesnel (1749-1809) Colas et Colinette ou Le Bailli dupé Comédie en trois actes, et en prose, mêlée d’ariettes La Bibliothèque électronique du Québec Volume 157 : version 1.0 Septembre 2002 3 « Cette pièce fut jouée pour la première fois à Montréal en 1790. M. Joseph Quesnel est né à St. Malo, le 15 Novembre 1749. Il finit ses études à 19 ans; et destiné par sa famille à la profession de marin, il s’embarqua pour Pondicherry, séjourna à Madagascar, sur les côtes de la Guinée et au Sénégal et revint en sa patrie au bout de trois ans. Peu de temps après il repartit de St. Malo pour visiter la Guiane Française, les Antilles et le Brésil. En 1779 il prit le commandement d’un vaisseau destiné pour New-York et chargé de provisions et munitions de guerre. Étant à la hauteur du banc de Terreneuve, il fut pris par une frégate anglaise et conduit à Halifax, où ayant trouvé des amis il séjourna quelque temps, et se rendit à Québec muni d’une lettre de recommandation pour le Général Haldimand qui avait connu sa famille en France. M. Quesnel ayant résolu de s’établir permanemment en Canada obtint des lettres de naturalisation par l’entremise du même Général Haldimand alors Gouverneur de la Province de Québec. Il se maria à Montréal et fixa sa résidence à Boucherville, à son retour d’un voyage qu’il entreprit pour visiter et connaître la vallée du Mississipi. M. Quesnel était né poète et musicien; Molière, Boileau, et son violon, tels étaient ses compagnons de voyage. Il composait avec une grande facilité, et se plaignait souvent de cette disposition qui l’exposait à des incorrections presque inévitables. Outre des pièces fugitives et autres pièces diverses, M. Quesnel a laissé quatre ouvrages dramatiques dont il a fait la musique, savoir: Lucas et Cécile, 4 opéra; Colas et Colinette, comédie-vaudeville, imprimée à Québec; l’Anglomanie, comédie en vers, non imprimée; et les Républicains Français, comédie en prose, imprimée à Paris. Aussi un petit traité sur l’art dramatique, écrit en 1805 pour une société de jeunes amateurs canadiens de Québec. Ses ouvrages en musique consistent en plusieurs symphonies à grand orchestre, des quatuors et duos, nombre de petits airs de chansons, ariettes, etc., et plusieurs motêts et autres morceaux de musique sacrée, composés pour l’Église Paroissiale de Montréal et qui se trouvent au répertoire de l’orgue. M. Quesnel est mort à Montréal le 3 Juillet 1809, à l’âge de 59 ans et quelques mois. » Note dans le Répertoire national de John Huston, 1848. 5 Colas et Colinette ou Le Bailli dupé Comédie en trois actes, et en prose, mêlée d’ariettes. (1788) 6 Acteurs M. DOLMONT, Seigneur de la paroisse. LE BAILLI du village. COLINETTE, jeune paysanne élevée chez M. Dolmont. COLAS, jeune paysan, amoureux de Colinette. L’ÉPINE, domestique de M. Dolmont. 7 Acte premier Le théâtre représente l’avenue du jardin de M. Dolmont. Scène I Colinette, entrant par le fond du théâtre, avec une poignée de fleurs à la main. – Le Soleil est déjà bien haut et Colas ne vient point! Il devait se rendre ici de grand matin pour cueillir ensemble le bouquet que je veux présenter à M. Dolmont, dont c’est demain la fête... aurait-il oublié ce matin ce qu’il désirait hier avec tant d’empressement?... Eh bien, en l’attendant faisons toujours le bouquet. (Elle s’assied à gauche du théâtre, pose les fleurs sur ses genoux et travaille à faire un bouquet). Ariette Cher protecteur de mon enfance, C’est pour toi seul qu’en ce bosquet, Ma main façonne ce bouquet, Que t’offre la reconnaissance; Du sort éprouvant la rigueur, En naissant je perdis mon père; Sans toi quel était mon malheur! 8 Mais tu me vis, je te fus chère, Et tu devins mon bienfaiteur. Cher protecteur de mon enfance, C’est pour toi seul qu’en ce bosquet, Ma main façonne ce bouquet, Que t’offre la reconnaissance. Mais ce négligent de Colas, qui peut donc l’avoir arrêté!... Oh, je veux le quereller, le quereller... Pourtant je sais qu’il m’aime et il n’ignore pas aussi mes sentiments pour lui. Il est si bon!... Il est si franc, si sincère!.. Une chose pourtant me déplaît en lui, il est jaloux. C’est un défaut que je hais et dont je voudrais qu’il se pût corriger... je ne crois pas qu’on puisse être heureuse en ménage quand la jalousie vient en troubler la paix. Allons, il est temps bientôt d’aller présenter ce bouquet à M. Dolmont, car les miliciens vont venir et en voilà pour toute la matinée... Ah! Ah!... j’entends quelqu’un! C’est sans doute Colas... Non, c’est M. le Bailli qui vient encore m’ennuyer de ses propos. Oh! que je voudrais qu’il fût loin d’ici! Scène II Colinette, Le Bailli. Le Bailli. – Hé bon jour, belle Colinette. Colinette. – Bon jour, monsieur le Bailli. 