Revue germanique internationale 14 | 2011 La philologie allemande, figures de p
Revue germanique internationale 14 | 2011 La philologie allemande, figures de pensée Philologie et sciences historiques (1882) Hermann Usener Traducteur : Sandrine Maufroy Édition électronique URL : http://rgi.revues.org/1283 DOI : 10.4000/rgi.1283 ISSN : 1775-3988 Éditeur CNRS Éditions Édition imprimée Date de publication : 24 octobre 2011 Pagination : 155-178 ISBN : 978-2-271-07333-4 ISSN : 1253-7837 Référence électronique Hermann Usener, « Philologie et sciences historiques (1882) », Revue germanique internationale [En ligne], 14 | 2011, mis en ligne le 24 octobre 2014, consulté le 01 octobre 2016. URL : http:// rgi.revues.org/1283 ; DOI : 10.4000/rgi.1283 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés Philologie et sciences historiques (1882) Hermann Usener Traduction : Sandrine Maufroy NOTE DE L’ÉDITEUR Discours prononcé à l’occasion de sa nomination comme recteur de l’université de Bonn le 18 octobre 1882, édité sous le titre « Philologie und Geschichtswissenschaft » aux éditions de Max Cohen und Sohn (Fr. Cohen) en 1882 et réédité dans le volume : Hermann Usener, Vorträge und Aufsätze, éd. Albrecht Dieterich, Leipzig, Berlin, Teubner, 1907, p.1-35. Les notes de bas de pages sont celles de cette édition, rédigées par Usener. Entre crochets droits figurent des notes indiquées par Usener sur son exemplaire de travail, mais dont l’insertion n’est pas assurée. Entre crochets obliques figurent les notes d’Albrecht Dieterich. Les abréviations utilisées dans ces notes, en particulier pour les références bibliographiques, ont été complétées. Les notes ajoutées par nous-mêmes, réduites au minimum, se trouvent à la suite de la traduction. NOTE DE L'AUTEUR Je souhaite présenter à un cercle élargi les réflexions suivantes, qu’une cérémonie universitaire m’a donné l’occasion d’exposer publiquement sous une forme plus brève. Non que je croie avoir quelque chose de nouveau à dire. Au contraire, j’ai le sentiment d’exprimer ce que la majorité de mes collègues ressent et pense plus ou moins nettement. Je voulais seulement faire le bilan de l’évolution de nos sciences historiques jusqu’à aujourd’hui. Il me semble nécessaire et important qu’on le fasse de temps en temps. L’histoire d’une science ne se borne pas à recenser des résultats. Àtravers son histoire se Philologie et sciences historiques (1882) Revue germanique internationale, 14 | 2014 1 déploie son concept, que les changements de génération affectent nécessairement. Le travail scientifique a besoin de se prendre lui-même comme objet de réflexion s’il ne veut pas errer sans but dans l’infini du particulier. Bonn, 25 octobre 1882. 1 I. 2 Si les sciences se sont séparées successivement de la philosophie des Grecs pour prendre leur indépendance une fois leurs conditions générales d’existence développées par leur mère commune, l’histoire de la philologie moderne offre quant à elle le spectacle mémorable du rajeunissement plein et entier de toutes les sciences par leur plongée aux sources revigorantes de la littérature antique, alors que seul un long détour par l’Orient avait permis au Moyen Âge de redonner quelque force à la tradition antique directe qui se tarissait. Les grands maîtres de l’Antiquité sous leur forme originelle furent les béquilles sur lesquelles les sciences, qui s’effondraient sous le poids de leur sénile faiblesse, s’appuyèrent pour se relever. Peu à peu, les unes plus rapidement, les autres plus lentement, au fur et à mesure qu’elles acquéraient la force de voler de leurs propres ailes, elles rejetèrent ces appuis et commencèrent à oublier leurs maîtres. Cette dimension générale des études antiques, qui étaient en la possession de tous les hommes cultivés quelle que fût leur profession, explique qu’elles furent beaucoup plus lentes à devenir une science accomplie que les disciplines qui avaient poussé sur leur sol. Il y avait des chaires de poésie et d’éloquence latines et grecques comme celles qui existent encore aujourd’hui en France ; l’introduction à la compréhension des modèles classiques de poésie et de prose (surtout latines, bien sûr), était tôt devenue une profession. Les premiers pas en direction d’une science de l’Antiquité n’avaient été effectués que par les efforts des grands savants français du XVIIesiècle pour parvenir à une connaissance concrète universelle de l’Antiquité sur la base d’une connaissance vivante de la langue. Mais la Nuit de la Saint-Barthélemy, comme une gelée nocturne au mois de mai, flétrit prématurément cette fleur délicate ; et l’encyclopédisme superficiel auquel leurs efforts donna naissance était tout le contraire de la concentration qui seule pouvait conduire à la fondation d’une science. La voie n’en fut tracée que lorsque le génie de Richard Bentley porta à leur perfection les méthodes de la critique, jeta les fondements de la métrique et enseigna comment se servir de celle-ci