L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 4 Le sous-titrage de films Sa techniqu

L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 4 Le sous-titrage de films Sa technique – son esthétique Simon Laks L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 5 Introduction Le présent ouvrage est le fruit de longues méditations, entachées de doutes quant à l’utilité de sa publication. Car, en admettant même que ces pages contiennent des éléments nouveaux et constructifs, il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’ébranler une routine vieille de trois décennies. De plus, c’est pour nous un cas de cons- cience à l’égard de tous ceux qui, par la force des choses, sont les bénéficiaires involontaires de cette routine. Si nous avons, nonobstant nos doutes, entrepris et mené à bien la tâche que nous nous étions assignée, c’est que nous avons cru de notre devoir de rendre publiques nos considérations, quelle que soit leur valeur objective et leur effet. Ayant eu l’opportunité de manipuler force listes de sous-titres et feuilles tech- niques correspondantes et d’en voir après coup l’effet sur l’écran, nous avons été amené à constater, sans idée préconçue, qu’à côté des films – hélas ! ils ne sont pas légion – remarquablement sous-titrés au point de vue technique et littéraire, les écrans foisonnent en films dont l’adaptation va à l’encontre des lois physiques, physiologiques, psychologiques et linguistiques qui doivent assurer au public un spectacle aussi complet que possible. Bien entendu, si l’on nous répond que « cela est sans importance puisque le public s’en contente et ne proteste pas », nous ne trouvons rien à redire… sinon que nul lui a jamais demandé son avis et qu’il est d’ailleurs mis devant le fait accompli. Mais tous ceux qui pensent, comme nous-mêmes, que le rôle du sous- titrage est de traduire – dans le sens le plus large du mot – un dialogue étranger dans son acception la plus complète et que le sort d’un film peut dépendre de la qualité du sous-titrage, tous ceux-là estimeront peut-être que les pages qui suivent n’auront pas été écrites tout à fait inutilement. Bien que le sous-titrage comporte trois étapes essentielles, nous n’aborderons que les deux premières : repérage et adaptation littéraire, la troisième (titrage ou surimpression de titres) relevant presque uniquement des travaux de laboratoire étrangers à notre sujet. Toutefois, nous aurons à y recourir de temps à autre, à titre auxiliaire. Certains termes techniques n’existant pas dans le vocabulaire français du sous- titrage, nous en avons introduit quelques-uns. Ce faisant, nous ne poursuivions d’autre but que celui de simplifier notre exposé en substituant un seul vocable à un groupe de mots à caractère descriptif pouvant prêter à confusion. Nous ne L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 6 demandons pas mieux d’ailleurs que de leur voir opposer, le cas échéant, d’autres termes en vue de combler une lacune de terminologie. Les trois étapes du sous-titrage ont une telle multitude de points communs qu’il est presque impossible d’en traiter une sans se référer, çà et là, aux deux autres. D’où la nécessité de recourir fréquemment aux répétitions ou renvois à des arguments déjà exposés. Pour plus de facilité, nous avons muni d’un numéro d’ordre les alinéas qui abordent un sujet ou une idée nouvelle. *** L’importance d’un sous-titrage pour la bonne compréhension d’un film étran- ger ne peut échapper à personne. On sait que le sous-titrage consiste à traduire, aussi fidèlement que possible, un dialogue de film exprimé dans une langue plus ou moins ignorée du public. La traduction s’effectue au moyen d’une brève apparition à l’écran d’une inscription lumineuse rédigée dans la langue du pays. Pour des considérations d’ordre physiologique que nous ne pouvons appro- fondir ici, le temps de lecture visuelle d’un texte écrit est sensiblement plus long que celui de perception auditive du même texte exprimé de vive voix et débité à une cadence normale. Pour que ce temps soit égalisé et un équilibre assuré entre le dialogue et sa traduction, il convient de rendre la lecture de celle-ci moins longue. On ne peut l’obtenir que par voie de compression du texte initial qui, délesté d’une partie de ses ornements de moindre importance, se voit réduit à une plus simple expression. Il va sans dire que cette compression doit être effectuée sans le moindre préju- dice pour la clarté de l’idée centrale contenue dans le dialogue. Or, ce résultat n’est pas toujours facile à obtenir et l’on doit souvent recourir à de savants arti- fices pour y arriver. Le grand art de transposer un dialogue parlé en sous-titrage visuel consiste à exprimer le maximum d’idées dans la compression avec le maximum de