Revue d'histoire et de philosophie religieuses Phénoménologie de l'âme Gerard V

Revue d'histoire et de philosophie religieuses Phénoménologie de l'âme Gerard Van der Leeuw Citer ce document / Cite this document : Van der Leeuw Gerard. Phénoménologie de l'âme. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 10e année n°1, Janvier- février 1930. pp. 1-23; doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1930.2754 https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1930_num_10_1_2754 Fichier pdf généré le 22/11/2019 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES Phénoménologie de l'âme (1) « Et si tu parcours tous les sentiers jusqu'au bout, tu ne peux découvrir les limites de l'âme; telle est sa profondeur. (2) ι I Au point de vue phénoménologique la belle parole é'Héraclite semble dès l'abord garder toute sa valeur : il n'y a guère de représentation de l'esprit humain dont les limites soient moins précises, dont la nature présente moins d'unité que la notion d'âme. On pourrait même croire que le mot « âme » n'est qu'un expédient bien général, mais imparfait, pour désigner les représenta¬ tions les plus diverses, qui ne sont pas môme apparen¬ tées entre elles. Il y a, en effet, peu de traits communs entre les représentations de l'âme chez les primitifs, pas* sablement diverses et confuses, et celles des anciens Egyptiens, des Hindous, de Platon, du christianisme, et il Ζ REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELI phrase ce que dans l'histoire de l'esprit humain par le mot « âme » (3). Ce n'est pas une consolation de se dire qu pas plus avancé dans le langage actuel et dans moderne. Il peut y avoir pour le phénomé certain attrait dans le fait de constater que l gie la plus moderne a tout aussi peu tiré a conception de l'âme qu'ont pu le faire les p les hommes de l'antiquité, et de constater qu'on indéfiniment sur la nature de ce qui forme l'o science. Dans le domaine scientifique, une tell tion devrait d'abord conduire à l'examen de so Mais, dans l'ensemble, la phénoménologi semble une entreprise sans espoir de succès. II Si nous désignons ainsi, par un seul et d'une façon arbitraire en apparence les phén plus divers, il importe cependant de relever grâce à un certain sentiment instinctif, mais sentiment que, malgré tout, les phénomènes disparates sont unis par une même idée fon ou plutôt que les expériences si différentes, ca par un même mot très vague, se ramènent m diversité à une expérience fondamentale co plusieurs reprises déjà, surtout à propos de la nologie du sacrifice (4), j'ai eu l'occasion d'obs bien cette dénomination intuitive peut être j (3) « Entre l'âme dont l'immortalité est af "rmée gion chrétienne et celle qui forme l'objet de la science p celle d'une poésie, d'une fleur, d'un paysage, d'un peuple prise enfn, il semble à peine y avoir quelque chose de sans doute cette énumération ne comprend-elle pas le on attribue la connaissance profonde à certains poètes. E enfn aux « représentations de l'âme » qui doivent av existent encore chez les primitifs, la confusion devient PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'AME 3 III La méthode phénoménologique s'applique d'abord à donner des phénomènes une classification précise et claire. Si cette classification ne doit pas seulement ser¬ vir à des fins pratiques, mais posséder une valeur scien¬ tifique, il faut qu'elle soit dépourvue de tout caractère arbitraire et qu'elle soit compréhensible en elle-même et par elle-même. C'est pourquoi la méthode phénoménolo¬ gique, partant de l'expérience primitive (Urerlebnis ), qui, comme telle lui est inaccessible, aborde les signes par lesquels cette expérience se fait connaître. Elle cherche à extraire de ces signes les éléments qui forment en eux-mêmes des unités intelligibles (Sinneinheiten ). Ensuite, elle recherche les rapports intelligibles qui peuvent exister entre les éléments isolés pour tenter finalement, en partant de ces données, de comprendre l'ensemble. J'ai exposé ailleurs en détail les principes de cette méthode (5); sans accorder une importance excessive au côté théorique de la question, je voudrais essayer d'appliquer cette méthode à la notion d'âme. IV La cause pour laquelle des phénomènes aussi dispa¬ rates sont toujours encore désignés par le terme « âme », doit être cherchée dans le fait que toutes les représenta¬ tions de l'âme reposent sur une expérience fondamen¬ tale commune (6). J'anticipe ici en disant que cette expé¬ rience fondamentale, inacessible à la science comme toutes les expériences primitives (Urerlebnisse ), se révèle par des signes dans lesquels