1 Cours de Vincennes-St Denis, 17 mars 1987, Leibniz et le baroque – Les princi

1 Cours de Vincennes-St Denis, 17 mars 1987, Leibniz et le baroque – Les principes et la liberté (8) : Le crible et l’infini Transcription augmentée, Charles J. Stivale1 [Je dois vous dire] une nouvelle, à votre choix, joyeuse ou triste : je ne suis pas à Paris mardi matin, je ne peux pas y être, donc notre prochaine réunion n’aura lieu qu’en quinze jours [En principe, le 31 mars, bien que la prochaine séance ait lieu le 7 avril] comme je l’ai bien marqué, eh ? Ceci dit, ce n’est pas inquiétant puisqu’on s’arrêtera dans l’année, donc ça ne sera pas fini, et quand ça sera fini, on s’arrêtera. Voilà. Là-dessus vous vous rappelez où nous sommes là, parce que ce n’est pas difficile à comprendre, mais ça demande de la minutie. J’ai à m’interroger avec vous sur cet auteur dont j’avais tant de tristesse qu’il est comme disparu [1 :00] de l’horizon philosophique ordinaire, cet auteur anglais, Whitehead. Et [Ici commence le texte de Web Deleuze] qu'est-ce qu'on attend de cette confrontation de Whitehead avec Leibniz ? Bien sûr Whitehead est un grand philosophe qui a subi l'influence de Leibniz. Mais ce que nous en attendons ce n'est pas simplement une comparaison. C’est dans la mesure où Whitehead est un grand philosophe que forcément, il nous propose un éclairage de Leibniz qui peut nous servir fondamentalement. [Pause] Et au moins nous savons dans quelle direction ça peut et ça va nous servir. C'est [2 :00] comme cette espèce de cri sur lequel tout repose dans la philosophie de Whitehead, à savoir : tout est évènement. Tout est évènement, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que je suis prêt à renverser le schéma dit catégoriel, je suis prêt à renverser le schéma catégoriel sujet-est-attribut. C'est le renversement du schéma sujet/attribut du type : le ciel est bleu. Vous me direz que ce n'est pas le premier à renverser. Hé non, justement on s'en réjouit que ce ne soit pas le premier à l'avoir fait. Car que ce soit le second signifie quoi pour nous ? Que Leibniz était peut-être le premier. Et je vous disais, les contre-sens ils sont dès le départ. Quand vous êtes partis dans la lecture d'une grande pensée ou dans l'appréhension d'une grande œuvre d'art, c'est au début [3 :00] les difficultés, ensuite tout va bien. C'est au début que les contre-sens vous attendent comme des espèces de crabes, qui sont tout prêt à vous prendre, et les contre-sens ce n'est jamais notre faute, c'est toute une tradition qui pèse sur nous, c'est tout ce qu'on nous a dit, c'est tout ce qu'on nous a fait croire. C'est tout un système de jugement dont il faut se défaire dès qu'on veut avoir un rapport immédiat avec une grande œuvre. Or, je vous disais, qu'est-ce qui a été plus ruineux dans toute compréhension de Leibniz que l'idée que la grande thèse de Leibniz, tout prédicat est dans le sujet, que cette idée soit précisément conforme, [4 :00] et bien plus qu'elle implique le schème sujet-est-attribut. On a considéré comme allant de soi que l'inclusion du prédicat dans le sujet, chez Leibniz, signifiait et impliquait la réduction de tout jugement à un jugement d'attribution, et que si Leibniz nous disait : le prédicat est dans le sujet, cela voulait dire que les propositions étaient du type " le ciel est bleu ", c'est à dire était du type un jugement d'attribution. Et je vous disais que si on part d'une lecture de Leibniz, comment dirais-je, "naïve", on oublie tout ça, où on oublie tout ce qu'on nous a dit, on s'aperçoit, et c'est une bonne surprise, on s'aperçoit exactement du contraire. Et je citais [5 :00] le texte Discours de métaphysique où Leibniz dit : le prédicat ou évènement, le prédicat ou évènement. Donc ce qui est dans le sujet, à savoir le prédicat, ce n'est pas un attribut. 