Revue internationale d’éducation de Sèvres 48 | septembre 2008 L’école et son c

Revue internationale d’éducation de Sèvres 48 | septembre 2008 L’école et son contrôle Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel éd. Retz, 2006, 832 p. Roger-François Gauthier Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ries/402 DOI : 10.4000/ries.402 ISSN : 2261-4265 Éditeur Centre international d'études pédagogiques Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2008 Pagination : 22-25 ISBN : 978-2-85420-573-2 ISSN : 1254-4590 Référence électronique Roger-François Gauthier, « Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 48 | septembre 2008, mis en ligne le 27 juin 2011, consulté le 26 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/ries/402 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/ries.402 Ce document a été généré automatiquement le 26 avril 2021. © Tous droits réservés Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel éd. Retz, 2006, 832 p. Roger-François Gauthier RÉFÉRENCE Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel, éd. Retz, 2006, 832 p. 1 Voici un livre qui dérange immédiatement son lecteur : pas seulement le spécialiste de didactique du français, mais précisément le lecteur qui va d’ordinaire chercher dans l’international la décentration pour sa propre réflexion sur l’école. Cette fois, il s’agit de la décentration d’un voyage qui nous est proposé, en France, dans le temps des quatre derniers siècles. 2 Il s’agit certes d’un livre érudit, mais cette érudition est celle d’un historien qui a utilisé et fait parler, selon diverses méthodes, d’innombrables sources inédites et bigarrées : ne cachons d’ailleurs pas le plaisir que nous trouvons à la lecture de quantité de citations d’acteurs savourées comme le permet l’éloignement temporel mêlé à la proximité de fait des problématiques ! Ni celui d’entendre la langue française d’autrefois comme nous avions oublié qu’elle fut, quand on prononçait, au XIXe siècle, [Eta-Unis], sans faire la liaison, ou [commen hallez-vous ?] ! 3 Quand on parle aujourd’hui du « français » en France, autour de l’École, on a l’impression que le sujet va de soi et que cette langue ne peut qu’être chez elle dans le pays éponyme : Chervel nous montre combien il fut difficile au « français » de se frayer un chemin contre les langues et patois régionaux d’une part, dans lesquels était enseigné le catéchisme par une Église qui vit longtemps explicitement dans le français un vecteur de mauvaises idées, mais surtout contre le latin, qui resta si tard non seulement la langue d’enseignement et de l’échange à l’école, mais aussi le seul objet d’enseignement grammatical et littéraire reconnu. Après l’intermède révolutionnaire Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel Revue internationale d’éducation de Sèvres, 48 | septembre 2008 1 où le français avait commencé de supplanter le latin, l’Université impériale et l’instrument du baccalauréat favorisent une réaction latine que la monarchie ne fera que conforter. Le français ne parvint longtemps à se faufiler que dans l’enseignement féminin, qui ne fut pas latinisé, ainsi que dans celui dispensé aux jeunes aristocrates, puis de plus en plus à l’initiative de chefs d’établissements pour qui il était criant que l’environnement économique appelait l’enseignement de la langue nationale. Le développement du français apparaissait à beaucoup comme un saut dans l’inconnu : pas d’objet, pas de description, pas de pédagogie… Ce n’est que vers 1890, et intégré au concept plus large de « culture générale », que l’enseignement de français trouva une légitimité et une forme du type de celles qu’on lui connaît aujourd’hui. 4 Définir l’enseignement d’une langue suppose que soient traitées quantité de questions : doit-on apprendre à prononcer la langue de façon standardisée ? Va-t-on apprendre à lire seulement ou bien à lire et à écrire ? Comment la question de l’orthographe se pose-t-elle ? Lit-on pour savoir lire ou bien pour lire ? Lire a-t-il de la valeur ? Des auteurs doivent-ils être distingués ? Lesquels ? Pourquoi ? Mais que faut-il faire de leurs textes ? Faut-il écrire seulement après avoir beaucoup lu, ou bien faut-il se lancer, même à l’âge enfantin ? Faut-il proscrire ou favoriser l’imagination ? Faut-il, même en français, s’en tenir à des recettes d’expression héritées de l’héritage antique, ou bien doit-on d’abord se préoccuper de penser ? L’ouvrage jongle entre toutes ces questions en nous montrant à quel point elles furent et sont enchevêtrées. 