1 Deuxième congrès de la linguistique et des langues mandés 15 au 17 septembre
1 Deuxième congrès de la linguistique et des langues mandés 15 au 17 septembre 2008, St -Petersbourg, Russie Ibrahima Sory 2 Condé, Sociologue, N’ko Lerada Membre de N’ko Doumbou (Académie N’ko) Professeur de la Grammaire N’ko et consultant international spécialiste de Soulemana Kanté et du N’ko. BP/ :1119 Conakry, Guinée Soulemana Kanté entre Linguistique et Grammaire : Cas de la langue littéraire utilisée dans les textes en N’ko 1.Introduction Le N’ko est avant tout un système d’écriture autochtone spécifiquement africain, inventé Jeudi le 14 Avril 1949 à Bingerville en Côte-d’Ivoire par l’encyclopédiste guinéen Soulemana Kanté (1922 – 1987). Originaire de la région de Kankan en Guinée, Soulemana Kanté est l’auteur de 183 livres rédigés en 38 ans (1949 – 1987). Ses travaux sont aussi divers que variés parce qu’ils couvrent plusieurs domaines de savoir. Pour cela, il en sera question plus loin. Quoi qu’il en soit, l’inventeur de ce système a eu aussi le mérite de fonder une langue littéraire et une littérature écrite en langue mandingue, utilisant les caractères N’ko (Vydrine, 2001). La langue littéraire qu’il a forgée et dans laquelle s’expriment les écrivains utilisant son système d’écriture alphabétique est une mosaïque regroupant les principaux parlers mandingues : bamanankan, maninkakan, julakan, mandingo. Ce médium linguistique, enrichi par les vocabulaires de 28 autres idiomes mandingues qu’il avait dénombrés, lui avait permis de fonder un vaste mouvement littéraire qui ne prendra de l’ampleur qu’après la divulgation progressive de ses travaux après sa mort. Cette langue littéraire basée essentiellement sur les genres littéraires mandingues, comme nous avons pu les déceler dans ses écrits, est considérée par lui et ses héritiers intellectuels comme la langue standard du groupe linguistique mandingue (Vydrine, 1996). Ce N’ko standard se démarque nettement de la tradition linguistique de l’école occidentale, non seulement par la qualité et l’abondance des œuvres produites, mais aussi par l’attitude des populations concernées. En effet, le mouvement N’ko considère les parlers mandingues comme dialectes d’une même langue standard nommée N’ko, alors que tous les instituts nationaux de linguistique appliquée d’obédience occidentale ont choisi les divergences dialectales : c’est à dire standardiser le bamanankan au Mali, le maninkakan en Guinée, le julakan en Côte-d’Ivoire et ceux, malgré toutes les tentatives d’harmonisation en cours (Koba, 1999). Le fait d’avoir réussi une seule et unique forme standard dans laquelle toutes les communautés mandingues se reconnaissent expliquerait en partie l’une des raisons de la popularité de la littérature N’ko auprès des populations mandingues d’Afrique occidentale (Diané, 1998 : communication personnelle.). Plus d’un demi-siècle après la naissance d’une langue littéraire en N’ko, on y dénombre une abondance des œuvres produites par divers écrivains ouest-africains. Quelle est la genèse du N’ko ? Comment Soulemana Kanté a t’il forgé sa langue littéraire ? Comment se présente la Grammaire N’ko élaborée par Soulemana Kanté ? Les réponses à ces trois questions nous serviront de guide d’analyse. 2 2. La Genèse du N’ko : Cette genèse est liée à la biographie du fondateur du N’ko, non seulement par le fait que Soulemana Kanté est une personnalité d’envergure, mais aussi par le fait que cette biographie a beaucoup d’influence sur la langue littéraire qu’il a créée. 2.1. Le Fondateur : Soulemana Kanté (Kankan Soumankoyi, 1922 – Conakry, 1987) Le fondateur de la langue littéraire et de la littérature en N’ko est issu d’une famille de marabouts habitant le village de Kolonin Soumankoyi, localité située à 14 km au nord-ouest de la ville de Kankan en Haute-Guinée. Cette famille était établie dans le Batè à la fin du XIX siècle. Amara Kanté, le père de Soulemana Kanté, se fixa à Kölönin en 1921, lieu où un an plus tard Soulemana Kanté verra le jour (Oyler, 1995). A l’école coranique d’Amara Kanté, qui était très florissante dans les années 1920 et 1930, le jeune Soulemana Kanté apprit le Coran ; en plus, il a la chance de comprendre plusieurs dialectes mandingues. En effet, de nombreux apprenants de cette école s’exprimaient à travers différents parlers mandingues. Des centaines de talibés de ce centre d’études islamiques étaient originaires de plusieurs contrées de l’Ouest africain. Ayant grandi dans ce milieu multidialectal et hétérogène, on comprend facilement comment les textes de Soulemana Kanté constituent une sorte de compendium hétéroclite des parlers mandingues. Bien évidemment, ce n’est pas la seule explication et le fait d’avoir séjourné longtemps en Côte-d’Ivoire et d’avoir vécu au Mali ont certainement approfondi ses connaissances en julakan et en bamanankan. Et toutes ses publications en N’ko en marquent la trace. Le fondateur du N’ko