PSYCHOLOGIE René Guénon (attribution) Introduction, notes et choix des illustra

PSYCHOLOGIE René Guénon (attribution) Introduction, notes et choix des illustrations par Alessandro Grossato Note de l’éditeur Faire paraître un inédit attribué à René Guénon, en cette année 2001, cinquantenaire de la mort du métaphysicien de Blois, constitue sans doute un événement dans le domaine des études traditionnelles. Alessandro Grossato, professeur aux universités de Trieste et de Gorizia, et grand connaisseur de l’œuvre de Guénon, qui a procuré et édité ce traité, est persuadé de son authenticité. Et en vérité, les arguments qu’il invoque à l’appui de cette thèse, dans son introduction, semblent bien fondés. L’Éditeur cependant, à qui incombe une responsabilité, se doit d’être prudent, et ne peut honnêtement partager sans réserve cette conviction. Bien entendu l’Éditeur souhaite de tout cœur que les milieux proches de Guénon ⎯ la famille en particulier ⎯ puissent fournir les preuves irréfutables de la paternité de Guénon. Le cas échéant, l’Éditeur a constitué une réserve pour rétribuer tout ayant droit légitime. 2 Introduction Une « histoire » véritablement « hermétique »... Comme il arrive souvent dans l’histoire, les grandes personnalités charismatiques de maîtres intellectuels à leur mort laissent derrière eux un sillage plus ou moins long d’épigones, d’imitateurs et de disciples lesquels, si le phénomène se prolonge avec assez d’intensité dans le temps, tendent naturellement à se coaguler en des groupes de plus en plus fermés, tournés tant à transmettre fidèlement les enseignements écrits et oraux du maître disparu, qu’à les « protéger », parfois d’une façon obsessionnelle, du monde extérieur (1). Une récente biographie de Jacob Boehme (2) a mis en lumière et documenté un important et, par plusieurs aspects, épatant exemple allemand de ce genre de « fidélité » posthume, remontant jusqu’au XVIIe siècle mais continuant de façon ininterrompue jusqu’en plein XXe siècle. Ce n’est d’ailleurs pas l’unique cas incroyable, ni même le plus persistant, de survivance cachée ⎯ aux marges de l’histoire communément connue ⎯ culturellement significatives, lesquelles des siècles durant réussissent à maintenir en leur sein un reflet de ces rares expériences intellectuelles et spirituelles, originairement liées à des figures extraordinaires. En réalité, le phénomène de la survivance en des groupes extrêmement fermés, ou parfois même dans de seuls noyaux familiaux, de croyances et doctrines particulières, est beaucoup plus vaste et, dirions-nous, même plus généralisé que ce qu’on pourrait croire, si nous considérons en particulier tant la survivance secrète de formes hérétiques persécutées comme par exemple le manichéisme et le catharisme ⎯, que la conservation de la foi des pères après les conversions imposées par l’autorité politique ou religieuse, ou en tout cas dictées par diverses sortes d’opportunismes, comme cela s’est vérifié au cours de l’histoire dans le cas des grandes confessions, juive et islamique notamment. Et on pourrait multiplier les exemples quasi indéfiniment (3). C’est certainement l’un des aspects les plus gravement méconnus d’une histoire hermétique d’ensemble et vaste, sur laquelle finalement de nos jours quelques assez rares et méritoires chercheurs, comme Frances Yates, Antoine Faivre et Giorgio Galli sont graduellement en train de faire la lumière, dans le milieu universitaire aussi. De cette fidélité posthume au « maître » qui, selon les cas, peut être positive ou négative, a été l’objet aussi René Guénon, nonobstant que celui-ci ait en réalité au cours de sa vie toujours refusé d’avoir des disciples, sous quelque forme que ce 1 ⎯ Cela a affaire à un aspect de la « postérité spirituelle », à laquelle fait allusion en diverses occasions Guénon, mais certes avec le plus extérieur. 2 ⎯ Flavio Cuniberto, Jakob Böhme, Morcelliana, Brescia, 2000. 3 ⎯ L’un des plus importants est certainement celui des familles nobles de l’Europe du Nord au haut Moyen Âge, dont la christianisation couvrit souvent le maintien tenace et prolongé d’idées et croyances remontant à leurs récentes origines celtiques et germaniques, comme cela résulte évidemment tant de l’étymologie onomastique que de la symbologie héraldique de ces lignées ⎯ mais pas seulement. 