5 Sur la question de l’orthographe, qui est symbolique, l’auteur rappelle que de 1650 à 1835, la langue française ne connut pas moins de dix-sept réformes de l’orthographe. Mais c’est à partir du moment où les enfants durent apprendre non seulement à lire (mise en jeu de l’orthographe passive), mais aussi à écrire (orthographe active), par la Loi Guizot de 1833, que le système orthographique fut gravé dans le marbre : « Lorsqu’ils préparent la septième édition de leur Dictionnaire (…), les Académiciens travaillent désormais sous le contrôle des instituteurs… n’accepteraient pas de voir remettre en question, sauf pour des rectifications mineures, l’orthographe qu’ils ont si difficilement acquise pour leur compte… ». Le linguiste Bréal, conseiller du ministre Jules Simon, pouvait regretter en vain que l’on « gaspille le meilleur du temps, de la peine et de la bonne volonté de nos enfants » à des « vétilles orthographiques », et déclarer que « née dans l’école, grandie dans l’école, [l’orthographe] en [était] devenue le tyran ». 6 L’auteur aborde aussi la chasse aux accents régionaux, active et déclarée, et cet épisode, au XIXe siècle, où l’usage soutenu du français respectant les liaisons, conséquence de la sacralisation orthographique, supplanta l’usage populaire. 7 Mais parlait-on en classe ? Sous l’Ancien Régime, la règle est, dans les écoles primaires, que le maître se taise. Une justification pédagogique est que « les maîtres qui parlent beaucoup sont peu écoutés, et qu’on fait peu de cas de ce qu’ils disent », et on en appelle aux Évangiles où il est dit que « les hommes rendront compte au jour du jugement de toutes les paroles inutiles qu’ils auront dites ». Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que le maître doive parler, certes pas « avec » les élèves, mais « aux » élèves : le livre cesse d’être tout puissant, et l’instituteur devient au sens propre un « professeur ». Et ce n’est qu’à partir de 1850 qu’on en vient à imaginer de faire parler les enfants. L’inspecteur général Irénée Carré déclare que l’enfant « ne saura bien écrire que s’il a d’abord appris à bien parler »… et c’est donc « à bien parler qu’il faut d’abord former les enfants » : l’absence de la référence à la compétence à « parler » Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, André Chervel Revue internationale d’éducation de Sèvres, 48 | septembre 2008 2 dans la liste ordinaire des « fondamentaux » au début du XXIe siècle montre que ces propos de 1887 n’ont pas perdu leur force. 8 En matière de lecture, on apprend à quel point l’École, comme l’Église, a eu peur que la compétence de lecture… conduise à lire ! Il convenait plutôt de relire des textes sûrs comme un bréviaire. Et il fallut attendre les années 1880 pour que l’idée traverse l’esprit des responsables que la lecture pouvait avoir en elle-même une fonction d’apprentissage de la langue. 9 L’introduction de textes français dans les écoles avait auparavant nécessité infiniment de précautions, car il fallait qu’ils fassent leur place parmi les textes antiques : La Fontaine ne valait que parce qu’il avait traduit Phèdre et Esope, et sous l’Empire on n’introduisait d’ouvrage français que s’il avait son homologue dans l’une des littératures antiques. Les « classiques » firent la part belle aux trois auteurs majeurs du théâtre du Grand Siècle. Toutefois, sous la République naissante, on remit en cause cette consécration de Corneille et Racine : « A-t-on calculé, écrit un professeur contestataire, que la constitution première de notre littérature classique, éclose à l’ombre du trône le plus absolu du monde, à dû répandre dans notre nation de penchants au servilisme, d’habitudes à la fois vaniteuses et rampantes ? ». Et si, en ce domaine comme en d’autres, la défaite de 1870 amena des remises en cause, et une considération plus patriotique pour la littérature française en tant que telle, la résistance de l’Université à la littérature romantique fut encore longtemps obstinée. 10 Une fois les textes entrés en classe, une autre question fut de savoir ce qu’il convenait d’en faire : là encore, le modèle disponible était ce qu’on faisait des textes latins, c’est- à-dire, depuis quelques décennies, guère autre chose que les traduire. Les professeurs n’aimaient pas cette « explication française » qui n’avait pas de modèle et était beaucoup plus difficile à enseigner que son homologue latine ou grecque où il suffisait de « faire traduire ». Aux examens, l’épreuve échappait rarement à l’accusation de bavardage paraphrastique ou d’expression ridicule d’un enthousiasme de commande. 11 Quant à la question de la production de textes français par les élèves, on considère aussi pendant longtemps uploads/Litterature/ ries-402.pdf

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