La traduction des textes journalistiques par René Meertens Les traducteurs sont

La traduction des textes journalistiques par René Meertens Les traducteurs sont amenés à traduire principalement deux sortes de texte à caractère journalistique : les communiqués de presse et les articles. La traduction des communiqués de presse assure une diffusion plus large des messages qu’ils véhiculent. En particulier, les organisations internationales veillent à publier leurs communiqués dans leurs langues officielles. Parmi les articles à traduire, il y a d'une part ceux que des revues destinées avant tout à une zone linguistique particulière font traduire dans une ou plusieurs langues. C'est ainsi que la National Geographic Society publie notamment une édition française de sa revue. D'autre part, certaines publications paraissent simultanément dans plusieurs langues. Par exemple, le Forum du désarmement est une revue publiée en français et en anglais par l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement. Rares sont ceux qui sont spécialisés dans la traduction de tels textes, qui exige à la fois des compétences de traducteur et un talent journalistique. Promu malgré lui traducteur-journaliste, celui qui traduit un texte relevant du journalisme est tenu de connaître et, dans la mesure du possible, d’appliquer les règles qui s'imposent aux journalistes. Il doit adapter l'original si l'auteur de celui-ci les a enfreintes, ce qui est fréquent. Ici, il sera avant tout question des textes contenant des nouvelles. Une nouvelle est un fait récent, présenté dans son contexte et de nature à intéresser le lecteur. Pour conserver sa fraîcheur à la nouvelle, le traducteur se doit de traduire le texte toutes affaires cessantes. En outre, il doit connaître son contexte ou se documenter à son sujet. Mais sa tâche principale consistera à susciter et à maintenir l’intérêt du lecteur. Soyons clairs Tout texte journalistique doit être clair et attrayant. Il se fait du reste que ce qui est obscur est par là même rebutant. Si le fond du texte ne dépend pas du traducteur, celui-ci dispose en revanche d'une certaine latitude en ce qui concerne la forme : il peut et doit présenter des informations trop arides de façon explicite et dans un style vivant. Il est essentiel de tenir compte des destinataires du texte. Si l'information est destinée à un public averti, il faut utiliser un style approprié et la terminologie correcte. L'exactitude de celle-ci contribue en effet à conférer de l'autorité aux informations présentées. Le plus souvent, cependant, les destinataires du texte sont des profanes. Un communiqué de presse est généralement lu par un journaliste qui n'a qu'une connaissance approximative du sujet traité. Si les informations sont destinées en fin de compte à un large public, elles doivent être comprises par le plus grand nombre. Seul le minimum est censé être connu. En conséquence, la clarté et la simplicité sont de rigueur. Il convient, par exemple, de substituer « le virus du sida » au « virus de l'immunodéficience humaine » – et a fortiori a l'énigmatique « VIH » – et d'écrire « organes producteurs de sang » plutôt qu'« organes hématopoïétiques ». Tout énoncé manquant de clarté est de nature à dérouter le lecteur. Le traducteur est tenu de se documenter ou de consulter l'auteur pour éclaircir les points obscurs. La clarté passe le plus souvent par la simplicité. En particulier, il ne faut utiliser des sigles qu'après avoir présenté l'expression complète, suivie du sigle entre parenthèses. Dans un exemple tiré de la pratique, la traduction littérale d’un titre (« Le CCI organise le premier Forum des entreprises ») aurait plongé dans la perplexité tout lecteur ne sachant pas que le CCI est le Centre du commerce international. Le traducteur a donc dû remédier au manque d’aptitude à la communication de l’auteur de l’original. Le nom des personnes citées doit être suivi de leur titre ou de leur qualité ; ce qui compte, cependant, c'est moins l'exactitude du titre sur le plan administratif que le recours à une dénomination qui permette de situer l'intéressé. S’il est question d’une personne en début d'article, il ne faut pas s'attendre à ce que le lecteur se souvienne de son nom 30 lignes plus loin. On appliquera alors l'adage « bis repetita placent ». Clarté ne signifie cependant pas simplification abusive et il ne faut pas prendre le lecteur pour un simple d'esprit. Le traducteur- journaliste doit rester en deçà du niveau de compréhension des plus cultivés, mais accroître le niveau de culture du public ordinaire. Cela dit, il est parfois difficile d'être clair et concis, tout en restituant l'information de façon exacte et complète, surtout quand celle-ci est assez technique. Il convient alors de faire un arbitrage entre ces différents objectifs. 