Auteur(s) : Bouvet, Rachel Titre : « Translittération et lecture: «Le livre des

Auteur(s) : Bouvet, Rachel Titre : « Translittération et lecture: «Le livre des jours» de Taha Hussein » Type de publication : Articles des chercheurs Date de parution : 1997 Résumé : Lors de la lecture de textes traduits, il arrive parfois que l'on rencontre des translittérations, objets situés à la croisée de deux langues, de deux alphabets. Ces mots qui détonnent dans la succession des pages imprimées, qui attirent l'attention en raison de leur aspect inhabituel, n'ont pas subi comme les autres le processus de traduction dans sa totalité. Pour citer ce document, utiliser l'information suivante : Bouvet, Rachel. 1997. « Translittération et lecture: "Le livre des jours" de Taha Hussein ». En ligne sur le site de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain. <http://oic.uqam.ca/fr /publications/translitteration-et-lecture-le-livre-des-jours-de-taha-hussein>. Consulté le 22 avril 2021. Publication originale : (Protée. 1997. vol. 25-3, (hiver 1997-1998), p. 71-84). L’Observatoire de l’imaginaire contemporain (OIC) est conçu comme un environnement de recherches et de connaissances (ERC). Ce grand projet de Figura, Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire, offre des résultats de recherche et des strates d’analyse afin de déterminer les formes contemporaines du savoir. Pour communiquer avec l’équipe de l’OIC notamment au sujet des droits d’utilisation de cet article : oic@labo-nt2.org Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Ceci est la version préliminaire de l’article publié dans Protée, vol. 25, no 3 («Lecture, traduction, culture»), hiver 1997-1998, p. 71-84. Translittération et lecture: Le livre des jours de Taha Hussein Rachel Bouvet, Université de Montréal La première lecture reste encore, inévitable- ment, celle d'une “œuvre étrangère” en français. La seconde la lit comme une traduc- tion, ce qui implique une conversion du regard. Antoine Berman Lors de la lecture de textes traduits, il arrive parfois que l'on rencontre des translittérations, objets situés à la croisée de deux langues, de deux alphabets. Ces mots qui détonnent dans la succession des pages imprimées, qui attirent l'attention en raison de leur aspect inhabituel, n'ont pas subi comme les autres le processus de traduction dans sa totalité. Celle-ci n'est que partielle, étant donné que l'on s'est borné à remplacer chaque signe provenant d'un système d’écriture par un autre, appartenant à un système d'écriture différent. Comment distinguer la translittération de la traduction proprement dite? Parmi les différentes manières de traduire, quelles sont celles qui accordent une place à la translittération? Quels effets provoque-t-elle sur la lecture? Afin de répondre à ces questions, il est nécessaire de s'interroger sur le processus de translittération, qui a rarement fait l'objet d'études, de cerner ses principaux aspects. Il importe également de questionner les théories de la traduction, plus particulièrement celles qui permettent d'envisager la translittération comme un procédé créateur d'effet d'étrangeté. L'étude des translittérations dans un texte égyptien traduit en 2 français, Le livre des jours de Taha Hussein, proposera quant à elle une réflexion sur le processus perceptuel de la lecture et sur la dimension orale de la langue1. la translittération Lorsque l'écriture de la langue de départ engage un alphabet différent de celui de la langue d'arrivée, et que l'on veut malgré tout faire passer l'impression sonore d'un mot, d'une phrase ou d'un texte, d'une langue à une autre, on a recours à un stratagème astucieux, une sorte de pacte sémiotique, qui met en place une série d'équivalences entre des signes provenant de systèmes différents. La translittération constitue un outil de travail indispensable dans certains domaines, tels que l'archéologie —l'égyptologie en particulier—, la géographie, ou encore la bibliothéconomie. En ce qui concerne les écritures très anciennes, comme l'écriture hiéroglyphique, la translittération d'un texte dans sa totalité est une étape préparatoire, suivie par la traduction proprement dite, puis par les commentaires sur le texte. C'est un outil de travail, quelque chose qui n'a pas d'intérêt en soi, mais qui sert d'intermédiaire entre l'original, pas toujours facile à reproduire dans une revue, et la traduction, dont la pertinence doit pouvoir être évaluée par les lecteurs de l'article. De la même façon, les différents points du globe ayant été nommés et transcrits à l'aide de multiples systèmes d'écriture, il est devenu indispensable d'utiliser la translittération afin de pouvoir donner des repères adéquats. Le même problème se retrouve lorsqu'il s'agit de répertorier les ouvrages présents dans les bibliothèques, d'échanger des informations sur tel ou tel manuscrit provenant d'une culture éloignée, etc. 1 Cette recherche a été rendue possible grâce à une bourse post-doctorale du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. 