25/07/13 RAGEMAG | Anaïs Nin, le diable au cœur et au corps ragemag.fr/anais-ni
25/07/13 RAGEMAG | Anaïs Nin, le diable au cœur et au corps ragemag.fr/anais-nin-le-diable-au-coeur-et-au-corps-33157/ 1/3 « Le langage du sexe reste d’ailleurs à inventer. Le langage des sens demeure encore inexploré » Anaïs Nin, infiniment féminine. « Dès qu’elle posait les yeux sur lui, elle avait aussitôt envie de sentir sa chair – avec sa bouche, avec ses mains, avec tout son corps – qui l’attirait de façon magnétique. » Publié le 22 juin 2013 à 15:04 | par Lucie Bacon | Parce qu’elle parlait de désir féminin comme personne ne l’avait jamais fait avant elle, Anaïs Nin a souvent été considérée comme une figure de proue du féminisme. Pourtant, si celle qui fut, pendant près de dix ans, la muse et l’amante d’Henry Miller parlait des caresses, de plaisir, de l’orgasme et d’autres sujets novateurs sur la sexualité des femmes pour le milieu du vingtième siècle, il n’en reste pas moins que toute sa vie a été influencée par des hommes. Père, maris, amants, amis : Anaïs Nin ne vivait qu’à travers eux, comme le montrent ses œuvres majeures. « J’ai finalement décidé de publier ces textes érotiques, parce qu’ils représentent les efforts premiers d’une femme pour parler d’un domaine qui avait été jusqu’alors réservé aux hommes. » Anaïs Nin écrit ces lignes en septembre 1976, à 73 ans, dans la préface de Vénus Erotica, recueil de nouvelles érotiques. Mais ces histoires en question ont été écrites près de 40 ans plus tôt. Nin, née en 1903, a donc 72 ans lorsqu’elle accepte que ces récits soient publiés. Pendant des années, l’auteure a couru tantôt après la gloire, tantôt après le secret, mais sans cesse après le frisson. Toute sa vie, Nin a été tiraillée par ses sentiments, par son comportement, par ses volontés. Parfois sage épouse, parfois amante voluptueuse. Sa personnalité est marquée par cette dualité qui l’a, de fait, toujours poussée à écrire, pour elle et pour les autres. Le sexe est douceur, le plaisir est passion Anaïs Nin avait conscience, en écrivant Vénus Erotica, que ce qu’elle faisait était novateur. Elle pouvait mettre des mots sur le désir féminin, et elle savait que rares étaient celles qui l’avaient fait avant elle. « Le langage du sexe reste d’ailleurs à inventer. Le langage des sens demeure encore inexploré ». Les sens, voilà ce sur quoi elle attarde sa plume, toujours enivrée de passions pour tous les hommes qu’elle rencontra, qu’elle aima, qu’elle détesta. Dans la première préface de l’ouvrage, Nin confie qu’elle écrit ces histoires à la place de son amant d’alors, Henry Miller, pour un riche collectionneur avide de pornographie. Tellement avide de cela qu’elle en est dégoûtée. La pornographie ne lui plaît pas. « Le sexe perd tout son sens et toute sa magie lorsqu’il devient explicite, abusif, lorsqu’il devient mécaniquement obsessionnel », tente-t-elle expliquer au destinataire des contes. Nin veut que le sexe soit à tout prix synonyme de plaisir et de douceur, de passion et d’émotion. « Le sexe doit être mêlé de larmes, de rire, de paroles, de promesses, de scènes, de jalousie, d’envie, de toutes les épices de la peur, de voyages à l’étranger, de nouveaux visages, de musique, de danse, d’opium, de vin. (…) Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase. » Dans Vénus Erotica, Anaïs Nin reste sans cesse attentive aux sensations et aux sens. Le sexe n’est jamais l’objet principal d’une histoire, il reste une quête, l’accomplissement d’un désir souvent enflammé, d’un plaisir incessamment attendu, de caresses endiablées et de baisers fougueux sur du satin. « Elle le léchait doucement, avec la délicatesse d’un chat, puis elle en prenait une partie dans sa bouche et refermait ses lèvres. Il tremblait. » Aborder d’une façon aussi sensuelle le désir féminin fait-il d’Anaïs Nin une auteure féministe ? Si sa démarche a bien été libératrice, ses écrits, ses idées n’ont jamais été politiques. Il s’agissait d’une démarche intérieure et non sociale. Au-delà, Nin a toujours revendiqué son amour des hommes. Bien qu’on lui prête quelques relations homosexuelles, sur lesquelles elle a préféré rester discrète, elle a sans cesse cherché une forme de possession – comme ses personnages, un reflet d’elle-même ? Nin a vécu aux travers des hommes, tout au long de sa vie. Tantôt amants, tantôt amis, tantôt maris, toutes ses expériences ont fait qu’elle en a construit une œuvre gigantesque : son Journal. Qu’importe la vérité pourvu qu’on ait l’ivresse du plaisir Alors qu’elle a onze ans, sa mère lui offre un carnet, à New-York. Au