9 Le Bailli. – Que fais-tu donc ici si matin? Colinette, se levant. – Vous le voyez; je fais un bouquet. Le Bailli. – Sera-t-il pour moi? Colinette. – Pour vous? Le Bailli. – Oui. J’aimerais beaucoup un bouquet de ta jolie main. (Il veut lui baiser la main.) Colinette. – Finissez. Le Bailli. – Dis-moi, seras-tu toujours aussi farouche? Colinette. – Aussi farouche? Qu’est-ce que cela veut dire? Le Bailli. – C’est que si tu voulais m’aimer, je saurais te rendre fort heureuse; tu ne sais pas tout le bien que je pourrais te faire. Colinette, ironiquement. – Je vous suis obligée de votre bienveillance. Le Bailli. – C’est répondre assez mal à mon empressement; tu n’ignores pas que je t’aime, et tu ne fais que rire de mon amour. Colinette, riant. – Eh! que voulez-vous donc que je fasse? Le Bailli. – Tu badines toujours, mais je te parle sérieusement moi; il ne tiendrait qu’à toi de devenir en peu ma petite femme. Colinette. – Votre petite femme? Le Bailli. – Oui, je te donnerais mon coeur et tout ce que je possède. Colinette. – Vous avez bien de la bonté. 10 Le Bailli. – Je me flatte que M. Dolmont n’y mettrait point d’obstacles. Colinette. – Vous vous flattez peut-être un peu légèrement. Le Bailli. – Pourquoi? Colinette. – Parce que M. Dolmont pourrait bien n’y pas consentir. Le Bailli. – Il n’y consentirait pas?... Mais si tu y consentais toi? Colinette. – Oh! pour cela, non, je vous assure. Le Bailli. – Diantre! tu me parais bien décidée, est-ce que tu serais assez folle pour refuser la main d’un homme qui t’aimerait? Colinette. – Je serais du moins assez sage pour ne pas accepter celle d’un homme que je n’aimerais pas. Le Bailli. – C’est parler clairement, mais j’espère que tu deviendras moins insensible, et que tu pourras m’aimer quelque jour. Colinette. – Cela pourra venir. Le Bailli. – Eh bien! tâche donc que cela vienne, et considère que je suis riche, et que ce n’est pas une chose à dédaigner. Colinette, à part. – Voici de quoi faire à Colas une histoire assez jolie. Le Bailli. – Tu n’ignores pas, mon enfant, que l’argent dans le ménage... Colinette, l’interrompant. – Tenez, M. le Bailli, je ne songe point à me marier; souffrez que je vous quitte, pour 11 aller porter ce bouquet à M. Dolmont, avant l’arrivée des miliciens. Le Bailli. – Eh! quoi, si pressée? reste donc encore un moment; les enrôlemens ne commencent pas si matin et nous pouvons causer encore. Colinette. – Je n’en ai pas le temps. (Elle s’enfuit.) Scène III Le Bailli. – Elle est charmante, mais c’est dommage qu’elle ne m’aime pas; cependant ne désespérons de rien. Le coeur d’une jeune fille est comme l’amadou, une étincelle suffit pour l’embraser, j’espère qu’elle s’apprivoisera. (Il rêve.) Je me croirais heureux avec cette enfant-là! c’est un coeur tout neuf, cela s’attachera à son mari; cela se ferait à mes caresses, et dans peu, elle m’aimerait à la folie; mais d’autre part, épouser une fille si jeune à mon âge!... Il y a bien quelques risques à courir... ceci demande quelques réflexions. Pendant la ritournelle, il se promène sur le bord du théâtre d’un air pensif. Ariette Colinette est jeune et jolie, De l’épouser ferai-je la folie, L’amour dit oui, mais, hélas, la raison 12 En l’écoutant, me dira toujours non. Non, non, non, non, Pourtant, pourtant sa mine Sa mine est si mutine! Si fine! Non, non, mon coeur n’y saurait résister. Lequel des deux dois-je écouter? C’en est fait, elle a su me plaire, Oui, je veux hâter cette affaire, Colinette sera mon lot; Sitôt que l’amour dit un mot, C’est la raison qui doit se taire. Me voilà tout-à-fait décidé, à quoi sert de délibérer? Je n’ai pas de temps à perdre pour prendre un parti, mais je me crois encore très propre à faire le bonheur d’une femme; il s’agit seulement de lui plaire, et quand j’aurai gagné ce point- là, il me sera facile de renverser les obstacles que M. Dolmont pourrait mettre à notre uploads/Litterature/ quesnel-1-zd-z.pdf
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- Publié le Fev 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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