Tous droits réservés © Cinémas, 2019 Ce document est protégé par la loi sur le

Tous droits réservés © Cinémas, 2019 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 14 août 2021 19:09 Cinémas Revue d'études cinématographiques Journal of Film Studies L’image-mouvement au cinéma, de la chronophotographie à la performance capture Image-Movement in the Cinema, from Chronophotography to Performance Capture Miriam Meriam Ouertani Mutations du montage : esthétiques, technologies, pratiques et discours Volume 28, numéro 2-3, printemps 2018 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1067498ar DOI : https://doi.org/10.7202/1067498ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cinémas ISSN 1181-6945 (imprimé) 1705-6500 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Ouertani, M. M. (2018). L’image-mouvement au cinéma, de la chronophotographie à la performance capture. Cinémas, 28(2-3), 157–170. https://doi.org/10.7202/1067498ar Résumé de l'article À son origine, l’image-mouvement au cinéma est définie par Deleuze comme une succession mécanique d’instantanés caractérisée essentiellement par l’équidistance. La succession mécanique du mouvement par un codage serait intrinsèque à l’agencement dans l’image-mouvement. La problématique de l’image-mouvement réside dans l’idée selon laquelle la perception du mouvement à l’aide d’une succession de poses et la perception du mouvement par l’intermédiaire de dispositifs réduisent l’interprétation du mouvement à un temps uniforme. À quel point cela va-t-il contraindre à saisir l’essentiel du mouvement, à savoir les micromouvements qui entrent dans ce régime de l’image-mouvement intensif et qui échappent à la mesurabilité de même qu’à l’agencement ? Dans ce cas précis, la question serait de savoir non pas comment un mouvement succède à un autre mouvement, mais plutôt comment un mouvement donné se continue dans le mouvement suivant. Nous entamerons une catégorisation de l’image-mouvement par le biais de la capture du mouvement numérique transférée sur les personnages en images de synthèse du film Avatar. 157 L’image-mouvement au cinéma, de la chronophotographie… L’image-mouvement au cinéma, de la chronophotographie à la performance capture Miriam Meriam Ouertani Université du Québec à Montréal (Canada) RÉSUMÉ À son origine, l’image-mouvement au cinéma est définie par Deleuze comme une succession mécanique d’instantanés caractérisée essentiellement par l’équidistance. La succession mécanique du mouvement par un codage serait intrinsèque à l’agencement dans l’image-mouvement. La problématique de l’image-mouvement réside dans l’idée selon laquelle la per- ception du mouvement à l’aide d’une succession de poses et la perception du mouvement par l’intermédiaire de disposi- tifs réduisent l’interprétation du mouvement à un temps uni- forme. À quel point cela va-t-il contraindre à saisir l’essentiel du mouvement, à savoir les micromouvements qui entrent dans ce régime de l’image-mouvement intensif et qui échappent à la mesurabilité de même qu’à l’agencement ? Dans ce cas précis, la question serait de savoir non pas comment un mouvement succède à un autre mouvement, mais plutôt comment un mouvement donné se continue dans le mouvement suivant. Nous entamerons une catégorisation de l’image-mouvement par le biais de la capture du mouvement numérique transférée sur les personnages en images de synthèse du film Avatar. L’analyse du mouvement est un élément fondamental dans l’in- vention du cinéma. Ses prémisses remontent aux premiers tra- vaux chronophotographiques (1870) menés notamment par le chercheur-physicien Étienne-Jules Marey (1830-1904). Ses travaux reposent sur la construction scientifique des mouvements internes et externes d’un corps, quel qu’il soit : humain, animal ou autre. L’inscription graphique du mouvement se fait au moyen de tracés et de diagrammes obtenus à l’aide d’un fusil chronophotographique qui capte une succession « rapide » d’instants quelconques du corps en 158 Cinémas 28 (2-3) mouvement. Cette analyse réalise des incisions dans le temps per- mettant ainsi une décomposition interne du geste. Le mouvement du corps « chronophotographié » dépend d’une logique temporelle qui découle d’un ensemble d’images-mouvement (Deleuze 1983, 90). Cette technique issue de la science moderne rendra possible l’in- vention du cinéma par la suite, réalisant de fait une rupture épis- témologique avec la science de l’époque antique, qui repose sur les instants privilégiés par le biais d’une succession de poses. L’expérience du corps en mouvement a conduit Deleuze à affirmer que ce qui est en mouvement est bien la matière et non pas la forme ou la succession de poses qui émanent des instants privilégiés ; « c’est la matière : non pas quelque chose qui serait caché derrière l’image, mais au contraire l’identité absolue de l’image et du mouvement […]. L’image-mouvement et la matière-écoulement sont strictement la même chose » (86). Ce n’est