Avec Gaston Bachelard vers une phénoménologie de l'Imaginaire Author(s): Clémen

Avec Gaston Bachelard vers une phénoménologie de l'Imaginaire Author(s): Clémence Ramnoux Reviewed work(s): Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 70e Année, No. 1 (Janvier-Mars 1965), pp. 27-42 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40900855 . Accessed: 02/06/2012 09:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org Avec Gaston Bachelard vers une phénoménologie de l'Imaginaire Que le public universitaire nous excuse, si nous commençons par brosser à grands traits la carrière de Bachelard : le public universitaire, surtout le parisien, le connaissant autant et mieux que nous-mêmes. Mais nous avons éprouvé le besoin de le faire pour les étrangers, et pour les plus jeunes, pour qui, déjà, Bachelard n'est plus qu'un nom. Le mettre « en situation » comme on dit à présent, dans l'histoire contemporaine d'Europe, est d'ailleurs utile, non seulement par souci de méthode, mais parce que les dates et les coïncidences posent des problèmes en orientant la réflexion. Il était né en 1884. Le début de ce siècle, « la belle époque », trouve un homme en âge d'étudiant, engagé dans la très humble carrière d'un fonc- tionnaire des P. et T. Il n'avait pas eu, comme Péguy, la chance d'être rattrapé par un instituteur intelligent à l'âge du certificat d'études, pour être introduit dans une carrière universitaire qui débute, ou débutait chez nous, dès la sixième. Mais ce grand travailleur a forcé le destin en préparant une licence de mathématiques. C'est donc comme scientifique que Bachelard a fait une entrée petite et peu remarquée, sinon sur le plan local, comme professeur de sciences au collège champenois de Bar-sur- Aube. Il avait déjà trente ans quand éclate la guerre mondiale n° 1. Sans appartenir à la génération sacrifiée, celle que la guerre a surprise entre dix-huit et trente ans, où elle a fauché un nombre cruel de vies, il appartenait à la génération d'activé, celle des tranchées. Au bout de cinq ans, la nation le libère pour aller au-devant d'un grand deuil : il perd en 1920 la femme qu'il a épousée à la veille de la guerre, avec laquelle il a eu si peu le temps de vivre, et qui lui laisse une petite fille à élever. Les loisirs forcés des tranchées avaient été utilisés à approfondir la phy- sique théorique, et déjà son insatiable curiosité, ou sa vocation singu- 27 Cl. Ramnoux Hère, avait commencé de détourner Bachelard des sciences, pour le réo- rienter vers la philosophie. Il en prend la licence en 1921. La coutume française voulait alors que les futurs maîtres de nos universités menassent de front le métier d'enseignant dans les lycées et les travaux d'une thèse. Gaston Bachelard soutient la sienne devant la faculté de Paris en 1927, à l'âge de quarante-trois ans, sur un rapport de Léon Brunschvicg, qui fut le premier à discerner les géniales possibilités de ce philosophe sorti des métiers populaires, à travers la science. Sa carrière de philosophe des sciences semble alors être confirmée. Il la poursuit, dans la décade précédant la guerre mondiale n° 2, dans la faculté la plus proche de sa Champagne natale, la faculté bourguignonne de Dijon, qu'il devait quit- ter en 1940 pour accéder à la Sorbonne. C'est en 1939 que sort à Paris, aux éditions Gallimard, La Psychanalyse duFeu : le premier livre de la série qui devait signaler moins un changement d'orientation que l'émer- gence d'un courant de pensée, aux sources remontantes jusqu'à l'enfance champenoise, alimenté souterrainement depuis 1930 par la familiarité des analystes. Bachelard ne fut pas l'homme des voyages. Il fut au contraire l'homme de l'enracinement. Les invitations des universités étrangères, ou les congrès de spécialistes, pouvaient seuls le tirer hors du triangle formé par sa Champagne natale, sa faculté bourguignonne, et la montagne Sainte -Geneviève à Paris. Sa carrière y est demeurée enfermée, comme celle de Péguy entre l'île de France, la Beauce et la vallée de la Loire. Bachelard et Péguy n'ont-ils pas en commun un goût de terroir, et une manière d'écrire comme d'autres labourent, forgent ou tapissent, avec l'inlassable patience des grands artisans ? Bachelard a vécu à Paris la guerre mondiale n° 2 et son après-guerre, un temps de détresse publique, un temps de désordre, jusqu'à sa retraite prise en 1955. Or cette carrière appelle des commentaires : Io Elle se présente en ligne brisée : le changement d'orientation occurant une, deux, trois, et même quatre fois. Quatre, si nous devons compter comme un recommencement le renoncement aux curiosités analytiques, inaugurant après la série des « Éléments » une dernière philosophie de Gaston Bachelard. 