Marc Angenot & Régine Robin La sociologie de la littérature: un historique suiv

Marc Angenot & Régine Robin La sociologie de la littérature: un historique suivi d’une Bibliographie de la sociocritique & de la sociologie de la littérature par Marc Angenot & Janusz Przychodzeñ Discours social / Social Discourse Nouvelle série / New Series Volume IX (2002) Discours social / Social Discourse est une collection de monographies et de travaux collectifs, en français ou en anglais, relevant de la théorie du discours social et rendant compte de recherches historiques et sociologiques d’analyse du discours. Cette collection est publiée à Montréal par la CHAIRE JAMES MCGILL de langue et littérature françaises de l’Université McGill. Le présent volume est le neuvième de la deuxième série qui succède à la revue trimestrielle Discours social / Social Discourse laquelle a paru de l’hiver 1988 à l’hiver 1996. Discours social / Social Discourse est dirigé par Marc Angenot. Nouvelle série, année 2002, volume VIII : Marc Angenot & Régine Robin, La sociologie de la littérature: un historique suivi d’une Bibliographie de la sociocritique & de la sociologie de la littérature par Marc Angenot & Janusz Przychodzeñ. un volume de 96 pages (20 x 22). © Marc Angenot, Régine Robin, Janusz Przychodzeñ, 2002. Prix de vente, taxes comprises et franco de port au Canada: $ (CAD) 10.00. En Europe: € 7.00. DANS LA MÊME COLLECTION: 1. L’antimilitarisme: idéologie et utopie par Marc Angenot 2. Dialogues de sourds: doxa et coupure cognitive par Marc Angenot 3. Sociocritique et Analyse du discours. Présenté par Pascal Brissette et Paul Choinière 4. L’ennemi du peuple par Marc Angenot. 5. On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments — & autres essais par M. Angenot 6. La chute du mur de Berlin dans les idéologies. Actes du colloque de paris de mai 2001, dirigés par Régine Robin et Marc Angenot. Éd. Guillaume Pinson. 7. Écritures hors foyer, édité par P. Brissette, P. Choinière, G. Pinson, M. Prevost. 8. Marc Angenot, Interventions critiques I. La sociologie de la littérature: un historique Cette petite étude, publiée en un premier tirage, rapidement épuisé, en 1991, a été revue et corrigée par Marc Angenot en 1993-94; de nombreuses corrections et additions ont été faites alors dans le corps du texte. Une bibliographie étendue y a été adjointe. Ce tirage de 1993-94 est épuisé également. Nous nous bornons, à la demande de plusieurs étudiants et collègues, à republier telle quelle cette seconde édition. I. Préliminaires On ne peut aborder l'histoire de la sociologie de la littérature qu'en inscrivant d'emblée une série de réserves et de restrictions à l'égard de la catégorie même de «sociologie de la littérature». Il est facile de constater que cette catégorie ou cet objet sont généralement absents des manuels et dictionnaires de sociologie. Les grands penseurs classiques de la sociologie, Weber, Simmel, Pareto, Durkheim, Tarde, etc. ont consacré de nombreux travaux à la sociologie des religions, de l'éducation, des partis politiques, de l'opinion publique etc., mais peu ou pas à une sociologie de la littérature. L'étiquette 1 de «sociologue de la littérature» n'a pas été revendiquée par les fondateurs du domaine sociologique pas plus que par les critiques et penseurs, antérieurs du moins aux années 1950, dont nous allons parler. Il existe bien, depuis une quarantaine d'années au moins, une activité de sociologie empirique des institutions littéraires et éditoriales, du marché du livre, des publics, de la vie littéraire (voir les travaux de Fügen, d'Escarpit et l'École de Bordeaux, les analyses de Pierre Bourdieu et de certains de ses élèves), mais cette sociologie est loin d'épuiser et même d'aborder vraiment le domaine que se donnèrent, de Marx à Lukàcs et à Adorno, les penseurs qui sont communément appelés (par anachronisme) des «sociologues de la littérature». Quel est donc ce domaine dans son extension la plus large, à quoi répondent les tentatives les plus ambitieuses de le construire ? Il s'agit de théoriser la relation entre le texte littéraire et le social, c'est-à-dire procéder à la recherche de l'ensemble des déterminations et médiations qui rendraient compte non seulement de la production littéraire, de la réception, des fonctions sociales qu'elle remplirait, mais qui rendraient raison encore et du même mouvement de la spécificité de ces textes. Nous n'envisageons pas de dresser dans les pages qui suivent un inventaire exhaustif des grands travaux et des grands auteurs, — nous allons chercher à élaborer un cadre 2 3 problématique général où viennent s'inscrire les diverses pensées et doctrines qui ont voulu théoriser le rapport du texte littéraire et du social, en s'antagonisant, en se critiquant, en s'influençant réciproquement et aussi en important dans ce secteur de réflexion des idées et des méthodes venues d'autres horizons épistémologiques. Nous suivrons pour ce faire, grosso