comme d’un outil d’une précision insoupçonnée autant pour la critique que pour l’observation grammaticale. Son ouvrage le plus célèbre, la dissertation sur les lettres de PhalarisI, brillant modèle de critique historique et littéraire, dévoila tout un ensemble d’illusions transmises par la tradition ; seule la connaissance entière et précise de la littérature antique, étayée par l’examen pénétrant des réalités antiques, put aiguiser à tel point sa perception des différences de styles et de façons de penser propres à chaque siècle que l’authentique et l’inauthentique se distinguaient à ses yeux avec tant de sûreté. Très en avance sur son temps, il laissa en héritage à notre siècle le fruit le plus admirable de sa méthode d’observation fondée sur la métrique, la découverte du digamma dans notre texte homérique. Ici dans le domaine linguistique, là dans le domaine historique, Bentley est un chercheur transcendant qui sait aller au-delà de la tradition et découvrir des faits assurés qui la dépassent. 3 Aussi imposantes que soient encore aujourd’hui ces réalisations, il s’agissait làde premiers élans et de premières impulsions. Ce n’est qu’en Allemagne que l’étude de l’Antiquité classique s’est constituée en une science philologique bien délimitée. Philologie et sciences historiques (1882) Revue germanique internationale, 14 | 2014 2 4 La lumière de la littérature classique tirée de son sommeil s’y était portée sur des âmes religieuses, et avec la connaissance d’une conception naturelle et plus libre de la vie s’était renforcée l’aspiration à se libérer des chaînes que le dogmatisme et la hiérarchie du Moyen Âge avaient fait peser sur la vie religieuse. En posant comme exigence suprême le retour à la parole non falsifiée de l’Écriture Sainte, la Réforme fit apparaître clairement que par elle, le processus de rajeunissement de toutes les sciences qui s’accomplissait alors sous la direction de l’humanisme s’étendait logiquement à la théologie. Mais parmi les conséquences majeures de la Réforme se trouvent les écoles protestantes, dont la fondation et l’aménagement devinrent, à partir de la lettre de Luther « aux conseillers de toutes les villes d’Allemagne » (1524), un objet de rivalité entre les princes et les villes de l’Allemagne réformée. Même si par la suite on renonça largement aux exigences d’un Melanchthon et d’un Camerarius, il fut de la plus haute importance que le but premier de ces écoles, former des ministres du culte capables d’interpréter par eux-mêmes les Écritures, ait assuré une place dans l’enseignement scolaire non seulement à l’hébreu, mais aussi à la langue du Nouveau Testament1. Ce sont les Réformateurs eux-mêmes qui ont rédigé les premiers manuels scolaires de grec, grammaires et livres de lectures. Leurs écoles sont parvenues à résister aux ravages de la Guerre de Trente Ans et à la détresse des époques suivantes. C’est à elles que nous devons d’avoir pu voir éclore au dix- huitième siècle une littérature allemande, une science allemande. Elles étaient restées les lieux où se cultivait une éducation plus élevée qui reposait sur la littérature antique, non seulement latine, mais grecque. Les fondateurs de notre littérature, un Klopstock et un Lessing, un Hamann et un Herder, en sont sortis. Avec leur aide, la disposition d’esprit idéaliste et pieuse du protestantisme d’Allemagne du Nord, qui ne se laissa pas fléchir sous la misère de l’existence terrestre, mais se trouva forcée de s’y endurcir, a aussi fécondé la science en lui donnant des hommes comme Winckelmann, Johann Jacob Reiske et Christian Gottlob Heyne. 5 L’Histoire de l’art antique (1764) de Johann Joachim Winckelmann est le point de départ non seulement de l’archéologie, mais aussi de notre philologie allemande, et même, peut-on dire, en un certain sens, de la science historique moderne. L’exemplarité de cette œuvre lui confère une portée qui va bien au-delà de son objet. Plein d’enthousiasme pour la philosophie platonicienne, nourri d’Homère et des Tragiques, Winckelmann alla se placer devant les œuvres d’art antiques de Rome. Àson intuition prodigieuse se dévoila dans des copies romaines toute la beauté des originaux grecs perdus. Et voilà que, suppléant à la pauvreté des témoignages littéraires et leur donnant vie par la description poétiquement ressentie des statues conservées, il déploie devant nous un tableau de l’essor et de la décadence de l’art antique qui, dans ses grandes lignes, résiste encore aujourd’hui à l’épreuve. Pour la première fois, les lois de la vie organique étaient appliquées à un domaine de l’activité créatrice. L’œuvre d’art ne naît pas seulement d’un pur acte de la volonté de telle manière que sa valeur repose sur le degré de virtuosité technique, mais l’acte de donner forme est uploads/Litterature/ rgi-1283-pdf.pdf
Documents similaires










-
159
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 28, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3135MB