naturel dans l’artifice. Nous nous proposons d’étudier les moyens d’y parvenir. L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 7 Première partie Le repérage Généralités 1. Chacune des inscriptions lumineuses destinées à traduire un dialogue parlé porte le nom de sous-titre. Le laps de temps entre son apparition et sa dispari- tion est censé permettre au spectateur de parcourir le texte qui se présente à ses yeux et d’en saisir rapidement le sens, sans pour cela perdre contact avec la scène qui se joue simultanément. Ce temps est nécessairement court, il varie de une à six secondes, en fonction de la durée du dialogue à traduire. Cette limitation résulte directement de celle de l’espace que l’on peut valablement réserver au sous-titre par rapport aux dimensions de l’image cinématographique. En effet, il s’agit de sauvegarder au maximum la valeur scénique et photographique de l’image, en réduisant la surface du sous-titre – cet authentique « intrus » de l’écran – au strict minimum nécessaire, et en le plaçant au bas de cet écran. 2. Il s’ensuit que, pour traduire la totalité des dialogues d’un film, il y a lieu de fractionner ceux-ci en une série de petites phrases et de munir chacune d’elles d’un sous-titre dont le temps de lecture n’excède pas 6 secondes. Ce fractionne- ment est une entreprise délicate et dont les phases sont subordonnées à une foule de considérations techniques, artistiques, physiologiques, linguistiques et autres. 3. Chaque sous-titre traduit au spectateur une phrase complète ou non, pro- noncée par un personnage du film. Il est souhaitable que la traduction corres- ponde exactement au fragment de texte prononcé durant l’apparition du sous- titre. Nous verrons par la suite que ce n’est pas toujours possible. Par contre, ce qui est absolument obligatoire, c’est que l’apparition du sous-titre se produise simultanément (en synchronisme) avec la première syllabe du texte parlé, et sa disparition simultanément avec la dernière syllabe du même texte. 4. Le fractionnement des dialogues en petites phrases consistera ainsi à déterminer le début et la fin de chacune de ces phrases, opération qui, à première vue, peut paraître arbitraire et plus facile qu’elle ne l’est en réalité. En effet, si le début de chaque phrase est tout trouvé, il n’en est pas de même pour la fin de cette même phrase, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’en désigner le dernier mot. Dans certains cas, celui-ci nous est imposé par des facteurs indépendants de notre volonté. Dans d’autres – et c’est ce qui arrive le plus fréquemment – c’est à nous-mêmes qu’il appartient d’en décider. C’est là précisément qu’intervient la personnalité de celui qui est appelé à en assumer la responsabilité. Et celle-ci est de taille. L’Écran traduit | Hors-série n° 1 | 2013 8 5. Nous voulons parler du repéreur, chargé du repérage du film. Par ce dernier terme, nous entendons l’ensemble des manipulations tendant à détermi- ner les fins de phrases partielles constituant les dialogues d’un film. À l’issue de ces manipulations, le dialogue se trouve « découpé » en une certaine quantité – plusieurs centaines – de phrases relativement courtes, prêtes à être converties en sous-titres. Cette dernière tâche incombe au littérateur chargé à son tour de la rédaction des sous-titres, autrement dit, de l’adaptation du film, deuxième étape du sous-titrage, la troisième et dernière étant l’impression des sous-titres sur la pellicule même. Rôle du repérage 6. Le repérage constitue la première phase du sous-titrage d’un film, la pre- mière et la plus importante, car c’est lui qui servira de base au travail du littéra- teur chargé de l’adaptation. On peut s’attendre à ce qu’un littérateur médiocre fasse une mauvaise adaptation même avec un bon repérage, mais on peut aussi affirmer qu’un excellent écrivain n’en fera jamais de bonne si le repérage a été mal fait. Pour assurer à un film un sous-titrage de qualité, il faut donc faire appel, en premier lieu, à un repéreur expert et confier ensuite la partie rédactionnelle à un homme de lettres de cinéma, le résultat final ne pouvant être que le fruit d’une étroite collaboration entre les deux. 7. Certains littérateurs-adaptateurs n’attachent pas assez d’importance au repérage en tant que stade préparatoire de leur propre tâche, considérant celui-ci comme une sorte de « préjugé ». C’est un tort, et nous entendons le démontrer. Pour l’instant, bornons-nous à déclarer qu’une adaptation en sous-titres ne doit jamais précéder le repérage du dialogue, mais toujours lui succéder. Qu’est-ce qu’un bon repérage ? Qu’est-ce qu’une bonne uploads/Litterature/ simon-laks-le-sous-titrage-de-films-sa-technique-son-esthetique.pdf

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