afrika focus — Volume 25, Nr. 2 [ 132 ] afrika focus — Volume 28, Nr. 2, 2015 —
afrika focus — Volume 25, Nr. 2 [ 132 ] afrika focus — Volume 28, Nr. 2, 2015 — pp. 132-145 Qu’est-ce que le théâtre africain ?1 Julien Mbwangi Mbwangi Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Kinshasa This article gives the broad outlines of our thesis entitled: The African theatre and its character istics. Analysis of some defining criteria through the urban kikongophone theatre". We will give more information about the problem statement and the methodology used to write this thesis. This thesis is a contribution to the theorization and conceptualization of African aesthetics, more in particular African theatre." Key words : theater, african, theorization, conceptualization, criteria Cet article reprend les grandes lignes de notre thèse intitulé « Le théâtre africain et ses caractéris tiques. Analyse de quelques critères définitoires à travers le théâtre urbain kikongophone ». Nous y avons repris les grandes articulations qui constituent l’ossature de cette thèse en précisant le problème posé, en articulant notre position et en définissant la méthode que nous avons suivie pour rédiger cette thèse qui constitue une plus – value dans la théorisation et la conceptualisation de l’esthétique africaine notamment du théâtre. Mots clés : théâtre africain, théorisation, conceptualisation, critères Introduction Cet article fait suite à notre thèse de doctorat intitulé « Le théâtre africain et ses caractéristiques. Analyse de quelques critères classificatoires à travers le théâtre urbain kikongophone ». Thèse soutenue à l’Université Libre de Bruxelles en cotutelle avec l’Uni versité de Gand. Cette thèse constitue une tentative de réponse au séminaire que nous avons présenté en 2010 au Musée Royal de l’Afrique Centrale : « le théâtre africain à la recherche de la catégorisation ». Nous avons analysé dans cette thèse un corpus de huit pièces de théâtre récoltées auprès de la troupe théâtrale Schecania dans la ville de Boma, province du Bas-Congo en République démocratique du Congo. Ce corpus que nous avons considéré comme genre de la littérature africaine moderne notamment du théâtre moderne sur la base des critères que nous énonçons plus bas, nous a permis de démar quer ce type (théâtre moderne) des autres types de théâtre africain : traditionnel, importé. En plus, il nous a permis de clarifier la question de l’existence ou non du théâtre africain : fondamental. Nous reprenons donc ici les grandes articulations de cette thèse suivant le 1 Travail de thèse de doctorat soutenu à l'Université de Gand sous la supervision des professeurs Koen Bostoen, Xavier Luffin et Jacky Maniacky. afrika focus — 2015-12 [ 133 ] Reports - Rapports plan ci-après : – Le problème – Notre position – La méthodologie – Conclusion Le problème La qualification et la catégorisation du théâtre africain posent problème chez plus d’un chercheur. Une problématique sans cesse renouvelée par des réflexions parfois très tranchées, parfois moins approfondies. Certains pensent que l’Afrique ne connaît pas de théâtre pour des raisons que nous évoquerons plus bas; c’est plutôt l’Occident qui aurait apporté ce genre en Afrique à travers la colonisation. C’est le cas par exemple de Ricard (1998, 1986) ou de Hussein (1991). D’autres pensent que l’Afrique connaît bien son théâ tre avant l’arrivée du colonisateur. C’est le cas par exemple de Traoré (1958), Ngugi wa Thiong’o (1986) Sony Labou Tansi (1986), Zumthor (1983), Ruocco (2007). Nous avons cherché à pénétrer le problème en faisant le débat sur la question de l’existence ou non du théâtre africain en critiquant dans tous le sens les critères qui font soutenir ces genres de position. D’abord en cherchant à décortiquer les critères qui disqualifient l’existence du théâtre en Afrique, en vue de construire solidement notre argumentaire par rapport à la question. Notre lecture a pu ainsi établir l’existence des postulats ci – après au regard du débat quotidien sur la question : a) Le théâtre n’est pas africain à cause de l’absence des textes écrits selon que cela s’expliquent dans les propos des auteurs comme Ricard (1986 :32) qui défend que le théâtre s’inscrit tout entier dans l’univers de l’écriture, dans la construction poé tique; ou Mulongo (2003 :87) qui écrit : Une faiblesse majeure : l’absence de textes rigoureusement écrits et édités. D’où la difficulté (l’impossibilité) de reproduction scénique d’une pièce par d’autres troupes. Et par voie de conséquence, l’émergence des auteurs (et donc de la littérature) en langues nationales est sans cesse repoussée. L’on pourrait également y ajouter le problème de la langue employée : le travail de la