1 René Pommier Contre René Girard 2 René Pommier est un universitaire français
1 René Pommier Contre René Girard 2 René Pommier est un universitaire français né le 11 décembre 1933. Maître de conférences à la Sorbonne et écrivain essentiellement sceptique, rationaliste et antireligieux, il s'est fait connaître par des essais critiques consacrés à des essayistes du XXe siècle comme Roland Barthes ou René Girard. Les textes qui suivent proviennent par copier-coller du site : http://rene.pommier.free.fr/Girard00.htm Nous nous sommes contentés d’une mise en page, et de quelques corrections orthographiques. 3 René Girard, un allumé qui se prend pour un Phare. Plus on avance dans la lecture des livres de René Girard, et plus on se demande comment l'humanité a pu se passer si longtemps de lui. Deux affirmations, en effet, y reviennent continuellement, à savoir, d'une part, qu'avant ledit René Girard, personne n'a jamais rien compris à rien et, d'autre part, que, grâce aux théories dudit René Girard, soudain tout s'éclaire, tout s'illumine, tout devient d'une évidence aveuglante. Soyons juste, si René Girard pense qu'avant lui personne n'a jamais compris rien à rien, c'est seulement dans le domaine des sciences humaines. Dans sa grande modestie, il n'a jamais songé, semble-t-il, à nier qu'en ce qui concerne les sciences exactes et les techniques, l'humanité s'était fort bien passée de lui jusqu'ici, et avait, sans lui, accumulé une somme considérable de connaissances, fait d'innombrables et d'immenses découvertes, et réalisé de très nombreuses et prodigieuses inventions qui ont profondément transformé l'existence des hommes. Mais, si René Girard s'est jusqu'ici abstenu de faire la leçon aux mathématiciens, aux physiciens, aux naturalistes, aux biologistes ou aux médecins, et n'a pas essayé de les persuader que, s'ils voulaient vraiment dominer leurs disciplines respectives, ils devaient absolument commencer par lire ses ouvrages, il est profondément persuadé, en revanche, qu'en matière de psychologie, de sociologie, d'ethnologie ou de sciences des religions, les plus grands savants et les esprits les plus pénétrants ne sont jamais parvenus à dominer vraiment leurs disciplines respectives et à éclairer vraiment les sujets qu'ils traitaient. S'ils ont souvent réussi à décrire avec beaucoup de précision et d'exactitude, les phénomènes qu'ils étudiaient, ils n'ont jamais réussi à aller au fond des choses et à en trouver l'explication. « L'essentiel » nous dit René Girard, leur échappe toujours, l'essentiel qui pourtant devrait leur crever les yeux, comme il crève les siens. C'est le cas notamment des ethnologues, comme en témoigne cette déclaration : « C'est là, à mon sens la tâche essentielle de l'ethnologie, une tâche qu'elle a toujours éludée » 1. C'est le cas des critiques les plus renommés, comme Auerbach : « L'essentiel que personne ne voit, et pas plus Auerbach que les autres, c'est que dans les mythes, la victime est coupable avant même d'être divine, alors que dans le biblique, il lui arrive d'être innocente, d'être faussement accusée. Pas plus que les autres interprètes, Auerbach ne voit ce qui, à mes yeux, est seul essentiel. » 2 C'est le cas de tous les philosophes, de Platon à Lacoue-Labarthe : « Il ne faut pas s'étonner si Lacoue-Labarthe ne voit pas ce qui fait défaut à Platon sur le plan des rivalités mimétiques. Ce qui fait défaut à Platon, en effet, lui fait défaut à lui-même, et c'est l'essentiel, c'est l'origine de la rivalité mimétique dans la mimesis d'appropriation. C'est ce point de départ dans l'objet sur lequel nous n'insisterons jamais assez, et c'est cela que personne, semble-il, ne comprend. » 3 C'est le cas, d'une manière générale, de tous ceux qui ont traité avant René Girard les mêmes sujets que lui. 1 Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 50. 2 Les Origines de la culture, p. 119 3 Des Choses cachées depuis la fondation du monde, pp. 26-27. 4 Certes il leur arrive d'avoir des intuitions qui pourraient être fécondes s'ils étaient capables d'en mesurer toute la portée, c'est-à-dire de comprendre vraiment ce qu'ils disent. Ainsi, à propos de l'aphorisme 125 du Gai savoir sur la mort de Dieu, René Girard nous dit qu'il ne pense pas que « Nietzsche ait été pleinement conscient de ce qu'il disait dans ce fameux aphorisme. » 4 Il en est de même de Freud qui ne cesserait de frôler la vérité, sans jamais s'en rendre compte le moins du monde : « Dans un article sur le deuil, nous dit René Girard, Freud, comme d'habitude, passe tout près d'une vérité qui pourtant lui échappe complétement. » 5 Mais, ce faisant, il tire les marrons du feu pour le compte de