elle tend à s'exprimer comme une réalisation des limites de la vie, comme un sentiment du fini, qui en même temps nous transporte dans une (5) Dans : Studi e materiali délia storia di religioni, 1926, comp. 4 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIE autre sphère. En d'autres termes, quand on p « âme », il ne s'agit jamais uniquement de la vi -— conscience, etc... — mais toujours et essentie la limite de cette vie, du « tout autre », du num encore Héraclite a raison : L'âme est si profo ne peut la saisir avec des moyens humains. Il est vrai que cette expérience fondament son expression dans des formes très différen appellerons ces formes des structures partiel partant de ces dernières, nous allons essayer de rapports intelligibles et d'arriver ainsi à une d'ensemble. En commençant une telle étude, je crois de ler l'étude très fine et très pénétrante de Schm parue dans la Revue Logos, année 1927. Les Vont suivre doivent beaucoup à ce travail. V La première structure partielle est la repr de l'âme, d'après laquelle la vie de l'homme for un ensemble. Nous aussi nous parlons encore fois de tant et tant d' « âmes », et nous ente là les hommes dans leur totalité. L'élément s mystérieux dans l'homme qui fait naître la r tion de l'âme consiste ici dans la réalité concr comme une unité, non dans une quelconque d ties. Il s'agit de ces représentations pour Kruyt a forgé le terme de « matière de Vùm lenstoff) (7). « Puissance de l'âme » serait un terme encore plus approprié : La vie est taines substances « puissantes ». Une croyance en Grèce veut qu'avec des dents trop espacées difficile de retenir l'âme. Celui dont le ερκος PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'AME 5 est ainsi disposé est condamné à mourir jeune (8). Cet exemple nous montre clairement le rapport entre âme et puissance, soul or mana, comme le problème a été formulé au Congrès de 1912. La thèse de Grönbech, que l'âme et la puissance sont parentes dans leur essence, voire même inséparables, semble avoir suffisamment démontré sa justesse au cours des années (9). Cette âme générale (Ganzheitsseele) est liée à telle ou telle matière puissante. Elle n'est pas fixée à certaines parties du corps, elle se répartit plutôt sur ces parties selon la capacité de puissance dont celles-ci font preuve. Le sang coule à travers tout le corps (10), mais certaines parties en sont plus riches que d'autres. Il en est de même de la matière ou puissance de l'âme : matière et force ne font qu'un. C'est cette puissance que le sorcier cherche à enlever à son ennemi; on la garde avec soin, même dans les sécré¬ tions du corps, pour qu'elle ne soit pas diminuée; elle est augmentée par les aliments, affaiblie par le commerce sexuel. On a ressenti la puissance de l'âme dans presque toutes les parties du corps et dans tout ce qui sort du corps. Par exemple dans le souffle : peut-être la repré¬ sentation de l'âme la plus ancienne. Certainement ce n'est pas seulement par voie négative qu'il a acquis sa signi¬ fication comme représentation de l'âme, et parce que l'on constatait sa disparition au moment de la mort; mais plu- (8) C. D. Hesseling, Versl. & Meded . Kon. Akad. v. Wet. Afd. Lett. 5e Reeks, 2, 1917. (9) Cf. Actes du 4e Congrès d'Hist. des Rel. 1913, 70. Cela signi¬ fie, bien entendu, seulement que l'âme est une sorte de puissance, non que toute puissance soit nécessairement une âme ou une puissance psychique. (10) « Telle que la sève jaillit du gommier, que l'incision soit pratiquée au tronc, à la branche ou au bout de la feuille, tel que le parfum s'exhale de la fleur et se répand dans les alentours, tel que le sang coule à travers les veines et veinicules, telle que la sueur suinte 6 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGI tôt parce qu'on sentait qu'il forme dans l'homm ment doué d'une vie en apparence autonome, m dant le sommeil (11); c'est ce qui lui a permis d une importance dans la sphère du numineux. A se rattache une grande partie de la spéculation les notions qui sont exprimées dans les term πνεϋμα, anima (12). Il y a aussi le sang, qui d'aprè Testament est le siège de I'« âme », et qui a g importance primitive surtout dans la spéculat tienne (13). Ensuite la salive, la sueur, l'urine, cadavérique, etc... A cela, il faut ajouter ce qu a appelé les âmes-organes (14). Avant tout le c tête, puis les entrailles, le foie, le pouce, orteil, etc... (15). Mais aucune partie du corps n l'âme à l'exclusion des autres. L'idée qu'on peut manger l'âme uploads/Litterature/ rhpr-0035-2403-1930-num-10-1-2754.pdf

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