2 Et bien plus, on ne comprend rien à la philosophie de Leibniz si on ne voit pas que, d'un bout à l'autre de cette philosophie, il ne cesse de rompre avec le schéma catégoriel sujet/attribut, et que le schéma catégoriel sujet/attribut c'est au contraire la chose de Descartes, et que si Leibniz est tellement anticartésien c'est parce qu'il refuse l'idée que le jugement soit un jugement d'attribution. Et que ce refus que le jugement soit jugement d'attribution, c'est cela [6 :00] qu'il veut dire en nous disant que le prédicat est dans le sujet, et que lorsqu'il nous dit que le prédicat est dans le sujet, loin que ça veuille dire le jugement est jugement d'attribution, ça veut dire exactement le contraire. On l'a vu depuis le début. D'où je dis que c'est déjà chez Leibniz que surgit la grande affirmation : tout est événement ! Il n'y a que des événements. Il n'y a pas d'objet, il n'y a pas de sujet. Tout est événement. Ou plutôt, il n'y a pas d'objet il n'y a pas de sujet, on verra. Les formes mêmes de l'objet, les formes mêmes du sujet découlent de l'évènement comme composante de la réalité. Le réel est fait d'événements. Or l'événement, ce n'est pas un attribut, c'est un prédicat, d'accord, c'est-à-dire [7 :00] que l'événement, c'est ce qui se dit. Prédicat ça signifie uniquement : ce qui se dit. Ce qui se dit, ce n'est pas l'attribut, c'est l'événement. Tout est événement. Dès lors, je vous disais, partons du plus simple, n'importe quel événement. Et c'est là qu'on attendait Whitehead. Partons de, encore une fois, non pas d'une attribution du type "le ciel est bleu", mais d'un événement du type "il y a concert ce soir". Or l'événement c'est ce que Whitehead appelle – pour dire une chose aussi nouvelle, vous voyez à quel point la philosophie, vraiment, son sens c'est d'élaborer [8 :00] des concepts extrêmement complexes pour des espèces de données extrêmement simples qui sont les données de tout le monde. Mais justement elles échapperaient, elles ne se manifesteraient jamais comme données si elles n'étaient pas exhibées par le concept. Si vous ne construisez pas des concepts relativement compliqués, comment faire comprendre que l'évènement n'est pas simplement quelque chose qui se passe, mais est comme la goutte de la réalité, que c'est la donnée ultime du réel ? Sentez que c'est déjà une façon de voir très curieuse. Si vous vous dites ça, que l'évènement c'est la donnée ultime du réel, vous êtes forcé de voir les choses un peu autrement. Vous vous dites : alors à ce moment là, [9 :00] je croyais que c'était la table, la donnée du réel, [Deleuze frappe très fort sur la table] la table qui me résiste, soit. Mais la table elle-même est évènement, la grande pyramide est évènement nous dit Whitehead. Et en quel sens ? Pas dans le sens où elle a été fabriquée à tel moment, non. Elle est évènement au sens où elle est ici et maintenant. Et qu’est-ce que l'évènement table ? C'est le passage de nature dans telle limite de l'espace. La nature passe dans telles limites de l'espace. C'est l'évènement table. Et la durée de la table pendant une minute, pendant les deux heures de notre séance, c'est un évènement. La nature passe par la table, l’événement table. Ce n'est pas une chose, c'est un évènement. [10 :00] Vous me direz : pourquoi dire ça ? Peu importe, peu importe, pourquoi dire ça ! Qu'importe pourquoi dire ça. Il s'agit de savoir si ce qu'on dit est beau, et si ce qu'on dit est important. Pourquoi le dire, bon, on ne le sait pas avant, on ne peut pas le savoir avant. Alors à partir de là c'est donc l'occasion actuelle, tout est occasion actuelle. L'événement c'est l'occasion actuelle. Encore une fois, Il y a concert ce soir. Et on avait vu, dès lors, le premier problème de Whitehead – c’est là que je voudrais numéroter les choses -- le premier problème de Whitehead, c'était : mais quelles sont les conditions pour l'émergence d'événement ? Vous sentez que c'est un monde en effet très particulier, c'est un monde du perpétuellement nouveau. [11 :00] Des événements ne cessent pas de surgir, et des événements toujours nouveaux. Le problème de 3 la philosophie deviendra la formation de la nouveauté. C'est très important ; il y a tant de philosophie qui sont présentées comme des philosophies de la détermination de l'éternité. Voilà un type de philosophie, et quand on en aura fini avec tout ça, je voudrais presque faire une récapitulation quant à ce qu'on peut en tirer quant à la question "qu'est-ce que la philosophie ?". Mais à ce moment là on ne parlera plus de Whitehead, ni de Leibniz, ou ça brièvement, mais en revanche on pensera fort à eux, en fonction de telles questions. Mais, donc, je dis pour le moment, pour le moment puisqu’on n’en est pas encore là, il faut bien marquer, [12 :00] voyez le problème : quelles sont les conditions uploads/Litterature/ 13b-gd-leibniz17march1987fr-final-notes.pdf

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