ne sera pas rapidement en contact avec le monde blanc. Et, dans sa lettre destinée au linguiste africaniste français Maurice Houis, publiée in Mande Studies, Vol. 3 par un linguiste russe Valentin Vydrine, il affirmait avoir vu pour la première fois un Blanc quand il n’avait que douze ans ; ce qui se situerait en 1934. En 1941, la mort subite d’Amara Kanté produisit un changement profond dans la vie du jeune adolescent : il quitta le domicile paternel, séjourna à Kouroussa, puis à Balandougou, porte d’entrée du Wasulu. Dans cette localité, il vit un livre d’histoire du Wasulu chez son oncle Djibrila Diallo. Ce manuscrit aurait été conjointement rédigé en maninka en caractère arabe par Ary Soulé, le grand-père de Soulemana Kanté et le père de Djibrila Diallo. Cette découverte permit néanmoins au futur fondateur de N’ko de connaître que les tentatives de transcription du Maninka étaient bien réelles et qu’elles constituaient une préoccupation fondamentale de certains lettrés de la région de Kankan. Malgré ses connaissances pourtant bien attestées en arabe, il n’arriva pas à lire ces textes sur l’histoire du Wasulu (Kanté, 2004). Trois ans après le décès de son père, Kanté acheta une revue libanaise à Bouaké en Côte d’Ivoire. Il a lu dans cette revue un article intitulée Nahnou fî Ifrikiya « Nous sommes en Afrique » par Kamal Marwa, un ethnologue libanais qui dressait la monographie des pays de l’Afrique de l’Ouest où résidaient des communautés libano-syriennes. En le lisant, Kanté découvre la problématique de l’écriture dans les cultures africaines, « vouées à l’oralité » ; l’auteur félicite les Vaï du Libéria pour avoir inventé une écriture, quoique complexe et imparfaite (Oyler, 1995). C’est après la lecture de cet article que Kanté commença à transcrire le maninka, sa langue maternelle, en utilisant l’écriture arabe. Parallèlement à ses recherches, il faisait du commerce et voyageait beaucoup en Côte-d’Ivoire et dans les territoires voisins anglophones (Liberia, Gold Coast). En 1947, Soulemana Kanté se rendit au Gold Coast (l’actuel Ghana) et découvrit des transcriptions de la Bible dans les langues de ce pays à travers les caractères latins. Ayant trouvé assez d’insuffisances dans les transcriptions arabes du mandingue (l’arabe a trois 3 voyelles, alors que le mandingue en a besoin de neuf), il abandonna l’écriture arabe au profit de latine. L’abandon de l’arabe par l’inventeur du N’ko n’est pas dû seulement aux imperfections de cette écriture dans la transcription du mandingue, elle pourrait aussi s’expliquer par les difficultés liées à l’impression et à la diffusion des livres. Dans une interview que le fondateur du N’ko avait accordé aux journalistes en 1969, interview dont la traduction est publiée en 2004 en N’ko, Kanté dit : Comme le mandingue a besoin de trois voyelles arabes (a, i et ou) et de quatre autres voyelles manquantes, j’ai complété les trois voyelles arabes à sept voyelles ; après, j’ai ajouté des points à certaines consonnes pour pouvoir transcrire les sons (gba, tcha, pa), absentes de l’alphabet arabe. A l’aide de ce dispositif scripturaire, j’ai pu rédiger quelques poèmes, des proverbes, des devinettes sans oublier la traduction de certains versets coraniques dans nos langues. J’ai fait un premier tome que j’ai envoyé à Roudossi Kadour à Alger pour impression. Ce dernier me retourna mon manuscrit en me disant qu’il ne possède pas de caractères d’imprimerie pour mes nouvelles voyelles et consonnes. Il estima qu’il peut l’imprimer malgré tous ces obstacles à condition de prendre le soin de reprendre soigneusement mon manuscrit en recopiant sur une feuille très blanche en utilisant une encre très noire, avec les lignes très droites et les bordures des feuilles bien alignées. Il photocopierait et multiplierait ce manuscrit. Cependant, vu les difficultés liées à cette forme de publication, il ajouta qu’on devait publier au minimum 3000 exemplaires alors que j’avais besoin d’un tirage à 1000 exemplaires. J’ai finalement compris qu’au-delà des frais d’imprimerie exorbitants, les lettrées en arabe à qui j’ai montré mon manuscrit me dirent que j’ai compliqué un système d’écriture déjà compliqué ; des illettrés me dirent que j’ai surchargé l’écriture arabe qui est déjà surchargée de diacritiques. J’ai compris que je ne devrais pas engager tout mon argent pour assurer les frais d’imprimerie d’un document que le lectorat n’apprécierait pas >> (Kanté 2004). Quoiqu’il en soit, Kanté s’est détourné de l’écriture arabe pour transcrire le mandingue en caractères latins. Ce système roman plut à Kanté à cause de sa simplicité par rapport à l’arabe. S’il n’eut aucun problème à déterminer les lettres de sa langue en latin, il se uploads/Litterature/ soulemana-kante-n-x27-ko.pdf
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- Publié le Sep 03, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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