GUSTAVE FLAUBERT (1821- 1880) Contemporain de Baudelaire, Flaubert occupe, comm

GUSTAVE FLAUBERT (1821- 1880) Contemporain de Baudelaire, Flaubert occupe, comme le poète des Fleurs du Mal, une position charnière dans la littérature du XIXe siècle. À la fois contesté (pour des raisons morales) et admiré dès son temps (pour sa force littéraire), il apparaît aujourd'hui comme l'un des plus grands romanciers de son siècle. Avec, en particulier, Madame Bovary, qui fondera le bovarysme, et L'Éducation sentimentale il se place entre le roman psychologique (Stendhal ), et le mouvement naturaliste (Zola, Mallarmé). Fortement marqué par l'œuvre de Balzac dont il reprendra les thèmes sous une forme très personnelle (L'Éducation sentimentale est une autre version de Le Lys dans la vallée, Madame Bovary s'inspire de La Femme de trente ans), Flaubert s'inscrit dans sa lignée du roman réaliste. Mais il est aussi très préoccupé d'esthétisme, d'où son long travail d'élaboration pour chaque œuvre. La diversité de son œuvre - quoique relativement restreinte - le font revendiqué aussi par les romantiques tandis que les naturalistes ont vu en lui l'un de leurs précurseurs. D'autre part, les tenants du roman moderne, surtout ceux du Nouveau Roman, le considérèrent leur devancier illustre à cause de l'impersonnalité de son écriture, à laquelle Flaubert est parvenu par le renoncement à la position omnisciente de l'écrivain, telle que l'avait pratiquée Balzac, ainsi qu'au ton lyrique ou confidentiel. Selon Roland Barthes, Flaubert représente un deuxième type de narrateur, „sorte de conscience totale, apparemment impersonnelle, qui émet l’histoire d’un point de vue supérieur”. D'ailleurs, Flaubert, lui-même affirmait dans sa Correspondance „L’auteur, dans sa œuvre, doit être comme un Dieu dans l’univers, présent partout et visible nulle part”. De plus, son regard ironique et pessimiste sur l'humanité fait de lui un grand moraliste. Selon l'opinion Flaubert_ Correspondance_ l’écrivain doit avoir comme principal but de „viser au beau”, de comprendre et d’envisager la Beauté dans toute sa complexité. Dans son culte de la Beauté, le romancier a, comme Baudelaire, certains points de vue communs avec les représentants de l’art pour l’art et du Parnasse. Flaubert condamne l’art „joujou”, qui „cherche à distraire”, mais aussi l’art utile, qui veut enseigner, corriger, moraliser. L’art est, selon lui, „la manifestation la plus haute de l’âme” ; il possède seulement une utilité supérieure et idéale. Le livre devient moral grâce à sa perfection : „La morale de l’art consiste dans sa beauté même”. Parallèlement, Flaubert s’élève, avec Baudelaire, contre le culte du naturel, contre la simple imitation de la réalité. L’art n’est pas la réalité, la réalité n’est qu’un prétexte à atteindre la vérité supérieure de l’art qui a une priorité sur le réel. Ce qui compte pour l’artiste, c’est d’étudier „les rapports, c’est-à-dire la façon dont nous percevons les objets”. Avant Proust, Joyce, Kafka et Beckett, Flaubert a voulu voir au-delà des apparences sociales, saisir l’essentiel des rapports humains. Mais la partie la plus intéressante de l'esthétique flaubertienne est formée des réflexions sur le style et sur le travail littéraire. La création suppose un travail lucide, une invention disciplinée, une composition rigoureuse, un plan établi avec soin, une vue d’ensemble nette. Les lois de la perspective sont jugées d’une extrême importance. Madame Bovary, le premier roman de Flaubert lui a apporté la célébrité. Selon le critique roumain Livius Ciocârlie, il y a assez de points de communs avec l'esthétique balzacienne dans la structure du roman flaubertien. Il y s'agit en fait du même déterminisme soigneusement observé entre cause et effet, l'imprévu n'ayant aucun rôle dans la construction du roman. Par exemple, le déclin même d'Emma est minutieusement observé depuis le péché virtuel, annoncé lui aussi par les aspirations de l'héroïne, jusqu'à l'adultère répété et finalement la mine financière et le suicide d'Emma. L'ordre de la compromission des valeurs morales bourgeoises par les actes irréfléchis du personnage relèvent du fait que l'écrivain est encore intégré au même système de valeurs que celui qui avait soutenu la construction romanesque balzacienne. Mais Flaubert a renouvelé le genre par le perfectionnement de la technique du roman des mœurs et par la création du véritable roman d’analyse psychologique. Ce n’est plus, comme chez Balzac, le roman d’une crise, mais celui d’une existence. