Gilles Archambault proses Stupeurs et autres écrits Les Éditions du Boréal 4447
Gilles Archambault proses Stupeurs et autres écrits Les Éditions du Boréal 4447, rue Saint-Denis Montréal (Québec) H2J 2L2 www.editionsboreal.qc.ca STUPEURS ET AUTRES ÉCRITS DU MÊME AUTEUR AUX ÉDITIONS DU BORÉAL ROMANS À voix basse Les Choses d’un jour Courir à sa perte La Fleur aux dents La Fuite immobile Les Maladresses du cœur Parlons de moi Les Pins parasols Les Rives prochaines Le Tendre Matin La Vie à trois Le Voyageur distrait Un homme plein d’enfance NOUVELLES Comme une panthère noire De si douces dérives Enfances lointaines L’Obsédante Obèse et autres agressions L’Ombre légère Tu ne me dis jamais que je suis belle RÉCIT Un après-midi de septembre CHRONIQUES Chroniques matinales Dernières Chroniques matinales Nouvelles Chroniques matinales Les Plaisirs de la mélancolie Le Regard oblique CHEZ D’AUTRES ÉDITEURS Le Tricycle suivi de Bud Cole Blues, textes dramatiques Une suprême discrétion, roman Gilles Archambault STUPEURS ET AUTRES ÉCRITS Boréal Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour ses activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier. Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec. Couverture: François-Xavier Marange, Toujours demain I, 2002, Galerie Eric Devlin. © Les Éditions du Boréal 2007 Dépôt légal: 3e trimestre 2007 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Diffusion au Canada: Dimedia Diffusion et distribution en Europe: Volumen Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Archambault, Gilles, 1933- Stupeurs et autres écrits (Boréal compact; 190) Éd. originale: [Montréal]: Éditions du Sentier, 1979. isbn 978-2-7646-0543-1 I. Titre. ps8501.r35s78 2007 c848’.5408 c2007-941685-3 ps9501.r35s78 2007 Stupeurs Je suis persuadé qu’on rencontre sa mort durant la vie. Mais on ne la reconnaît pas. À peine risque-t-on d’en sentir le frisson. Souvent dans le regard d’autrui. GEORGES PERROS Râles N’entendez-vous jamais ces respirations haletantes, ces râles, lorsque vous marchez dans la rue? Sans doute êtes-vous trop occupé pour perce- voir les plaintes des hommes qui s’enlisent dans la douleur. En m’y efforçant, je le confesse, j’entends à peine les cris exaspérés de quelque nouveau-né. Dites, qui pourra frémir à l’écoute de mon hésitant murmure? 11 Méprise Un homme est entré chez vous sans s’an- noncer. Pourquoi aurait-il frappé? Il suffisait de tour- ner la clef dans la serrure. Ayant embrassé votre femme et caressé vos enfants, il vous a sommé de vous asseoir à la fenêtre. Bientôt viendra le temps où vous deviendrez une ombre. La porte s’ouvre. 12 Gens bien-portants Enfin, le troisième palier. S’arrêter pour souffler un peu. Murs lézardés. De l’étage supérieur lui parvient un air doucereux. L’ami qui chantait et dont les yeux s’animaient pour un rien. Combien de marches encore? Et puisqu’il est question de bon- heur, d’exubérance même, pourquoi ne rencontre- rait-elle pas une jeune femme épanouie tenant par la main une ravissante petite fille? Haine. 13 Père Père, tu te souviens de cette peur que tu lisais dans mes yeux? Peut-être en étais-tu toi-même effaré. Comment expliquer autrement tes colères subites? Maintenant que ton corps ne s’épuise plus en des luttes toujours plus vaines, que je peux pro- noncer ton nom sans craindre que tu n’apparaisses soudainement, permets que je te parle à voix basse d’une paix à toi aussi inconnue. Nous n’étions pas faits pour la sérénité, père, mais nous l’ignorions, occupés que nous étions à nous épier. 14 Mendiants Ils nous tendent la main avec des regards parfois implorants. En échange de la moindre pièce, ils affirmeraient que la vie est bonne à vivre, que l’éternité la couronnera, que nous méritons cette féli- cité. Nous les croyons sur parole, voulant fuir au plus tôt leur servilité. Qu’il était doux le temps des bri- gants sanguinaires qui vous égorgeaient pour un liard! 15 Interrogatoire P ourquoi tes yeux me suivent-ils sans relâche? Aurais-je ajouté aux déceptions que tu as accumulées? Depuis quand ai-je cessé d’être pour toi le consolateur? Les vieillards que nous sommes ont- ils encore le loisir de songer à ce qui aurait pu être? Je te laisse les regrets, amie, j’ai toujours su que la tié- deur seule nous convenait. Et toi? 16 L’amie Aucune parole ne m’émouvait autant que le récit de ton enfance. Toutes ces questions que je te posais pour mieux t’imaginer en robe blanche, le regard apeuré. Maintenant, c’est à peine si je retiens ton nom. Les jours de grande paix, ton sourire se des- sine dans mon souvenir. Pourtant je poursuis, inlas- sable, une conversation avec toi. J’entremêle tant de rêves. Qui parle, est-ce toi, est-ce moi ou quelqu’un d’autre qui me répète sans cesse que nous devions mourir ensemble? 