1 RAIN: un exercice d’auto-compassion  https://www.tarabrach.com/selfcompassio

1 RAIN: un exercice d’auto-compassion  https://www.tarabrach.com/selfcompassion1/ Quand j’étais à l’université, je suis parti en montagne faire de la randonnée avec une amie de 22 ans, plus âgée et sage que moi. Apres avoir installé notre tente, on s’est assis au bord d’un ruisseau, observant l’eau tournoyer autour des rochers tout en discutant de nos vies respectives. A un moment, elle m’a décrit comment elle apprenait à devenir sa «propre meilleure amie». Une vague de tristesse s’est emparé de moi et j’ai fondu en larmes. J’étais loin d’être ma meilleure amie, sans arrêt sous l’emprise de mon juge intérieur: impitoyable, exigeant, implacable, toujours à me remettre en cause. J’étais guidée par le sentiment qu’il y a «quelque chose qui ne va pas» au plus profond de moi, et je m’acharnais à contrôler et à réparer cette impression d’imperfection fondamentale. Au cours des dernières dizaines d’années, à travers mon travail avec des dizaines de milliers de clients et d’étudiants en méditation, j’ai pu réaliser que ce sentiment d’insuffisance personnelle est épidémique. Dès qu’on se sent inadéquat, on entre dans un état de transe qui nous cause énormément de souffrance. Pourtant j’ai trouvé dans ma propre vie et d’innombrables autres qu’il est possible de se réveiller de cette transe, grâce à la Pleine Conscience et à l’auto-compassion. On est capable d’arriver à une confiance en la bonté et la pureté de notre cœur. L’auto-compassion peut se développer lorsqu’on établît un contact direct et honnête avec notre propre vulnérabilité. Cette compassion ne peut s’épanouir complètement que lorsqu’on porte une attention bienveillante envers nous-mêmes. Mais il paraît souvent impossible d’éveiller cette auto- compassion quand on est coincé dans la transe d’insuffisance. Pour aider ceux qui souffrent de ces sentiments d’insécurité et de déficience, j’aime offrir une méditation d’auto-compassion que j’appelle «RAIN» - un acronyme qui veut dire «pluie» en anglais. C’est un moyen mnémotechnique utile pour pratiquer la Pleine Conscience et l’auto- compassion. Dans cette version - il y en a plusieurs! – on suit les quatre étapes suivantes: 2 Reconnaître ce qui se passe; Accepter l’expérience entièrement; Investiguer avec soin et curiosité; Nourrir avec auto-compassion. Vous pouvez prendre votre temps pour explorer RAIN en tant que méditation, ou bien utiliser ces quatre étapes dès qu’une émotion difficile se présente à vous. ******** R – Reconnaître ce qui se passe Reconnaître, c’est d’admettre consciemment à tout moment les pensées, les sentiments, et les comportements qui nous affectent. Comme pour s’éveiller d’un rêve, la première étape pour se sortir de la transe d’insuffisance est simplement de reconnaitre que l’on y est coincé, et que l’on est sujet à des croyances, des émotions, et des sensations qui nous contraignent douloureusement. Un juge intérieur critique, des sentiments de honte ou d’angoisse, la contraction de l’anxiété ainsi que le poids de la dépression sont quelques signes communs de cette transe. Reconnaître peut être un simple chuchotement mental, en constatant ce qui vous arrive. A - Accepter l’expérience entièrement Accepter, cela veut dire laisser les pensées, les émotions, les sentiments et les sensations que l’on a reconnus simplement exister, sans essayer de réparer ou d’éviter quoique ce soit. Lorsqu’on se trouve coincé dans le jugement de soi, «laisser être» ne veut pas dire qu’on est d’accord avec notre conviction d’insuffisance; cela veut plutôt dire que l’on reconnaît avec honnêteté la présence de ce jugement, et des sentiments douloureux sous- jacents. Beaucoup de mes étudiants s’offrent des mots ou des phrases encourageantes en silence, pour soutenir leur intention de s’arrêter et de «laisser être». Par exemple, vous pouvez vous dire «oui» ou bien «ca va» 3 lorsque la peur vous prend, afin de reconnaître et d’accepter la réalité de votre expérience à ce moment-là. I – Investiguer avec soin et curiosité Une fois que l’on a reconnu et accepté ce qui survient en nous, on peut commencer à approfondir notre attention en investiguant de quoi il s’agit. L’investigation consiste à faire appel à notre curiosité innée – ce besoin de connaître la vérité – ainsi qu’à diriger une attention plus profonde envers notre expérience du moment présent. Par exemple, vous pourriez vous demander: Qu’est-ce qui me demande le plus d’attention? Comment cela se manifeste-t-il au niveau de mon corps? A quelles croyances suis-je en train de donner raison? Qu’est-ce que cet endroit vulnérable voudrait-il de moi? De quoi a-t-il le plus besoin? Quel que soit le sujet de l’enquête, votre investigation sera plus transformationnelle si vous dirigez votre attention vers la sensation