pas la forme qui se transforme, c’est la matière qui passe d’un état à un autre. L’image-mouvement au cinéma est donc définie comme une succession mécanique d’instantanés caractérisée essentiellement par l’équidistance. Cette succession mécanique du mouvement par un codage (de mouvement) serait intrinsèque à la notion d’agence- ment dans l’image-mouvement. On peut rappeler ici que Deleuze et Guattari abordent également l’agencement dans Mille plateaux (spé- cifiquement dans le chapitre « Traité de nomadologie : la machine de guerre »). Ils le définissent comme « […] tout ensemble de singu- larités et de traits prélevés sur le flux » (1980, 540). L’agencement se ferait, dans ce cas de figure, par l’entremise d’outils et d’appareils spécifiques, une véritable synthèse de mouvement intrinsèque à un codage, dans le but d’atteindre une perception pure du mouve- ment. Tout cela – les lignes et les vitesses mesurables – constitue un agencement : « Le semblable et le digital, la ressemblance et le code, ont au moins en commun d’être des moules, l’un par forme sen- sible, l’autre par structure intelligible : c’est pourquoi ils peuvent si bien communiquer l’un avec l’autre » (Deleuze 1985, 41). La problématique de l’image-mouvement réside dans l’idée selon laquelle la perception du mouvement à l’aide d’une succes- sion de poses (à travers les instants privilégiés) et la perception du mouvement par l’intermédiaire de dispositifs de captation de mouvements (analysant les instants quelconques) réduisent 159 L’image-mouvement au cinéma, de la chronophotographie… l’interprétation du mouvement à un temps uniforme ne tenant pas compte de la singularité du mouvement qui se situe à même l’intervalle. Cet intervalle est doté d’un rapport affectif qui relie les instants d’un même mouvement. L’analyse et le transfert de ce qui se passe à l’intérieur des instants (dans l’« interinstant ») seraient de l’ordre de l’intensif et de l’incommensurable. S’appuyant sur les prémisses bergsoniennes du mouvement, Deleuze insiste sur ce rapport de l’affect avec le mouvement. Il y a lieu de nous poser la question de savoir à quel point cela va nous contraindre à saisir l’essentiel du mouvement, à savoir les micromouvements ou les microexpressions qui entrent dans ce régime de l’image-mouvement intensif et qui échappent à la mesurabilité de même qu’à l’agence- ment. Dans ce cas précis, la question serait donc de savoir non pas comment un mouvement succède à un autre mouvement, mais plutôt comment un mouvement donné se continue dans le mou- vement suivant. L’intervalle entre deux mouvements instantanés, même minime, serait-il insaisissable à l’égard de l’analyse des micromouvements, voire des microexpressions au sein d’un même (et seul) mouve- ment exécuté ? Deleuze tend à classer les films d’après le type d’images qui pré- domine dans le montage de chacun de ceux-ci. Pour notre part, nous aborderons sa classification sous un autre angle pour tenter de comprendre le processus de l’analyse du mouvement en com- mençant par les travaux chronophotographiques de Marey jusqu’à la capture du mouvement numérique des personnages en images de synthèse (dans le cinéma dit hybride). Nous entamerons une catégorisation de l’image-mouvement par le biais de la capture du mouvement numérique transférée sur les personnages en images de synthèse. Cette classification saura éclairer par la suite le rapport d’individuation avec certaines catégories de l’image-mouvement (particulièrement l’image-perception et l’image-affection). 1. L’agencement et l’intervalle Dans son article « Archéologie de la motion capture », Trond Lundemo (2014, 68) mentionne qu’en 1971, le chercheur en infor- matique Caus Pias explore les éléments basiques d’un bref mouve- ment à l’aide d’un ordinateur. Il analyse un plan de documentaire 160 Cinémas 28 (2-3) qui ne dépasse pas trois secondes et dans lequel le mouvement du personnage serait celui qui consiste à tirer une bouffée de ciga- rette. Pour Pias, il s’agit d’analyser les différents constituants de ce mouvement succinct. « [L]’analyse, entre autres basée sur la recon- naissance des formes et la vitesse du mouvement, aboutit à l’inévi- table conclusion selon laquelle seul [ce personnage], et seulement lui, fume une cigarette de cette manière » (68). L’idée d’une modé- lisation des mouvements, ou « d’une classification universelle des gestes au moyen du cinéma » (68) semble donc incommensurable, selon cette expérience. La singularité des actions enregistrées nous amène ici à cette appréhension deleuzienne de l’intervalle qu’il a exposée dans son deuxième ouvrage, L’image-temps (1985). Nous cherchons à comprendre, à travers cette expérience, cette appré- hension de l’intervalle, en d’autres termes, l’appréhension de ce qui est flux et de ce qui est uploads/Litterature/l-x27-image-mouvement-au-cinema-de-la-chronophotographie-a-la-performance-capture.pdf

  • 25
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager