Saint Jérôme (Stridon, Dalmatie, v. 347 - Bethléem 419/420) Saint Jérôme a lais
Saint Jérôme (Stridon, Dalmatie, v. 347 - Bethléem 419/420) Saint Jérôme a laissé derrière lui une œuvre impressionnante. Il convient réellement de parler d’œuvre car sa production fut abondante et variée – même si elle gravite essentiellement autour de la religion – et eut une influence énorme à l’époque et au-delà. Nous envisagerons dans ce chapitre la carrière de saint Jérôme jusqu’à sa rencontre avec Damase, son œuvre de traducteur de la Bible et ses écrits sur la traduction. Les années de formation D’après Prosper d’Aquitaine, Eusebius Hieronymus (qui devait devenir saint Jérôme) serait né à Stridon aux confins de la Dalmatie, les spécialistes modernes situent généralement cet événement en 347sous le règne de Constant, fils de Constantin, c’est-à-dire dans un Empire romain partagé entre les trois fils de Constantin.. La Dalmatie correspondrait en gros à l’actuelle Croatie occidentale, et la ville de Stridon fut probablement détruite en 379 lors de l’invasion des Goths ; c’est ainsi qu’il n’en reste pas de traces. Dans cette région, le christianisme était très enraciné. À partir de Constantin (305-337), l’empereur va délibérément favoriser le christianisme, de sorte que religion et État finiront par se confondre. Cette sainte union sera consacrée en 380, lorsque Théodose Ier érigera le christianisme en religion d’État. Parallèlement, on constate depuis le IIe siècle un glissement du pouvoir vers la partie orientale de l’Empire. Si Constantin transfère la capitale de Rome à Constantinople (330) pour des raisons à la fois politiques et économiques, il faut savoir que les empereurs ne résidaient plus à Rome depuis longtemps. À l’époque, le christianisme triomphe dans la totalité de l’Empire romain et les provinces occidentales, dont la Dalmatie, assistent au recul marqué du paganisme, provoqué notamment par la conversion des empereurs, depuis Constantin et ses fils jusqu’à Théodose Ier. Nous savons de Jérôme qu’il était issu d'une famille assez riche et il avoue dans une de ses lettres avoir vendu quelques propriétés foncières dans le but de faire ériger ses couvents. Toute sa vie, depuis sa plus tendre enfance, sera vouée à la défense et à la propagation de la foi catholique. Ces lettres nous fournissent de très rares renseignements sur son enfance. Elles furent écrites à ses amis et connaissances lors de sa pénitence dans le désert de Chalcis, à Rome ou pendant la dernière partie de sa vie. Ainsi, le père de Jérôme, Eusebius, chrétien, riche propriétaire terrien, fut en mesure de lui payer des études coûteuses. Après avoir fréquenté l’école de Stridon, Jérôme fut envoyé par son père à Rome à l’âge de douze ans (vers 360), pour y recevoir un enseignement de qualité. À Rome, il fréquenta l’école de Donat, le célèbre grammairien, pendant quatre ou cinq ans. Il n’est pas certain qu’il y ait appris le grec, l’étude de cette langue ayant fortement décliné en Occident depuis l’époque de Cicéron ou même de Quintilien. On estime que ce n’est que dans les années 370, lors de son séjour à Antioche, qu’il se familiarisa avec cette langue. Sous l’influence de Donat, commentateur des œuvres de Virgile et de Térence, il fit des progrès fulgurants dans la connaissance de la langue latine. Ses études comprennent les disciplines de l’époque : le trivium classique (grammaire, dialectique, rhétorique) et la philosophie. C’est probablement à l’âge de seize ans qu’il commence à fréquenter le cours de rhétorique, qui représentait à l’époque l’équivalent d’un établissement d’enseignement supérieur. La rhétorique occupe pendant sa jeunesse une place importante dans ses préférences. On peut citer par exemple le De Institutione Oratoria, où Quintilien estime qu'une traduction respectueuse du génie de la langue d'arrivée est un remarquable « exercice qui permet d’améliorer la maîtrise de la langue maternelle ». En 367, à l’âge de vingt ans, il entreprend un long voyage en Gaule, avec l’intention de faire une carrière dans l’administration à Trèves, la capitale. On y connaissait la Vie d’Antoine d’Athanase et il se peut que Jérôme ait lu cet ouvrage qui promouvait l’ascétisme et l’érémitisme. De façon plus précise, on sait que Jérôme « recopie pour son ami Rufin deux ouvrages de l’évêque Hilaire de Poitiers (qui a lui-même favorisé l’implantation du monachisme) ». Sous ces influences, la vie de Jérôme change d’orientation ; il décide de consacrer sa vie au Christ et entreprend des études théologiques. Il redescend alors vers Aquilée, où il s’intègre à un groupe de réflexion intéressé par l’ascétisme. Il y retrouve Bonose et Rufin, et fait la connaissance d’Évagre « un prêtre d’Antioche venu en Italie vers 362 ». À un moment, le groupe se disloque, attiré par l’Orient et la vie solitaire. Le séjour en Orient et les premières traductions En 374, Jérôme part pour l’Orient, sans doute avec l’aide financière de sa famille, puisqu’il y emmène sa bibliothèque. Il prend le bateau jusqu’à Athènes, puis se rend à Constantinople et traverse l’Anatolie jusqu’à Antioche, capitale de la Syrie d’alors. Séjour à Antioche À Antioche (aujourd’hui Antakya, au sud de la Turquie, près de la frontière syrienne), il est hébergé par son ami Évagre. Il y étudie le grec, la philosophie et la théologie. Jérôme a été formé par la pratique des grands auteurs latins. Dès son premier séjour à Rome, il commence à lire les auteurs romains classiques et à se constituer une bibliothèque. On sait qu’il a lu les poètes Virgile, Horace, et d’autres ; Quintilien, Sénèque, et divers historiens ; mais celui qu’il considère comme son maître en matière de style est Cicéron. Cet attrait pour la littérature païenne crée chez lui un malaise qui s’exprime dans un songe vécu à Antioche lors d’une maladie, songe dans lequel il est jugé pour ses lectures et où il entend une voix déclarer « tu es cicéronien, pas chrétien ». Cette crise entraînera un abandon de la littérature païenne qui durera plus de quinze ans. Il y reviendra pour des raisons didactiques, se rangeant aux accommodements des Pères de l’époque, qui utilisaient la littérature païenne comme propédeutique ou comme source d’éléments annonciateurs du christianisme. Le désert de Chalcis Dix-huit mois après son arrivée, il se rend dans le désert de Chalcis (dans l’actuelle Syrie, à 90 kilomètres au sud-est d’Antioche) pour vivre, comme les ermites de la région, dans une grotte, et mener une vie ascétique et solitaire. C’est là qu'il étudiera la langue hébraïque « sous la direction d’un frère converti du judaïsme »et c'est là, semble-t-il, qu'il prendra la décision de consacrer sa vie entière à l'étude. Pendant cette période de deux ans environ, il est absorbé par l’étude du grec et la lecture de la Bible. Il utilise les versions latines de l’époque, réalisées à partir de la Septante, qu’il trouve sans charme, sans élégance. C’est peut-être lors de ce séjour ou plus tard à Antioche que Jérôme aurait eu accès à un évangile qu’il appelle « selon les Hébreux » et qu’il présente comme l’original en hébreu de l’Évangile de Matthieu. Déjà pris dans les querelles théologiques qui déchirent l’Église en Orient, il sollicite l’avis du nouveau pape, Damase, qui ne lui répond pas. Puis il quitte Chalcis pour retourner à Antioche, où il se retrouve confronté aux querelles doctrinales de l’Église ; il se range du côté de l’orthodoxie et se fait ordonner prêtre par l’évêque Paulin (378 ou 379). Il assiste aux cours d’exégèse de l’évêque Apollinaire de Laodicée et commence à se livrer à des travaux d’érudition qui vont contribuer à sa réputation (par exemple un dictionnaire étymologique des noms propres de la Bible). Constantinople L’implication théologique de l’empereur, déjà apparente sous Constantin, se fait plus grande encore sous Théodose Ier le Grand (379-395), qui luttera non seulement contre les hérésies, mais aussi contre le paganisme. En 380, le christianisme devient religion d’État, ce qui est l’aboutissement de l’œuvre de Constantin qui avait instauré la liberté religieuse – et par là même favorisé le christianisme – en promulguant l’édit de Milan en 312. De 379 à 382, Jérôme est à Constantinople, où il assiste à nouveau aux débats et aux querelles qui agitent l’Église sous le règne de Théodose et qui se concrétisent par la tenue d’un nouveau concile. Mais il se préoccupe surtout d’exégèse biblique et de théologie ; il suit les cours de théologie de Grégoire de Naziance. C’est pendant ce séjour qu’il commence à traduire des textes grecs en latin : une partie de la Chronique d’Eusèbe de Césarée et quelques Homélies d’Origène. La Chronique d’Eusèbe de Césarée Le travail qu’il fit sur la Chronique est très représentatif du rôle et des formes que prit la traduction dans ce que l’on a convenu d’appeler le « Moyen-Âge », mais dont les limites incertaines plongent dans l’époque où vivait Jérôme. Le christianisme génère pendant cette période une littérature qui va supplanter en partie « la païenne » mais qui aussi, par certains aspects, la prolonge ou la préserve, du moins dans certains domaines. La Chronique d’Eusèbe est un abrégé de l’histoire des Grecs et des Barbares, qui envisageait la période allant de la naissance d’Abraham (qu’il plaçait en 2016 av. uploads/Litterature/ saint-jerome.pdf
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- Publié le Jul 01, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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