17 Clarté Seul. Ne plus avoir à camoufler ma séré- nité devant des angoissés qui me harcèlent de leur besoin de promiscuité. Jouir jusqu’à ma mort de cet instant de vide absolu. 18 Projets T rois amis très chers ont la témérité de parler d’avenir. Écoutez-les évoquer leurs espoirs rai- sonnables, presque dérisoires dans ce monde de gran- dioses réalisations. Autour d’eux, ne se livre-t-on pas à de vastes entreprises dont peu de contemporains ver- ront la fin? S’ils sont si tristes au terme de cette après- midi exaltante, n’est-ce pas parce qu’ils savent que trop d’années les séparent et que la mort ne les guette pas avec la même intensité? Pourtant leur cadet a par- fois d’étranges étourdissements. 19 La joie V ous souvenez-vous, mère, comme nous étions heureux? Vos frères chantaient, les rires de vos sœurs couvraient les clameurs de votre mari. Nous, les enfants, n’avions d’yeux que pour le bonheur. Peut-être n’avions-nous pas raison de croire à tant de joie. Pourquoi la maison délabrée sous les arbres aurait-elle échappé à l’ennui et à la méchanceté? 20 Promesses Nous nous étions promis une amitié indéfectible. Toujours nous nous souviendrions du désarroi de l’autre. Désormais je ne compte plus que sur le temps qui gomme tout. Parfois je me souviens de ces premiers tressaillements qui nous rendaient si émouvants. 21 Les vieux Un jour, il faudra bien que je me joigne à vous, pauvres vieillards. J’espère pouvoir encore vous trouver pitoyables. Gardez votre prétendue sagesse, vos ridicules assurances. Mes joues parcheminées, ma bouche édentée, non, je ne les exhiberai pas devant d’indécentes jeunes personnes qui n’auront même pas honte de leur éclatante beauté. 22 Bientôt Bientôt, tu atteindras cet âge qu’elle avait à sa mort. Petit à petit, tu t’adresseras à elle comme à une cadette. Tu la ménageras sans aucun doute, te retenant de l’informer de tes états d’âme. Elle ne sera pas morte pour apprendre les détails de ta profonde désintégration. 23 Échec Lorsque l’émerveillement de l’aube devint de plus en plus éphémère, il s’installa dans l’idée de la mort et vécut son angoisse avec une inquiète volupté. Ne lui manqua plus que le sentiment d’être tout à fait pathétique. 24 Foules Leurs mains se joignent avec frénésie. Pourvu qu’on ne leur donne pas d’armes. Ils crient leur enthousiasme. Pourvu qu’on ne leur rappelle pas les chants guerriers de leurs pères. Leur visage s’illu- mine aux chants d’amour. Pourvu qu’ils continuent d’oublier leur détresse. 25 Labyrinthe Ne me suis pas dans cette noirceur. Vois- tu encore ces lueurs que je percevais jadis? N’ayant même plus le souvenir de l’espoir, je touche ces murs froids et crayeux. Au loin m’apparaît le trou béant de notre amour. 26 Amours Des clochards, il en avait vu partout. D’où venait qu’il fût si bouleversé de croiser ce couple qui arpentait le boulevard, en chantant? N’était- ce vraiment que parce que l’homme enserrait la femme? Comme s’il avait été interdit à une loque avi- née de suivre pour une fois la loi commune et de dire: «je t’aime». 27 Le passé Quand bien même tu reprendrais, ins- tant après instant, les moindres événements de ta vie, croyant t’arrêter de vivre, et qu’ainsi soit suspendue la course folle, non, jamais tu ne parviendras à connaître l’immense espoir qui te visita, un soir de décembre. Les femmes que tu as cru aimer (mais que sont ces vieilles édentées qui s’esclaffent en te voyant passer?) ne sont plus qu’une adolescente perverse qui soulève ses jupes et donne le bras à un danseur de tango. 28 Le vieux couple Ce n’est pas à nous, ma douce, que l’on dira que la vie n’est ni absurde ni pathétique. Nous sommes-nous assez querellés? Comme si nous avions aimé par-dessus tout les retrouvailles. Quand nous saurons que l’heure est venue, nous devrions choisir de périr ensemble en ultime hommage à la pitoyable fête à laquelle nous avons convié nos enfants. 29 Solitude V int un moment où il cessa de croire à sa seule solitude. Méritaient-ils tant d’hostilité, ceux qui, dissimulant leur désarroi, affirmaient vivre de beaux jours? Était-ce vraiment leur faute si l’angoisse en eux prenait la forme du sourire? 30 Le refuge T u pourrais te laisser uploads/Litterature/ stupeurs-et-autres-ecrits-gilles-archambault.pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 1.0836MB