René Girard, en lui fournissant des matériaux qu'il utilisera pour établir la théorie mimétique : « Freud a des intuitions très vraies parfois, mais qu'il interprète de façon 'laïcarde' et dix-neuviémiste un peu comme Darwin, alors qu'en réalité, elles renforcent le message biblique. Les œuvres de Freud sont pour moi des documents à l'appui de la thèse mimétique. » 6 Il en est de même de Claude Lévi-Strauss qui, lui aussi, ne cesse sans s'en douter le moins du monde d'apporter de l'eau au moulin de René Girard : « Ce qui rend Lévi-Strauss précieux, c'est qu'il nous apporte tous les éléments de la genèse vraie sans jamais comprendre à quoi il a affaire. » 7 On le voit, seul René Girard est capable d'exploiter à fond, en les éclairant et en les complétant, les intuitions restées confuses et partielles des penseurs qui l'ont précédé. Grâce à lui les philosophes les plus obscurs deviennent soudain transparents : « Pour compléter Heidegger et le rendre parfaitement clair, ce n'est pas dans une lumière philosophique qu'il faut le lire, mais à la lumière de l'ethnologie, non pas de n'importe quelle ethnologie, bien sûr, mais de celle que vous venons d'ébaucher. ».8 L'assurance avec laquelle René Girard affirme que tous ceux qui ont traité avant lui les mêmes sujets que lui, ont toujours été incapables de les éclairer vraiment, n'a d'égale que celle avec laquelle il soutient que ses théories expliquent tout d'une manière complète et définitive. Ainsi les mythes ont fait l'objet d'innombrables études et pourtant, selon René Girard, ce travail séculaire n'a finalement servi à rien puisque le mystère est toujours resté entier : « Après des siècles d'efforts inutiles, la recherche moderne n'a pas encore déchiffré l'énigme de la mythologie, et finalement elle s'est lassée. » 9 Bien plus, lors même que René Girard leur apporte la solution sur un plateau, les spécialistes s'obstinent à la rejeter : « Beaucoup d'ethnologues, de classicistes et de théologiens ont beau écarquiller les yeux, disent-ils, ils ne voient pas de bouc émissaire dans les mythes. Ils ne comprennent pas ce que je dis. » 10 Et pourtant, nous dit René Girard, « Il y a une force prodigieuse dans la présente lecture, une fois qu'on l'a vraiment comprise. C'est ici, je n'hésite pas à l'affirmer, l'explication dernière de la mythologie, non seulement parce que d'un seul coup il n'y a rien d'obscur, tout devient intelligible et cohérent, mais parce qu'on comprend, du même 4 Les Origines de la culture, p. 135. 5 Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 113. Voir aussi La Violence et le sacré, p. 300 : « De tous les textes modernes sur la tragédie grecque, le texte de Freud est sans doute celui qui va le plus loin dans la voie de la compréhension. Et pourtant ce texte est un échec ». 6 Les Origines de la culture, p. 114. 7 Des Choses cachées depuis la fondation du monde, p. 167. 8 Ibid., p. 381. 9 La Voix méconnue du réel, p. 13. 10 Quand ces Choses commenceront, Entretiens avec Michel Treguer, p. 41. 5 coup, pourquoi les croyants d'abord, et à leur suite les incroyants ont toujours passé à côté du secret pourtant si simple de toute mythologie. ».11 On reste sans voix devant une telle infatuation. Mais là où René Girard a sans doute le plus reculé les bornes de la présomption et de l'outrecuidance, c'est lorsqu'il a prétendu expliquer aux chrétiens que lui seul pouvait les éclairer sur l'essence même de leur religion. S'il s'est, en effet, converti sur le tard, ce fut pour découvrir aussitôt qu'il était le premier chrétien à avoir vraiment compris en quoi consistait le christianisme et le sens profond des Évangiles. « Les chrétiens, nous dit-il, n'ont pas compris la véritable originalité des Évangiles. ».12 À tous ceux à qui l'on a appris que le Christ s'était sacrifié sur la croix pour racheter les hommes du péché originel, sacrifice renouvelé sans cesse dans la célébration de la messe, René Girard ne craint pas d'affirmer qu'il s'agit là d'une erreur monumentale, de l'erreur la plus phénoménale de tous les temps : « Cette lecture sacrificielle de la passion […] doit être critiquée comme le malentendu le plus paradoxal et le plus colossal de toute l'histoire, le plus révélateur, en même temps de l'impuissance radicale de l'humanité à comprendre sa propre violence, même quand celle-ci lui est signifiée de la façon la plus explicite. » 13 Mais fort heureusement il s'empresse de les rassurer, en uploads/Litterature/ rene-pommier-contre-rene-girard.pdf
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- Publié le Nov 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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