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’une vie terne, parsemée de désillusions, vie cruelle par l’absence même des événements. De plus, à la différence de Balzac qui présente une société encore vigoureuse, en plein essor, Flaubert nous fait assister à un univers social dominé par une matérialité déchue où la domination de l'argent plonge la société dans une crise aigüe des valeurs qui la mine de l'intérieur. Ses personnages sont de ridicules fantoches au seuil de l'absurde. Emma semble vouloir s'opposer à ce genre d'univers mais elle veut s'opposer à la réification transposition d'une abstraction en objet concret, en chose_ imposée par le système par des moyens dérisoires: l'évasion dans un rêve édulcoré. L'écrivain tend au lecteur non averti le piège de s'identifier avec son personnage principal, ce qui reviendrait à procéder à une lecture romantique du texte. En réalité, il y s'agit d'une parodie tant du roman romantique que du roman balzacien. Quant à la parodie du roman romantique on est en présence d'un personnage qui perçoit la réalité à travers un faux modèle, celui des romans "roses" qu'elle avait lus, en cachette, pendant son stage au couvent. Cela la rendra aveugle à une bonne lecture des signes du texte social dont elle fait partie. Elle va apprendre par la souffrance que la vie ne correspond pas à l’image qu’elle s’en est faite en lisant des romans romantiques (le mariage, ses expériences décevantes avec ses amants, seront autant d’échecs qui la mèneront finalement au suicide). Flaubert utilise le procédé d'appréhension du réel_l'analyse de l'appareil psychique qui régit les désirs, et donc, conditionne l'imaginaire, et nous renseigne sur la subjectivité, la mentalité, les fantasmes de son personnage comme s'il se fût agi de lui-même. Madame Bovary saisit le réel et donc - la réalité, à partir des fantasmes qui en découlent et lesquels, à leur tour organisent le réel et la réalité. Les caractères des personnages principaux sont résumés au début du roman, à valeur rétrospective, les premières scènes annonçant d’ailleurs l’incompatibilité du couple Charles – Emma. Malgré la bonté et l’amour pour sa femme, Charles reste un maladroit, la scène du début visant sa vie de lycéen étant bien illustrative. Les scènes suivantes appartiennent à Emma – il s-agit de l’évocation de sa vie passée au couvent. Le romancier a su faire une philosophie de la vie appelée bovarysme – rêverie vaine. On peut faire un parallèle entre Emma Bovary et Don Quichotte de Cervantès car il s’agit de deux grands types littéraires, victimes des mêmes rêveries vaines, du pouvoir de dédoublement, des mêmes lectures dangereuses. Mais ils sont aussi deux non – conformistes par leur incapacité d’accepter le réel, par leur refus d’un bonheur quelconque. Les thèmes qui dominent dans la présentation d’Emma sont le rêve et le désir sublimé, devenus principes de l’existence. Dans la description de la vie passée au couvent, Flaubert utilise la technique du „flash back”, qu’on rencontre aussi dans L’Éducation sentimentale ou dans les romans de Balzac ou de Zola. La personnalité d’Emma se complète ainsi de „touches” successives qui font prévoir son tempérament passionné, la possibilité de se forger un monde imaginaire. L'idéal romantique d'Emma se découvre progressivement. L’invitation au château du marquis Andervilliers où Emma peut connaître la vie des aristocrates, accentue sa souffrance et rend plus accablante la médiocrité de son mariage et l’absence de communication avec Charles. Cette scène et le voyages imaginaires à Paris ou dans les pays exotiques ont comme contrepartie la description désolante de l’ennui d’Emma qui ressent le décalage existant entre son état social et celui, affectif - de ses rêves. Les lieux où Flaubert place l’existence d’Emma: le couvent, la ferme de son père, Tostes, Yonville, et même la salle de l’Opéra et la chambre de l’hôtel de Rouen, sont des espaces discontinus, limités, clos sur eux-mêmes, des espaces qui donnent toujours la sensation de prison. De cette manière, l’horizon fermé, l’immobilité et l’étouffement sont en accord avec la monotonie de la durée. Madame Bovary cherche dans la sensualité une évasion du quotidien trivial. Au sentiment du néant, provoqué par le mariage, va s’ajouter le néant de la passion, car les deux amants – Léon et Rodolphe s’avèrent être des âmes égoïstes et basses. Cependant Emma a le pouvoir de toujours recommencer les expériences et de cette manière elle s'achemine vers l’autodestruction, sans possibilité de s’en sauver. Madame Bovary est le roman de la fatalité à laquelle on ne peut pas se soustraire, symbolisée dans le roman par la figure de l’aveugle et par des rencontres entre les personnages, dus au hasard mais qui changent très souvent leur vie. Autour d’Emma et de Charles sont disposés plusieurs personnages qui complètent le vaste tableau des mœurs de province. La création la plus originale est le pharmacien Homais, image du bourgeois stupide, atteint, lui aussi, d’un certain bovarysme, par le mensonge dans lequel il vit et par ses prétentions scientifiques et athéistes. Dans uploads/Litterature/ gustave-flaubert-word.pdf

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