langue. La langue du peuple est-elle condamnée à trop de simplicité, trop de légèreté dans la trame discursive? A l’absence de rigueur dans l’observance des règles linguistiques? b) Les genres considérés comme théâtraux par certains classiques (Zumthor, Bau mgart, Lamko, Banham, Cornevin…) ne remplissent pas le critère à cause de l’ab sence en ces derniers (mythe, conte, palabre, chant traditionnel, rite...) de jeu et le non-respect de la mise à distance ; c) l’absence d’une architecture théâtrale appropriée selon les termes de Ricard et aussi l’expression théâtrale est le produit d’une élaboration poétique propre à certains groupes sociaux, l’Occident en l’occurrence (Ricard) d) L’inexistence dans ces genres d’une démarcation nette entre l’esthétique et l’expé rience pratique de la vie politique et religieuse. afrika focus — Volume 28, Nr. 2 [ 134 ] Le débat autour de ces arguments nous ont permis de construire à l’opposé le para digme suivant : a) Le texte préalablement écrit ne suffit pas pour qualifier le théâtre (Triffaux 2013, Pru ner 2010, Helbo 1975). La représentation et le spectacle étant beaucoup plus l’abou tissement de cet art vivant. Ainsi en témoigne ce propos de Maillot (1989 :111) : Dans tout ce qui n’est pas le texte, et c’est beaucoup, le théâtre est donc un art de l’espace du fait, du matériau théâtral. Et donc, si on recherche la spécificité du fait, du matériau théâtral, ce n’est donc pas du côté par lequel le théâtre touche aux arts de l’espace qu’il faut chercher. Mais il serait également une erreur de considérer que la spécificité théâtrale se trouve dans le texte. Le texte ne suffit pas à définir le théâtre; il suffit à définir l’écrivain dramatique2. La pièce une fois écrite, le travail de l’auteur dramatique est achevé, mais le théâtre n’a pas, pour autant, commencé de naître. D’autre part, le texte écrit suffit à montrer que l’on est dans l’art litté raire d’une façon générale, parce que le matériau utilisé est linguistique, mais cette définition est bien trop imprécise pour le théâtre. Dans la recherche de ce qui caractérise le matériau théâtral, le texte vient préciser que le théâtre est un des genres littéraires, comme le décor vient indiquer que le théâtre touche aux arts de l’espace, mais ni le texte, ni le décor ne sont des matériaux spécifiques au théâtre; ils ne suffisent donc pas à sa définition. On ne sera pas beaucoup plus heureux non plus si l’on cherche du côté de l’acteur. Bien entendu, l’acteur est essentiel au théâtre. […]. L’acteur est donc un élément nécessaire au théâtre. Il n’est pourtant pas l’élément suffisant. Pour deux raisons. D’abord parce que en tant que matériau de l’art, l’acteur est présent ailleurs qu’au théâtre. Le di seur de texte qui accompagne ce qu’il dit avec les mouvements de son corps et les expressions de son visage, c’est aussi le poète qui déclame, le conteur qui récite, l’aède qui chante, le récitant, etc. b) Le jeu, la mise à distance : le jeu est l’une des caractéristiques fondamentales de genres africains qui rentrent dans cette catégorisation. Ils sont ludiques et récréatifs d’abord. Comme le démontre Lamko (2006 :13) : La mosaïque générique, avec ses formes théâtrales ou extra-théâtrales [texte, rituel, danse, musique, chant, conte, mythe, légende, récit de vie, masque, projection, palabre, débat…], garantit l’aspect ludique tout en créant les effets d’identification nécessaires à la distance critique. Elle enracine le théâtre dans la vie présente des hommes et des femmes qui y prennent part comme un rituel initiatique et comme une célébration de leur mémoire. Toute la géométrie théâtrale est respectée. Les spectateurs ne sont pas confondus à l’acteur, ni par rapport au rôle et moins encore par rapport à l’aire du jeu. c) L’architecture : Munch (2001) comme d’autres auteurs montre que le théâtre n’est pas définissable en tant que tel à cause de la diversité des architectures théâtrales « … de la boîte à l’italienne à l’espace en plein air […] On peut allonger cette liste; 2 C’est nous qui soulignons. afrika focus — 2015-12 [ 135 ] Reports - Rapports on peut même en déduire que le phénomène « théâtre » n’est pas définissable en tant que tel. » Brook (1972 :11) montre d’ailleurs que : « I cant take any empty space and call it a bare stage. A man walks across this empty space whilst someone else is watching him, and this is all that is needed for an act of theatre to be engaged ». d) C’est vrai que l’art africain est fonctionnel et que la démarcation entre l’esthétique et la fonction est à peine perceptible. Mais uploads/Litterature/ quest-ce-que-le-theatre-africain.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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