Recueillement Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclama
Recueillement Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci. Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées ; Surgir du fond des eaux le Regret souriant ; Le Soleil moribond s'endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l'Orient, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. Charles Baude laire , Les Fleurs du mal CLIX Rimbaud, Oraison du soir Je vis assis, tel qu'un ange aux mains d'un barbier, Empoignant une chope à fortes cannelures, L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures. Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier, Mille Rêves en moi font de douces brûlures : Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier Qu'ensanglante l'or jeune et sombre des coulures. Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin, Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes, Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin : Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes, Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin, Avec l'assentiment des grands héliotropes. Harmonie du soir Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir; Valse mélancolique et langoureux vertige! Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir; Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige; Valse mélancolique et langoureux vertige! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige, Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige... Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir! T Les Fleurs du mal - Spleen et Idéal - Charles Baudelaire Laforgue, « Recueillement du soir » Un tableau nocturne 1°) Structure du tableau Enonciation : Présentation d’un tableau, effacement de la première personne (« on mesure de l’œil… ») - Présentatifs : « voici », « c’est » - Articles définis marquant la généralité : « le pharmacien » - Présent d’énonciation qui tend vers le présent de vérité générale Noter les strophes de début et de fin qui encadrent l’énumération ; commenter l’abondance de la conj de coordination « et », accélération de l’énumération à la strophe 11 (dans une même strophe, 3 personnages) 2°) Eclairage du tableau - une lumière qui vient de l’intérieur « et la fièvre de vivre illumine Paris » ; Loin d’être un soir noir, c’est la lumière qui domine. Contrastes lumière crue / obscurité « Tout s’allume ! » - par opp à la lumière, crue, vive, des points lumineux dans le tableau : double métaphore des « bocaux verts ou rouges » - « lacs », « phares lointains », « la veilleuse nocturne » des hôpitaux. 3°) Un sujet parisien décor : « beuglants, salons, tripots et bouges » « gargots des bohèmes » personnages « le pharmacien », « l’ouvrier poivre »…les miséreux : « le mendiant songeur », la « vieille fille » dans sa « mansarde étroite » // opp à la richesse étalée (strophe 5) Mais aussi : « le moine », « le savant » …et plus généralement, des états de vie : « le moribond », « l’amoureux » Arrière plan réaliste (l’ouvrier saoul qui bat sa femme…)– cf Courbet et la représentation des gens normaux Goût nouveau pour la repré de la ville, et de Paris notamment (cf Le spleen de Paris) II Une esthétique décadente 1°) Le goût du mauvais goût « Voici tomber le soir cher aux âmes mystiques » : allusion à « Harmonie du soir » (plus loin aussi « le ciel est triste et beau comme un gd reposoir »…mais aussi Verlaine, « Le ciel est, par dessus le toit, si beau, si calme » ds Sagesse)… raillerie confirmée par la mention caricaturale des « chauves-souris » et de la « valse des moustiques » (cf. Spleen) (rime mystique/moustique) reprise et parodie des poncifs de la noirceur ici par exemple, l’allégorie de la Prostitution, développée sur toute une strophe : le « fard », les « atours insolents » la dégoulinade généralisée : « s’épandre », « cafés ruisselants » ; même les « pains dans les plats d’or s’étalent… » 2°) Provocations et immoralité - l’écriture suscite des rapprochements provocateurs « viols qu’elle convoite » (avec antithèse « chaste lit blanc »…plaisir des rapprochements paradoxaux) Allusions à la sexualité, aux désirs condamnables : cf strophe 12, désirs du moine, et ceux du savant - « dans un rire mauvais mâchant de vieux blasphèmes » (déplacement métaphorique – on le voit ensuite s’acharner « après un os ») ; « aux viols errants des nuits l’enfant va se damner » CL : commenter les 3 vers « Fêtes, accouplements, incestes, agonies/ Meurtres, propos d’amour, remuement de tas d’or / Blasphèmes, râles, chants, ronflements ritournelles » 3°) Un certain classicisme formel : reste de l’Art pour l’art ? - choix d’un mètre classique, et une syntaxe en relative coïncidence avec le mètre. Quelques enjambements qui troublent la linéarité du propos : strophes 3, - Simplicité des métaphores, sinon trivialité : « l’air bleu » - cf dernière strophe les « jours bleus » : peu d’écart… ; « chaste lit blanc » - une symbolique des couleurs sommaires ; de même pour les rimes (malheur/douleur). Voire incongruité des métaph : la femme qui « se tord comme un lingot dans un ardent brasier » - une couleur populaire : « sa garce de malheur », « l’ouvrier poivre » III Spleen et Idéal : le symbolisme du poème 1°) L’horreur de la condition humaine - cette horreur est symbolisée par le bruit, qui fait d’ailleurs sortir de l’humanité : « beuglants » = café concert…mais aussi bruit (cf Baudelaire, A une passante « La rue assourdissante autour de moi hurlait ») « L’orgie hurle, concerts, lumières, fleurs splendides » : travail sur les sonorités (è, r). Strophe 7, « glapir », « Strophe 8 « grognant », strophe 15 « Paris hurle », « râles, chants, ronflements ritournelles » - tous brûlent d’un feu intérieur : la femme « comme un lingot… brasier », le moine « brûlé d’ardeurs secrètes » - la mort imminente : « le blême trottoir » (hypallage), « ceux qui s’en iront ce soir » (périphrase) ; cf image de l’hôpital (on peut aussi penser à Mallarmé, « Les fenêtres » (« Las du triste hôpital… »). – la momie « aimée il y a six mille ans » : ironie grinçante, memento mori. (ms le « moribond s’accroche… ») 2°) L’impossible idéal - cf premier vers : rien de mystique à chercher ? pas d’idéal ou d’au-delà ? - le « passé fleuri de quelque idylle » est définitivement coupé du présent (cf usage du passé simple) - « Heureux qui peut dormir, car l’heure taciturne / est bien lente à sonner l’aube aux douces clartés » : cf taciturne / bruit, et « douces clartés » / torrents de lumière - « où dorment nos sanglots l’idéale douleur » : une des seules licences poétiques, dans laquelle apparaît le propos symbolique du poète => sommeil comme un échappatoire, mais aussi une sublimation de la douleur qui devient « idéale » => complaisance dans la douleur ? cf l’aveugle qui va à la Morgue voir « si l’on a repêché sa garce de malheur » 3°) Le poète : une voix qui questionne le silence - Diverses figures du poète : le « mendiant songeur » dans son « trou » (cf ds Le Spleen de Paris, la figure du mendiant, du pauvre, du saltimbanque) ; les « fous » de la strophe 13, qui sont « bercés et consolés de douces visions », mais surtout « le penseur navré » de la strophe 14 : la question posée pourrait-être celle du poète - Commenter : « L’Espace rêveur….un bloc sans cœur » uploads/Litterature/ recueillement-du-soir-laforgue.pdf
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- Publié le Mai 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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