départ, la jeune Anaïs veut en faire un cahier à dessins. Finalement, elle y retranscrit les longues lettres qu’elle écrivait à son père, absent. Sa vie sera à jamais cosmopolite. Anaïs a grandi en France, mais avec sa mère, part en Espagne. Son père lui demande de se comporter « en petite Française », même en Catalogne. Anaïs écrit donc en français, pendant des années, son Journal. Celui-ci ne la quittera jamais. Elle le protège autant qu’elle le peut : lors d’un accident de cargo en 1928, elle n’a qu’une crainte, le perdre ; en 1939, alors qu’elle fuit l’Europe à cause de la guerre, elle dépose 45 volumes du journal dans la banque de son mari. Dans sa valise, elle en emporte cinq. Son journal, c’est sa vie, ou ses rêves : elle ne sait plus. Anaïs y travestit beaucoup de choses. Elle est tiraillée entre sa vie d’épouse et d’amante. Petite, c’était entre la langue française, qu’elle trouvait plus délicate et élégante, et l’anglais, qu’elle dû apprendre à contre-cœur aux États-Unis, et que finalement elle adopta définitivement, influencée par des auteurs et amis anglo-saxons. Plus tard, elle sera sans cesse partagée entre les hommes, entre les Anaïs Nin, le diable au cœur et au corps 1 25/07/13 RAGEMAG | Anaïs Nin, le diable au cœur et au corps ragemag.fr/anais-nin-le-diable-au-coeur-et-au-corps-33157/ 2/3 « Je veux sentir encore le martèlement violent au fond de moi, sentir le sang brûlant courir plus vite dans les veines, sentir le rythme lent, caressant, et puis soudain les coups violents » Anaïs Nin à Henry Miller : « Je te veux, comme une folle » « Le rêve joue un rôle de base. Tous mes romans commencent par un rêve. Il indique quel est le caractère du voyage, de la quête. » mensonges pour tous les protéger. Elle mena même une double vie, et se maria avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle, alors qu’elle était toujours l’épouse de Hugh Guiler. Dans son journal, qu’elle laisse souvent à la portée de ce dernier, pour se donner des frissons sans doute, elle doit mentir, ou occulter la vérité. Elle invente des sorties, des scénarii. Les premières publications du journal étaient en fait expurgées, pour préserver le mari, tant aimé pourtant. Dans ces versions tronquées, Nin apparaît comme une femme de lettres presque asexuée. Son mari n’y apparaît pas. Elle voulait donner d’elle l’image d’une femme bohème, libre. Pourtant, l’histoire est bien différente. Une personne « rayonnante de beauté, d’intelligence », témoigne le journaliste Jean-Yves Boulic, qui l’a connue. « Le mot qui résume Anaïs Nin, c’est l’harmonie. » Tout bouillonne en elle. L’écrivain était le fruit d’une double culture, française et américaine. Elle aime profondément son mari Hugh Guiler, qu’elle appelle « le banquier-poète », rencontré outre-atlantique alors qu’elle a 18 ans. Ils se marient en 1923. Ils vivent longtemps en Europe, mais reviennent, la guerre déchirant le Vieux continent. Nin vécut une double vie, lors de ce retour aux États-Unis : elle a deux maris, le banquier sur la côte est, et Rupert Pole – qui a 16 ans de moins qu’elle – sur la côte ouest. Un tourbillon de mensonges… la personnalité d’Anaïs est double : elle le confiait déjà à son journal en novembre 1935 : « Effroyable conflit entre ma part féminine, qui souhaite vivre dans un monde gouverné par les hommes, vivre avec un homme, et ma part créatrice, capable de créer un monde à elle, un rythme à elle, un rythme qui ne convient à aucun homme. » Est-ce donc elle dans ce Journal ? Certains disent que dans ce dernier, elle se serait plus construite que décrite. Est-ce elle dans ses romans ? N’est-elle pas un peu la Elena de Vénus Erotica, celle qui dans le train lit L’Amant de Lady Chatterley, roman de D.H. Lawrence sur lequel porta le premier ouvrage d’Anaïs Nin ; cette Elena qui rencontre le grand frisson dans les bras d’un parfait inconnu aux yeux violets ? « Dès qu’elle posait les yeux sur lui, elle avait aussitôt envie de sentir sa chair – avec sa bouche, avec ses mains, avec tout son corps – qui l’attirait de façon magnétique. » N’est-elle pas ce personnage frigide avec son mari, épanoui avec ses amants ? Hugh Guiler ne la comblera jamais. Nin ne fera que rechercher le plaisir avec d’autres. Elle est artiste, elle est muse, elle est amante. « Anaïs Nin a le diable au cœur, la douleur assassine. Infiniment féminine uploads/Litterature/ anai-s-nin-le-diable-au-coeur-et-au-corps.pdf
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- Publié le Oct 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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