modo, un ordre chronologique qui a sans doute l'inconvénient de démembrer et d'éparpiller ce que nous percevons comme des logiques fondamentales; il permet cependant de mieux saisir des moments conflictuels, des étapes et des conjonctures. II. La littérature dans les historiosophies du XIX siècle e Des romantiques allemands et de Madame de Staël aux fouriéristes et saint-simoniens du «socialisme» romantique, à Auguste Comte, à Hippolyte Taine et Jean-Marie Guyau, on rencontre au siècle passé une réflexion récurrente qui se développe en des conjectures sur l’avenir des arts, des doctrines prescriptives sur la Mission de l’Art et de la Littérature, des systématisations épiques et didactiques sur les rapports entre l'œuvre artistique et la société où elle voit le jour, la nation, l'esprit du peuple, la «race», le Zeitgeist, le «moment» dans une évolution culturelle. Cette réflexion prétend souvent maintenir ou exalter certaines valeurs nationales et civiques, mettre l'œuvre littéraire en consonance avec une «âme» nationale ou «populaire» dont elle exprimerait le mystère et l'essence profonde. Ces grandes historiosophies s'orientent peu à peu vers le positivisme scientiste, déterministe, vers le darwinisme social ou vers un militantisme civique conservateur (Émile Faguet, Ferdinand Brunetière) à quoi viendront s'opposer, comme une protestation de la sensibilité esthétique, des critiques voulues éclectiques, primesautières, dilettantes, hédonistes, de Sainte-Beuve à Jules Lemaître et à Anatole France. III. Esthétiques socialistes: le paradigme de la certitude Point nodal de notre réflexion: le déploiement du grand paradigme socialiste, qui — de Proudhon à Jdanov, en passant par Marx, Plekhanov, Mehring et Lénine — traverse toute la pensée du fait littéraire comme fait social de 1848 à 1930, voire à 1950. Ce grand paradigme paraît isomorphe des philosophies de l'histoire qui scandent le XIX siècle ème «bourgeois» de Hegel à Comte, et proche à sa façon des pensées historicistes-nationales dont nous venons de faire mention. Le paradigme socialiste articule des certitudes sur les fins et le sens de l'histoire, les fonctions et le régime idéal des activités humaines en 4 rapport à ces fins, à une visée «scientifique», à la certitude que tous les faits sociaux — et partant la littérature — ont une rationalité socio-historique qu'une conceptualisation adéquate peut saisir. Il articule enfin ces éléments à un militantisme de lutte et d'émancipation qui engendre des esthétiques prescriptives, un partage évaluatif des écoles, des genres, des formes, des écritures conformes aux lois de l'évolution historique et correspondant aux besoins et au devenir de classes progressistes. Contre les fables du «génie», du «mystère» de la «création artistique», contre la fétichisation du «je ne sais quoi» qui est en fait exaltation mystifiée de l'élite et de ses goûts, ce paradigme avait pour mérite de vouloir rendre intelligibles les productions littéraires et d'en rendre raison grâce à des totalisations conceptuelles. Il y avait pourtant un danger inscrit au cœur de cette problématique, danger dont les crises, les impasses, les apories, les dogmatismes ultérieurs allaient rendre patent tout le potentiel. Un certain nombre d'axiomes plus ou moins explicites sous-tendent cette doctrine esthétique socialiste. Le réel est positivement connaissable non seulement dans son présent, mais dans les lois de son évolution à venir; cette connaissance est une, exclusive, homogène, elle peut se totaliser sans antinomies insurmontables. Dès lors, la littérature peut et doit refléter ce réel en devenir; dès lors encore, l'objet de l'esthétique est d'abord une affaire de contenu, de référence adéquate au monde dans son évolution intelligible. Ce contenu ne peut être irréductiblement ambigu, polysémique, ludique: sa fonction ultime est d'une manière ou d'une autre utilitaire, normative, instrumentale. La fonction sociale même de la littérature valable est de servir des fins de synthèse didactique et de mobilisation. Elle doit donc être directement décodable et lisible et ne peut en outre s'éloigner beaucoup de ce que l'on croit constater être le goût «spontané» des masses. Nous ne cherchons pas ici à caricaturer en ramenant à une axiomatique élémentaire les pensées à la fois complexes et variées des Marx, Plekhanov, Belinskii, Bogdanov, Trotskii, Lénine, pensées qui en posant ces déterminations fortes, concèdent volontiers ne pas être à même de pénétrer toute la complexité du texte littéraire. Nous cherchons à extrapoler de cette longue tradition une sorte de noyau cognitif irréductible à partir duquel et souvent en s'en écartant, la plupart des théoriciens, marxistes et non-marxistes, vont se déterminer. Cette pensée socialisante n'est pas, à l'origine, spécifiquement marxiste, elle ne trouve certes pas uploads/Litterature/ sociologie-de-la-litterature-angenot.pdf

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