3 En ce qui concerne la traduction littéraire, les choses se présentent différemment car les translittérations n’apparaissent que ponctuellement, parsemant en quelque sorte le texte traduit. Qui plus est, elles ne sont utilisées que par certains traducteurs, les autres préférant traduire entièrement le mot. Il s’agit donc moins d’un outil de travail, qui serait utilisé par tous, que d’un procédé que le traducteur a à sa disposition lorsque des obstacles à la traduction se présentent2. Plutôt que de donner un équivalent dans la langue d’arrivée, il s'agit de présenter un signe à mi-chemin entre les deux langues, ce qui suppose généralement l’ajout d’une explication, le plus souvent présentée dans une note de bas de page. Translittérer est donc un acte qui vient se substituer à celui de traduire. Comment distinguer le processus de translittération de celui de la traduction proprement dite? D'après John C. Catford, l’un des seuls théoriciens de la traduction à s'être penché sur le sujet, il faudrait considérer la translittération comme une traduction partielle, car seuls certains éléments de la langue de départ sont transposés dans l'autre langue. Le modèle qu'il propose dans A Linguistic Theory of Translation (1965) s'inspire des travaux de M.A.K. Halliday, basés sur la distinction hjemslevienne entre forme et substance du contenu et de l’expression. La langue est reliée à des situations sociales humaines et véhiculée par la voix et le signe écrit, qui ont une dimension extralinguistique (substance de l'expression). C'est un élément formel, comprenant plusieurs niveaux: d'un côté, ceux du lexique et de la grammaire, de l'autre, les niveaux phonique et graphique (forme de l'expression). On a affaire à une traduction 2 Notons que la translittération est parfois utilisée comme outil de travail dans les analyses de traductions littéraires. Dans l'article de Duncan Hunter, “Translation from Chinese: Coherence and the Reader” (1991), par exemple, un passage d'un texte chinois, traduit en anglais par trois personnes différentes, est analysé. La translittération complète du passage est présentée à la fin de l'article, entre l'original et les trois traductions anglaises. 4 partielle lorsque certains éléments ne sont pas traduits. Différents cas peuvent être distingués: le procédé de traduction qui consiste à imiter la structure grammaticale de la langue de départ; la traduction où seuls les éléments du lexique sont conservés3; la transposition graphique, fréquemment utilisée dans les annonces publicitaires, les enseignes, sur les couvertures de livres, etc., et dans laquelle des éléments graphiques appartenant à deux écritures différentes sont entremêlés; la translittération, qui affecte le niveau phonique. Celle-ci se fait en trois étapes: on remplace tout d'abord les lettres de la langue de départ par des unités phonologiques; puis on convertit celles-ci en unités phonologiques de la langue d’arrivée, qui sont à leur tour remplacées par des lettres. Le cas des langues sémitiques, qui possèdent des systèmes d'écriture consonnantique, montre bien l'importance de ces trois opérations. Il faut bien voir en effet que si on occultait la deuxième étape, on obtiendrait des mots totalement illisibles, formés uniquement de consonnes4. Pourquoi choisit-on de faire une traduction partielle plutôt que totale? Selon Catford, ce serait en raison du caractère intraduisible de certains mots, ou encore dans le but de faire “couleur locale”: In literary translation it is not uncommon for some SL [Source Language] lexical items to be treated in this way, either because they are regarded as “untranslatable” or for the deliberate purpose of introducing “local color” into the TL [Target Language] text. (p. 21) La translittération apparaît en effet comme un procédé permettant de conserver des éléments de la langue de l'original, de rappeler en quelque sorte 3 L'exemple donné par Catford est celui de la traduction en français et en arabe de la phrase “This is the man I saw”. La traduction grammaticale en français serait: “Voici le man que j'ai see- é”; et la traduction lexicale: “This is the homme I voi-ed”. (voir Catford, 1965, p. 70-71) 4 En fait, la situation est plus complexe étant donné que la translittération a recours dans ce cas à un ensemble de signes facultatifs, distincts de l'alphabet et servant à indiquer la voyellisation, comme nous le verrons plus loin. 5 qu'il s'agit d'un texte traduit, de faire ressentir au lecteur l'étrangeté de la langue, de la culture de départ. Mais les traductions n'obéissent pas toutes à cet impératif. Ce qu'il faut bien voir, c'est que la présence de translittérations dans un texte littéraire en dit long sur le mode de traduction choisi. Afin de mieux comprendre la portée du problème posé par ces signes à mi-chemin entre deux écritures, il importe donc de s'interroger sur la façon dont les différentes théories conçoivent la traduction et uploads/Litterature/ rb-hussein-translitteration 1 .pdf

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