La JPélibrée de 1907 Çfr^ytN prenant la plume pour dire les belles fêtes de tîj

La JPélibrée de 1907 Çfr^ytN prenant la plume pour dire les belles fêtes de tîjpS, Mauvezin et de Cauterets, j'éprouve un certain em- fesfexS) ban-as et un peu de mauvaise humeur. Un félibre de marque, qui joint une haute culture intellec- tuelle à l'esprit le plus alerte, le plus gascon, avait bien voulu se charger du compte-rendu officiel. Confiant dans sa pro- messe et libre par conséquent de tout souci, j'assistai aux fêtes en amateur, allant où me poussait le souffle de la fan- taisie, me laissant bercer par les flots de l'éloquence, par la douceur des chants, par le charme des conversations joyeuses. Oh ! le bonheur de n'être rien, de jouir de mes' vacances dans la paix la plus profonde, d'ouvrir les Reclams au l«r Octobre comme un simple félibre, de les feuilleter avec avidité, d'approuver ou de critiquer, d'applaudir ou de pro- tester ! Quel ravissement et combien j'étais reconnaissant à mon éminent confrère d'avoir assumé la tâche et la respon- sabilité du plus gros numéro de l'année ! Praubin de you, so qui lou hat malecarous e-m goardabe per darrè ! Ce matin, 23 Septembre, à l'heure où la copie devrait être imprimée, corrigée, toute prête pour la mise en page, le fac- teur me rapporte l'énorme paquet de manuscrits : proses, poésies, discours lus ou prononcés à Mauvezin et à Cauterets. Oh ! les excuses ne manquent pas à l'auteur, pourtant si aimable, de cette noire trahison, affaires, visites et voyages imprévus, noces et festins. Mes tu, hôu Yan-Pierre, bire-té-lés coum pousquis ! De là mon embarras et ma mauvaise humeur. Car, n'ayant suivi l'action que dans ses grandes lignes, je laisserai pro- bablement dans l'oubli bien des menus détails, nombre d'incidents intéressants. Je m'en excuse d'avance. Et si les lecteurs veulent user envers moi de leur indulgence habi- — 170— tuelleje promets bien que ma mauvaise humeur s'évaporera comme s'évaporent, au matin, les brouillards légers de ma chère Bidouze, sous la caresse d'un rayon de soleil. ' 31 Août, Mauvezin. — Parti au chant du coq, je descends à Capvern sur le coup de 9 heures. Je trouve, sur lé quai de la gare, mon ami, l'ami de tous, l'Artè dou Pourtaou. Toujours à l'avant-garde, il était arrivé de la veille et atten- dait un peu mélancoliquement la première escouade des félibres. Nous étions une douzaine à peine : Adrien Planté, infatigable, dont la figure rayonnait de cette flamme spéciale que je célébrais l'an passé à Mont-de-Marsan ; Carrère, prin- cipal de collège à Draguignan, qui avait eu le bon esprit de coiffer le béret national ; Camélat, l'auteur de Béline ; le ma- jorai Chassary, professeur à l'Ecole Normale de Montpellier ; l'aimable poète Lacaze, inspectr de l'Enregistrement à Pau ; Laborde-Barbanègre, avoué à Pau ; l'instituteur Canton, que M. Planté a surnommé le Sergent-Recruteur de l'Escole, etc. A peine avions-nous eu le temps d'échanger une poignée de mains, que nous voilà cueillis par l'abbé Pailhé, curé de Mauvezin, le collaborateur si modeste et si dévoué de M. Bibal. Exagérant le devoir de l'hospitalité, le généreux châtelain de Mauvezin nous avait envoyé, outre l'autobus, toutes les voitures qu'il avait pu requérir dans la contrée. Je laisse aux amateurs du teuf-teuf, l'immense et stupide machine de la vitesse vertigineuse et je monte avec l'Artè, un félibre et une félibresse de Tarbes, dans une légère calèche que l'obli- geant abbé Pailhé fait avancer pour nous. Certes, mes com- pagnons étaient charmants, la conversation aimable — on s'en doute un peu, puisqu'il y avait une dame et que l'Artè était là — mais je fus bientôt pris tout entier par le beau pays que nous traversions. A droite, une plaine aux florai- sons puissantes, à gauche une longue succession de collines encore toutes vertes, qui s'étendent à perte de vue et vont montant, s'étageant, pour se confondre dans le lointain avec le massif des Pyrénées. Points de vue superbes, tableaux enchanteurs, gorges profondes, vallées fertiles, sites variés à l'infini défilent devant moi avec une rapidité qui me ravit, et me voilà au pied du château. Ce mot de château évoque à l'esprit des modernes une habitation agréable construite avec le sentiment du goût que nous ont légué vingt générations d'artistes, à l'intérieur de laquelle la vie est agréable et facile, dont les murs sont ani- més par le marbre des statues, les environs couverts de bos- quets aux ombrages mystérieux, les jardins égayés par des massifs de fleurs. Séjour de paix, de plaisir et d'amour ! C'est bien là