corporelle plutôt que d’intellectualiser ce qui survient en vous. En investiguant, il est essentiel d’aborder l’expérience avec délicatesse et sans jugement. Cette attitude bienveillante aide à créer un sentiment de sécurité, ce qui nous permet de nous rapprocher de nos souffrances, de nos peurs et de nos hontes avec honnêteté. N – Nourrir avec Auto-Compassion L’auto-compassion commence à se manifester naturellement dans les moments où l’on reconnaît que l’on souffre. Elle s’épanouît à force de nourrir consciemment notre vie intérieure avec soin et bienveillance. Pour y arriver, essayez de ressentir ce dont a le plus besoin cet endroit de souffrance et d’angoisse, puis offrez lui un geste de bienveillance qui puisse répondre à ce besoin. A-t-il besoin de paroles rassurantes? De pardon? De compagnie? D’amour? Explorez puis découvrez quel geste bienveillant aide le mieux à réconforter, adoucir, et ouvrir votre cœur. Cela peut être une des ces paroles encourageantes: «je suis avec toi», «je suis désolé et je t’aime», «ce n’est pas de ta faute», «aie confiance en ta bonté». Beaucoup de gens trouvent qu’un geste tendre – tel qu’une main placée délicatement sur le cœur ou sur la joue – aide à la guérison, tout comme 4 d’imaginer qu’une lumière radiante et chaleureuse vous baigne et vous enveloppe. S’il est difficile de vous offrir de l’amour-propre, faites appel à un être affectueux – un guide spirituel, un membre de votre famille, un ami ou un animal de compagnie – et imaginez que son amour s’écoule en vous. Quand l’intention d’éveiller l’auto-compassion est sincère, le simple geste de se tourner vers l’amour, de s’offrir de l’amour - même si ça vous semble maladroit initialement – aide à nourrir le cœur. Une fois que vous avez complété les étapes de RAIN, il est important de simplement remarquer votre propre présence et de vous reposer dans cet espace de pleine conscience tendre et éveillée. Le fruit de l’exercice est la réalisation que vous n’êtes plus emprisonné dans la transe d’insuffisance ou dans un sens de soi étroit. Dans d’autres versions de RAIN, le «N» signifie «non-identifié» - ou ne pas s’identifier avec les idées qui limitent notre perception de soi. Offrez-vous le cadeau de vous rapprocher de la vérité et de la liberté naturelle de votre être; c’est un don précieux et mystérieux! ******** J’ai trouvé l’exercice de RAIN particulièrement utile il y a douze ans, lorsque je suis entrée dans une période de maladie chronique. Au cours d’un moment de douleur prolongé et éprouvant, je me suis sentie découragée et malheureuse. Je me suis sentie être de très mauvaise compagnie; impatiente, irascible, maussade et centrée sur moi-même. Au cours d’une période de méditation matinale, j’ai commencé l’exercice de RAIN en Reconnaissant et en Acceptant mon mal-être physique et mon état de déprime. Puis je me suis mis à Investiguer mon expérience plus en profondeur. J’ai entendu une voix aigrie: «Je déteste vivre ainsi». Et puis, un moment plus tard, «Je me déteste!». Je m’étais laissée envahir par la toxicité du dégout envers moi-même. Non seulement je luttais contre une maladie physique, mais j’étais également en guerre avec la personne irascible et nombriliste que je pensais être devenue. Sans le savoir, je m’étais retournée contre moi-même et me trouvais prisonnière de la transe d’insuffisance. A force d’investiguer avec une attention bienveillante, j’ai pu toucher directement la douleur et le poids de vivre avec une haine de soi-même. Je découvrais ce que j’appelle un «moment aïe» - la prise de conscience de combien ma vie était écrasée par la souffrance. 5 De voir clairement ma propre souffrance a permit d’adoucir mon cœur avec tendresse et bienveillance. J’étais maintenant capable de me nourrir de compassion envers moi-même. J’ai placé une main sur mon cœur, avec tendresse et bienveillance; puis j’ai invité toute autre émotion qui aurait pu être présente à se manifester. Une vague d’angoisse m’envahit la poitrine (l’incertitude de mon avenir), suivie d’une remontée de chagrin à l’idée de perdre la santé. Un sentiment de compassion a pu alors se déployer complètement, tandis que je me chuchotais intérieurement «tout va bien, ma chérie» et que j’offrais de la bienveillance à ma vulnérabilité profonde, comme je l’aurais fait pour un ami cher. Au cours des prochaines minutes, l’auto-compassion s’est étendue jusqu'à devenir le sentiment d’une présence vaste et tendre. Je n’étais plus captive de ce ressentiment contre moi-même, ni victime d’une maladie chronique - les fruits d’un exercice de RAIN curatif. Je me suis alors reposé dans la liberté d’une pleine conscience naturelle et bienveillante. J’étais en paix avec les vagues d’expérience uploads/Litterature/ rain-un-exercice-d-auto-compassion.pdf

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