2° La découverte d'un domaine nouveau, l'élargissement de l'hori- zon, apparaît régulièrement comme une réaction au malheur, public ou domestique. Même la dernière modification n'échapperait pas à cette loi. Elle apparaîtrait comme un mode de réaction au choc de la retraite. Car Bachelard a durement ressenti la renonciation au métier d'ensei- gnant. 3° Bachelard n'a jamais lâché le fil de ses préoccupations « scienti- 28 Une phénoménologie de V Imaginaire fiques ». Néanmoins, on pourrait dire que l'ère majeure de sa production « scientifique » ou « épistémologique » se situerait entre les deux guerres : c'était pour lui entre le tournant de la quarantaine et le tournant de la soixantaine. L'ère majeure de son autre production, celle que l'on peut appeler « imaginaire », se situe certainement au delà. Il avait cinquante- cinq ans en 1939, lors de la parution de La psychanalyse du Feu. S'il est vrai, comme nous le croyons, que le tournant vers une nouvelle recherche n'a été pris qu'avec le second volume de la série, L'Eau et les Rêves, le tournant serait même plus tardif, et se situerait aux alentours de la soixantaine. La date de parution de La poétique de Vespace est de 1957. Bachelard avait soixante -treize ans. S'il est vrai, comme nous le croyons, que Bachelard avait déjà pris un nouveau tournant, ce second tournant coïnciderait avec les approches de la retraite. On pourrait parler d'une dernière philosophie de Gaston Bachelard, un développement qui s'épa- nouit entre la retraite et la mort. C'est aussi le moment où nous l'avons le plus fréquenté et le mieux connu. Parce que cette carrière est hors cadre, parce que cette œuvre refuse de se plier aux catégories universitaires, on ne peut justement prendre pour points de repère que de grands événements. Lors même qu'elle a croisé d'autres carrières, la rencontre prend le tour d'une découverte, comme quand Brunschvicg à l'apogée ouvre les portes à cet échappé des métiers populaires, ou évoque une tragédie, comme quand Bache- lard rejoint à la Sorbonne son maître sur le chemin de la persécution. Non que Bachelard fût par prédilection homme de la cité. Il le fut bien sûr, mais maladroitement. Son goût l'entraînait davantage vers l'envi- ronnement cosmique, Y Umwelt des Allemands, que vers le Mitwelt, l'en- vironnement inter-humain. Cependant nul ne fut plus disponible à l'accueil. Il n'invitait pas. On venait à lui : hommes et livres. Nul ne sait combien de visiteurs ont frappé à la porte du n° 2 de la rue de la Mon- tagne Sainte-Geneviève, et il faudra sûrement de longues et patientes recherches pour fixer à quelle date, à quel moment de son évolution, il aura rencontré tel ou tel poète, tel ou tel peintre, ou orienté un dis- ciple. Chacun a connu un autre aspect de Gaston Bachelard. Il accueil- lait tous et tout, avec une bonne ,humeur réconfortante jamais démentie. Mais son bureau demeurait, malgré tous et tout, une chambre de soli- tude : quand le fracas du boulevard Saint-Germain le gênait, sur ce support il imaginait la mer, qu'il avait d'ailleurs peu et mal connue. Nous avons parlé tout à l'heure de « réaction au malheur ». Ce fut un article de l'éthique bachelardienne que de réagir positivement aux obstacles. Il vaut la peine de remarquer que sa dernière philosophie, 29 CL Ramnoux celle qui se formule à partir de La poétique de V espace, entre la retraite et la mort, est placée sous le signe du bien-être, en donnant à ces mots de la densité ontologique, et du bonheur, en donnant à ce mot à peu près le même sens. Ceci en un âge où les philosophies européennes ne savaient plus parler que la langue de l'absurdité et de la dereliction. Nietzsche fait, entre les caractères et les cultures, une distinction profonde : ceux et celles qui réagissent sur le mode du ressentiment, ceux et celles qui réagissent sur mode positif. Bachelard réagissait sur mode positif. Nulle difficulté qui ne lui serve de uploads/Litterature/ ramnoux-vers-une-phenomenologie-de-l-x27-imaginaire.pdf

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