1 Accrocher sans racoler Le titre, élément décisif de l'éveil de l'intérêt d’un lecteur a priori indifférent, permet au traducteur de donner toute sa mesure, car il jouit à son égard d’une grande liberté de manœuvre. Idéalement, un titre doit être à la fois court et explicite. « Madame l'arbitre », titrait le Monde au-dessus d’un bref portrait d'un arbitre féminin de football. Pour être concis, un moyen commode consiste à indiquer d’un mot le contexte et à présenter ensuite l’information ; par exemple, « Jolo : Paris craint pour ses deux otages » (Le Figaro). Il ne faut toutefois pas se livrer à des contorsions extraordinaires à seule fin d'être lapidaire. Chaque journal a son style : Libération privilégie les titres percutants, tandis que le Monde a souvent recours à des titres sobres mais longs. De même, le traducteur devra trouver le ton qui convient à son client ou employeur. Un titre trop accrocheur peut nuire à l'impression de sérieux que l'on veut donner aux informations diffusées. En effet, le titre choc est privilégié par la presse populaire, tandis que les journaux de haute tenue le réservent aux informations plus légères. En 1977, un tueur en série terrorisait New York. Quand on l'arrêta enfin, le New York Post titra en lettres rouges et géantes un seul mot : CAUGHT. Telle était la psychose qui régnait dans la ville que tous les New-Yorkais comprirent aussitôt qui avait été appréhendé. La recherche du titre choc peut conduire aux pires excès. Lorsque le sous-marin britannique HMS Conqueror coula le croiseur argentin General Belgrano en mai 1982, causant la mort de centaines de marins argentins, le Sun se déshonora en titrant « Gotcha! ». Si un titre doit attirer l'attention, son principal attrait doit provenir de l'intérêt intrinsèque de la nouvelle qu'il résume. Exemple : « Un nouveau médicament contre le sida va être commercialisé au sein de l'Union européenne » (Le Monde). Un titre plus ronflant aurait été à proscrire, car le lecteur se serait senti floué en se rendant compte, à la lecture de l'article, que les vertus du médicament en question étaient bien limitées. Le langage des titres n'est pas le même dans le monde anglo-saxon qu'en France. Les anglophones utilisent avec prédilection certains mots courts que l'on retrouve rarement dans l'article proprement dit : axe, bid, cut, hike, hit, leap, loom, raid, rap, row, shock, slam, slay, split, vow, etc. En général, les titres anglais font l'économie des articles. Le traducteur doit s'efforcer de trouver un titre qui lui soit personnel, sans être esclave de l'original. Plusieurs procédés lui permettent d'utiliser le titre pour donner un peu plus de tonus à un article ou à un communiqué de presse quelque peu anodin: - l'allusion et le jeu de mots : « La voiture électrique démarre » (Le Monde), « Un électrochoc pour Moulinex » (Le Monde) ou « Les machines à laver, c’est le propre de l’art » (Le Figaro) ; - la métaphore : « La pêche aux amendes au large de Guernesey » (Le Monde) ; - le paradoxe : « Le patron est à la CGT et les ouvriers sont des capitalistes » (Le Monde) ; - l'effet de surprise : « Radko Mladic, ses abeilles et ses colonels » (Le Monde). L'imagination semble être au pouvoir dans Libération, mais la recherche de l'originalité à tout prix peut faire long feu : « Le plan-plan Bayrou pour les universités » et « Les ovins atteints de "tremblante" quittent l'assiette ». Le lecteur intrigué par le titre peut abandonner la lecture de l'article une fois qu'il aura compris l'allusion. Continue, tu m'intéresses Il ne suffit pas qu'un texte soit diffusé : encore faut-il qu'il soit lu. En effet, si le lecteur, au départ peu intéressé, perd le fil ne serait-ce qu'un instant ou éprouve une sensation d'ennui si brève soit elle, il abandonnera en cours de route. Il faut donc maintenir en permanence son intérêt et l’inciter à lire le texte jusqu’au bout. Le communiqué de presse a la particularité de s’adresser au lecteur final par l'intermédiaire des journalistes. Son auteur doit convaincre ces derniers que les informations présentées intéresseront ses lecteurs. Les règles applicables aux articles le sont donc également aux communiqués de presse. Il faut séduire les journalistes en donnant aux informations une forme attrayante. Si celles-ci intéressent le journaliste, souvent blasé, elles sont à plus forte raison de nature à trouver un uploads/Litterature/ r-meertens-la-traduction-des-textes-journalistiques.pdf

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