3 soit (4). Comme on sait, divers groupes s’inspirant directement de lui, de différentes qualités sans doute, ont surgi çà et là autour de ses « disciples » (5) présumés, surtout en France, Italie et Roumanie. Ces groupes se transmettent et alimentent depuis des décennies, tant en original qu’en copie, un fleuve souterrain de lettres, écrits et d’autres documents provenant de Guénon ou de ses collaborateurs et interlocuteurs, qui coule inconnu au plus grand nombre, par un réseau très touffu de transmissions individuelles fidèles, une véritable sorte de « samizdat guénonien ». C’est de ces divers terminaux d’une telle chaîne ramifiée traditionnelle guénonienne que provient de fait le texte dactylographié (6) de cette précieuse Psychologie, que nous estimons sans hésitation très digne de publication. Ce serait en effet un vrai dommage de laisser encore sous le boisseau ces pages « philosophiques » de René Guénon, toujours très claires, comme on le verra, et souvent non moins intensément illuminantes que celles de ses autres ouvrages désormais devenus célèbres. Un cours complet de psychologie, écrit entre 1917 et 1918 À cinquante années exactes de sa mort, quasi en réponse aux « suppositions » irrévérencieuses et, c’est le moins qu’on puisse dire, « burlesques », faites il y a quelque temps par Umberto Eco sur l’existence d’inédits aussi méconnus qu’importants de René Guénon, voici enfin que sort de l’ombre un inédit vraiment important, un vrai livre, et qui plus est, entièrement consacré à un sujet peut-être imprévisible pour M. Eco : la psychologie, rien de moins... ! À confirmer le dicton qu’il vaut toujours mieux ne pas crier en vain « au loup ! » car, comme le devrait bien savoir le sémiologue Eco, nomina sunt omina. Que l’ouvrage en question soit vraiment de René Guénon, le prouve non seulement la chaîne fidèle de la transmission du texte dactylographié, scrupuleusement vérifié par nous d’après deux sources différentes (7), mais surtout son contenu, et jusqu’à certaines expressions récurrentes chez cet auteur, par exemple l’expression « une impossibilité métaphysique » au chapitre XXIX, consacré à La liberté. Le texte dactylographié de 127 feuilles, somme toute, suffisamment correct et propre, justement en raison de la présence de quelques banales fautes d’orthographe et de quelques évidentes incertitudes de transcription - allant assez souvent jusqu’à interrompre le texte par des points de suspension ⎯ apparemment dues à l’incompréhension par le copiste de certaines phrases ou mots, donne l’impression d’être le résultat d’un travail soigné, accompli nous ne savons pas par qui, en copiant d’un manuscrit qui, très vraisemblablement, était l’original écrit par Guénon. II ne 4 ⎯ Évidemment par crainte de ce qui est ponctuellement arrivé malheureusement, en éliminant ainsi à la racine toute possible ambiguïté sur ce sujet. 5 ⎯ Lesquels, comme on l’a dit, simplement n’ont jamais existé. La Tradition est quelque chose de trop ancien, trop grand et trop sérieux pour pouvoir dépendre des ambitions, des approximations, de la façon de procéder par hypothèses et improvisations des individualités ou des groupes qui se flattent de pouvoir se poser, voire de résoudre, des problèmes qui les dépassent. 6 ⎯ Une copie est chez l’Éditeur. 7 ⎯ Chaîne qui, probablement, a concerné aussi le manuscrit original qui devait être en possession de Roger Maridort. 4 s’agit absolument pas de notes quelconques prises à la leçon par quelque élève (8), et successivement arrangées au mieux par celui-ci ⎯ chose que certes il n’aurait pu accomplir à ce niveau ⎯, ni de simples fiches et plans rédigés par Guénon en vue d’un développement de vive voix au cours des leçons. Comme nous allons voir, il existe un témoignage important et décisif du fait que René Guénon, en faisant leçon, n’aimait pas improviser, mais qu’il avait l’habitude de lire des longs textes, expressément écrits et soignés. Que le contexte originaire était en tout cas scolaire, un léger excès de répétitions le révèle, qui reflète symptomatiquement une certaine forme discursive du texte. Cependant la structure de l’ouvrage est de toute évidence celle d’un livre proprement dit, organisé avec cohérence et presque achevé, avec une épigraphe (9), et une table des matières développée et parfaitement organisée, même si quelques chapitres, par exemple, paraissent sans doute beaucoup moins définis et complets que d’autres, trahissant, de façon assez évidente, leur dérivation de simples plans non plus développés. Si notre hypothèse initiale est vraie, c’est-à-dire que notre texte dactylographié est la copie directe du manuscrit original, le fait que le XXXI et dernier chapitre, celui qui devait être consacré à l’Instinct, y est explicitement indiqué comme « manquant », montre ou bien qu’en réalité il n’a jamais été rédigé ou bien qu’il a été perdu déjà au moment de la première transmission du texte à la chaîne mentionnée plus haut. Guénon consacre d’ailleurs d’autres passages de son texte à l’instinct (pp. 46, 107, 110, 126), si bien qu’en partie il est possible de concevoir ce qu’il aurait voulu essentiellement en dire : Enfin l’instinct n’est pas une faculté essentiellement distincte de l’intelligence [...] et il faut renoncer à l’opposer à celle-ci. ; il faut au contraire le considérer comme un cas particulier, une espèce de l’intelligence. (p. 46). On peut uploads/Litterature/ rene-guenon-psychologie-attribution.pdf

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