l'idée qu'on se fait généralement du château et que se sont faite les félibres qui m'ont écrit pour me demander d'en donner, dans les Réclams, une description fidèle. Eh bien, le château de Mauvezin, que l'Escole Gastou-Febus doit à la munificence de M. Bibal est tout le contraire du château de vos rêves, chers lecteurs. Et, tel qu'il est, c'est un morceau de roi, puisqu'un prince l'aurait construit pour abriter les amours d'un autre prince, son fils. Larousse lui consacre ces lignes dans son grand dictionnaire : « Mauvezin, commune des Hautes Pyrénées, arrondissement et à 16 kilomètres de Bagnères-de-Bigorre ; 426 habitants. Château ruiné du XIVe siècle, dont le rôle a été très important pendant les guerres du moyen-âge dans la Bigorre. Il fut édifié par Gaston Phébus, comte du Béarn, pour son fils, auquel Béatrix d'Armagnac avait apporté Mauvezin en dot. » Antiquité déjà respectable. Le Semeur des Hautes-Pyrénées du 3 Septembre 1907, sous la signature L. L., la fait plus respectable encore. Et Larousse, habituellement bien docu- menté, en tressaillira sous la froide pierre du tombeau. « ... Il faut avouer, imprime cette feuille, que les archéologues eux-mêmes ne savent pas grand'chose sur l'origine du château. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que sa construction est anté- rieure à Charlemagne, puisque les chroniques mérovingiennes en parlent déjà. Il a appartenu successivement aux comtes de Bigorre, aux comtes de Béarn, aux rois de Navarre. En 1284, Philippe le Bel l'obtient par son mariage avec Jeanne de Navarre ; en 1340, Philippe de Valois le donne au comte de Castelbon, de la maison de Foix ; en 1370, le Prince Noir s'en empare ; en 1373, le duc d'Anjou, frère du roi de France, le reprend après un siège mémo- rable raconté par Froissard. Il passe ensuite à la maison de Foix, à celle de Navarre et est définitivement réuni à la couronne de France sous Henri IV, en 1607. A la Révolution, le château fut laissé à la commune de Mauvezin ; sous le second Empire, elle le vendit au député des Basses-Pyrénées, A. Jubinal, qui avait l'intention de le faire réparer et d'y installer un musée archéologique. M. Bibal, un érudit et un philantrope, l'a racheté le 5 Août de l'année der nière à la famille Jubinal ; il a mis à exécution l'idée de Jubinal et c'est aujourd'hui (31 Août) que les félibres, à qui il l'a donné, viennent faire leur prise de possession et y tenir la première Cour d'Amour. » Je ne rechercherai pas qui a tort ou raison de Larousse ou du Semeur. Je ne suis pas assez documenté pour cela et le temps me manque pour consulter l'érudit qui déchiffre avec tant de compétence, dans notre Revue, l'énigme du passé. Je constate seulement que le sceau de Gaston Phébus, avec sa devise JAY BELLE DAME, admirablement conservé, est sculpté dans le mur, au-dessus de ce qui fut autrefois la porte de la forteresse. Et je me permets d'émettre cette opi- nion qui, à défaut de mérite scientifique, aurait l'avantage de mettre nos auteurs d'accord, c'est que l'origine du châ- teau se perd dans la nuit des temps, qu'il a été détruit en totalité ou en partie à une date inconnue, puis simplement reconstruit par notre patron, le puissant et redoutable sei- gneur d'Orthez et autres lieux. Bedoutables autant que puissants, ils l'étaient ces hommes du passé et les monuments qu'ils ont dressés à leurs « belles dames » témoignent combien farouches et tyranniques furent leurs amours. Même lorsqu'ils chantaient, ils devaient rugir. Et l'on comprendrait difficilement Gaston Phébus, qui passe pour l'auteur de la chanson devenue comme la Marseillaise de notre Escole, disant langoureusement ces vers, empreints cependant d'une réelle poésie : Aqueres mountines qui ta hautes soun M'empèchen de bede mas amous oun soun. Si les murs ne parlaient pas, la terrible scène que M. Bibal a reproduite dans le donjon et dont je dirai un mot tout à l'heure, suffirait à nous édifier. Mais les murs portent en eux - 173 - leur redoutable enseignement. Et si le sympathique conseil- ler général de Masseube a bien mérité des félibres, il n'a pas moins mérité de tous les Français, en assurant la conser- vation de cette page d'histoire et d'art qu'est le Château de Mauvezin. Construit sur un monticule élevé, il domine orgueilleuse- ment plaines et vallées. Ses murs d'une prodigieuse épais- seur, affectant la forme d'un vaste quadrilatère, s'élèvent de 15 mètres au-dessus du sol et uploads/Litterature/ reclams-de-biarn-e-gascounhe-seteme-octoubre-1907-n09-10-11e-anade 1 .pdf

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