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HAL Id: hal-01226603 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01226603 Submitted on 9 Nov 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Quand la répétition se fait figure Véronique Magri-Mourgues, Alain Rabatel To cite this version: Véronique Magri-Mourgues, Alain Rabatel. Quand la répétition se fait figure. Semen - Revue de sémio-linguistique des textes et discours, Presses Universitaires de l’Université de Franche Comté (Pufc), 2014, 38, pp.7-13. ￿hal-01226603￿ Quand la répétition se fait figure Véronique MAGRI BCL, Université Nice Sophia Antipolis Alain RABATEL ICAR, Université de Lyon 1 Claude Bernard Considérée comme une faute dans l’histoire de la rhétorique1 et dans le discours des grammairiens (Frédéric 1985), la répétition est décriée comme pléonasme ou tautologie quand elle associe un caractérisant purement redondant par rapport au caractérisé et dévalorisée quand elle est vue comme source d’un effet de sens négatif, la redondance. L’approche linguistique des répétitions et reprises a depuis longtemps fait litière de ces visions partielles et réductrices (Anderson, Chauvin-Vileno et Madini 2000, Migeot & Viprey 2000, Le Bot, Schuwer et Richard 2008, Schuwer, Le Bot et Richard 2008). L’approche énonciative des répétitions s’inscrit dans ce mouvement. Dans la continuité des travaux de Bonhomme 2005 et Rabatel 2008b, l’approche énonciative et pragmatique des figures propose une analyse de la répétition qui s’éloigne de la conception référentialiste des mots et du discours et refuse de réduire les figures aux seuls tropes, considérant que la problématique des figures s’intègre dans un processus par lequel les locuteurs ou les énonciateurs ajustent leur rapport cognitif et intersubjectif aux mots, à la réalité et aux allocutaires. Telles sont quelques unes des caractéristiques du cadre théorique énonciativo- pragmatique qui, dans ce numéro, sert d’arrière-plan à une mise en ordre du fonctionnement syntaxique et sémantique des formes de la répétition. C’est ce projet qui incité les signataires de ce texte à organiser deux journées d’étude autour de la pragmatique des répétitions et de l’analyse de leur fonctionnement dans les genres2. Les échanges donnent lieu à cette première publication, centrée d’une part autour des approches textométriques de la répétition et des interprétations herméneutiques auxquelles elles peuvent servir de base, d’autre part autour des approches discursives, conversationnelles et interactionnelles permettant de dégager des effets pragmatiques. Une autre publication suivra qui s’attachera aux répétitions dans les genres, en particulier dans des textes d’ampleur ou de vastes corpus, confirmant l’hypothèse que ces derniers renouvellent l’approche de la réflexion3. Dans la constellation des mots préfixés en re-, reprise, réitération, réduplication, récurrence, reformulation, par exemple, seule une approche contrastive peut contribuer à délimiter le sens différentiel du mot répétition, tout en posant quelques critères définitionnels à même d’esquisser les contours d’une notion. La portée de la répétition permet de distinguer récurrence et répétition. La récurrence, terme favori de la statistique textuelle, s’appuie sur la notion de fréquence d’une forme, qui mesure la répétition de celle-ci dans le texte, quelle que soit sa position. La portée est indéterminée ou, à tout le moins, n’a aucune incidence sur cette évaluation. Les facteurs positionnels ne sont pas pris en compte dans le calcul de ce que les statisticiens nomment la richesse lexicale (E. Brunet) qui porte en particulier sur les mots pleins que sont les substantifs et qui augmente de manière inversement proportionnelle à la répétition, encore sentie comme indice d’un lexique pauvre et redondant. Au niveau du texte, la lexicométrie permet de déceler un leitmotiv comme retour de 1 Vaugelas, 1647, Remarques sur la langue française. 2 Ces deux journées ont eu lieu à l’Université Nice Sophia Antipolis, à l’initiative de V. Magri (BCL, UMR 7320) e d'A. Rabatel (ICAR, UMR 5191) les 5 et 6 décembre 2013. 3 V. Magri & A. Rabatel (éds), Le Discours et La Langue, 2015, à paraître. possibles thèmes concrétisés par les réseaux lexicaux, comme chez Zola. Le calcul des cooccurrences réflexives, autrement dit, les répétitions contiguës d’un terme avec lui-même, impose en revanche que soit délimitée une fenêtre de recherche, équivalant à un fragment de l’espace du texte dont l’empan reste à l’initiative du chercheur. Les linguistes s’accordent pour définir une portée réduite et plus circonscrite à la répétition ; la reconnaissance de l’identité de la forme passe par la proximité, dans l’espace du texte, des occurrences répétitives. Cependant, cette condition doit être modulée en fonction des propriétés de l’unité linguistique répétée. La rareté lexicale comme la longueur de cette unité autorisent un éloignement plus grand de l’occurrence X de sa reprise X+ 1, qui n’entravent pas la perception de la répétition. Le sentiment de répétition accompagne l’avancée du sens sous l’effet de la reconnaissance. De fait, selon l’empan choisi, intraphrastique, interphrastique ou de plus longue portée, la répétition est un facteur de structuration textuelle, que ce soit au niveau microstructural ou macrostructural (A. Mezzadri). Elle joue un rôle architectural et cohésif en établissant une hiérarchisation entre une occurrence-source et les suivantes. Chaque terme présupposant celui qui le précède, la répétition est le moteur de la dynamique textuelle (E. Richard), engagée qu’elle est dans un double mouvement, de retour en arrière vers un déjà-dit d’une part, de nouvelle impulsion qui lance un à-dire d’autre part, tandis qu’à la lecture linéaire se superpose une lecture tabulaire du texte fondée sur une logique sérielle. Ici quelque chose revient sur soi, quelque chose s'enroule sur soi, et pourtant ne se ferme pas, mais en même temps se libère par son enroulement même. (M. Heidegger, Le Principe de raison, Gallimard, 1962, p. 64) L’intentionnalité est un autre critère apte à écarter facilement la répétition qui confine à la redite fautive et à la redondance dans un sens non technique4. Ce critère évince également la réduplication de mots grammaticaux, envisagée comme la manifestation de ratages du dire dans le discours oral spontané (M.-A. Watine). C’est ce critère qui paraît essentiel pour la détermination du seuil minimal de la répétition. Ce seuil est discutable selon les genres dans lesquels la répétition se trouve réalisée d’une part, selon les propriétés de la répétition d’autre part. En poésie par exemple, genre où le poète ne peut être soupçonné d’aucune négligence ou inadvertance, la répétition fera sens dès X+1 ; dans d’autres cas, on pourra craindre une reprise de type cognitif par reprise d'un mot présent dans la mémoire courte, sans intention signifiante et c’est seulement à partir de l’occurrence X+2 que la répétition pourra alors être dite figurale. La répétition d’un segment long ou sa place à un poste-clé de la phrase peuvent suffire à justifier sa pertinence, dès X+1. Cela étant, il va de soi que c’est la prise en compte globale des répétitions qui fait sens : l’ensemble des signifiants répétés est pertinent et interprétable. La saillance enfin érige la répétition en figure du discours, en la dotant d’une plus-value stylistique dont le lecteur doit apprécier le rendement en contexte. Le caractère non aléatoire et volontaire de la répétition lui confère une pertinence, accentuée par des facteurs positionnels quelquefois qui justifient le commentaire. La rhétorique a ainsi clairement assigné des dénominations aux répétitions selon leurs places dans l’énoncé manifestant que la coémergence syntaxique est interprétable en termes figuraux (M. Bonhomme 2005) : anaphore, épiphore, antépiphore, symploque, anadiplose et concaténation font partie par exemple des figures dûment répertoriées. À l’échelle du texte, la répétition peut être envisagée comme matrice d’un discours de campagne (V. Magri) ou comme figure félonienne d'un discours qui se construit comme une boucle déroulant son premier principe et cherchant à y revenir comme à un centre attracteur (A. Mezzadri). Elle peut être aussi un marqueur stylistique, en particulier de l’oralité et de la vocalité dans des récits historiquement situés (M.-A. Watine). Les domaines d'application différents pour tel ou tel terme établissent, dans certains cas, une distribution d'emploi des termes en re- qui brouillent les essais définitionnels et sont à l’origine de chevauchements terminologiques. Donnée comme synonyme de répétition par le Trésor de la 4 La redondance grammaticale assure la cohérence du discours. Langue française, la reprise, par exemple, est un terme davantage employé en analyse de discours et en analyse conversationnelle et peu enclin à une dimension figurale. Le mot itération, quant à lui, s’avère fort proche de la répétition figurale si on l’envisage comme le résultat d’un processus d’encodage et de décodage (Rastier 1987 : 93) ; sa variante en re-, réitération, peut, elle, s'ouvrir à des réalités autres que linguistique, quand on parle par exemple de la réitération d’une situation. Le même et la variation. Même si la définition de la reformulation (Gülich 1983, Roulet 1987, Rossari, 1990, 2000, Kara, 2004, Rabatel 2008a) qui pose deux signifiants pour le même signifié paraît établir une différence avec la répétition qui associe a priori le uploads/Litterature/ semen-38-1-introduction.pdf

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