Joseph Sumpf M. Jean Dubois Problèmes de l'analyse du discours In: Langages, 4e

Joseph Sumpf M. Jean Dubois Problèmes de l'analyse du discours In: Langages, 4e année, n°13, 1969. pp. 3-7. Citer ce document / Cite this document : Sumpf Joseph, Dubois Jean. Problèmes de l'analyse du discours. In: Langages, 4e année, n°13, 1969. pp. 3-7. doi : 10.3406/lgge.1969.2506 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1969_num_4_13_2506 J. SUMPF.ET J. DUBOIS Paris FACULTÉ des LETTRES t SCIENCE3 HUMAINES (Sorbonne) LABORATO/RE de PSYCHOLOGIE GÉNÉRALE Salle 208 28, rue Serpente, PARIS (V PROBLÈMES DE L'ANALYSE DU DISCOURS 1. La phrase et le discours. 1.1. La linguistique se donne comme obj et l'établissement d'une grammaire pour une langue donnée. La phrase, phrase élémentaire ou phrase- noyau, est la forme de base à partir «de laquelle, utilisant diverses procé dures, le linguiste établira l'ensemble des règles définissant une grammaire. Mais la phrase élémentaire peut être le résultat d'une combinaison d'unités fondamentales, d'atomes irréductibles; elle est alors définie par des règles de combinaison, de concaténation d'éléments constituants qui sont les unités de la langue (les morphèmes). Elle peut être elle-même l'unité fondament ale de la langue, une concaténation de symboles abstraits, à partir de laquelle on générera, par des règles définies comme une succession d'opéra tions (transformations), l'ensemble des phrases possibles dans une langue. Mais qu'elle soit un point d'arrivée ou un point de départ, la phrase est une unité théorique, proche de la proposition logique : les réalisations diverses renvoient soit à des règles particulières régissant des séquences de phrases, soit à des facteurs multiples dépendant du sujet psychologique ou de l'environnement. 1.2. La séquence des phrases constitue l'énoncé qui devient discours lorsque l'on peut formuler des règles d'enchaînement des suites de phrases. Certes, si l'on borne la linguistique à la phrase, on renverra les règles du dis cours à d'autres modèles et à d'autres méthodes, en particulier au sujet parlant et à la psychologie; mais si l'on considère que la linguistique doit rendre compte des énoncés produits et/ ou productibles, il convient de défi nir des enchaînements selon les méthodes et les principes qui ont présidé à l'établissement des règles de la phrase. Deux types principaux d'analyse sont concevables : si l'on part du discours comme une suite de phrases, les règles seront celles d'une combinatoire de même nature que celle qui permet l'établissement d'une grammaire distributionnelle; les récurrences consta tées fondent les classes de phrases et les règles de succession (Z. Harris). Si l'on part du discours comme le résultat de transformations opérées sur des phrases de la structure profonde sous-jacente et dont la nature dépend des marqueurs qui les définissent, le discours présuppose une logique des enchaînements (modèle de compétence), mais s'en distingue puisqu'il dépend dans sa réalisation des facteurs divers qui entrent dans le modèle de per formance. 1.3. Ce sont ces discours, ces enchaînements que les sciences humaines, comme la sociologie et l'histoire, prennent pour données et qu'elles consi dèrent comme plus ou moins homologues ou isomorphes des ensembles qui constituent leur objet propre, réduisant à l'analogie la relation entre deux topologies. Elles présupposent donc une logique des enchaînements et un logos, un discours, lorsqu'elles parlent de la « culture de X », ou de « la pensée de Y ». Le passage du logos à la logique des enchaînements est constant lorsque les sciences humaines font du texte à la fois le donné, l'expression et la preuve. 1.4. Cette logique des enchaînements, qui sous-tend tout texte se dis tingue donc de la signification de l'énoncé : ce n'est pas le moindre mérite de l'école bloomfieldienne que d'avoir refusé cette confusion. Constatant que le sens dans la conception classique relève d'une infinité des facteurs qui entrent dans ce que l'on nommera après elle la « performance » et qu'il est en quelque sorte inaccessible, elle le rejettera de son champ d'analyse, sans exclure la possibilité d'une sémantique correctement fon dée; mais les bloom fieldiens n'expulsent pas pour autant la logique de l'enchaînement. 1.5. Lorsque l'on parle du « sens d'un texte », on se place dans le modèle de communication; en effet, on détermine le sens en deux points. On le trouve dans l'idée de finalité, celle-ci s'accomplissant dans le point de vue du récepteur (lecteur ou auditeur). On se fonde alors sur l'opposition de l'avant et de l'après : le récepteur a accès au sens parce qu'il vient après le locuteur (ou l'écrivain); il a en main tout ce qu'a produit la source qui ne se réduit pas au sujet parlant, mais qui implique toutes les instances qui concourrent au sens, les institutions, les circonstances qui relèvent du texte et du locuteur, etc. On le trouve aussi dans l'idée d'un sens immanent au texte, la source trouvant son expression dans le texte et celle-ci faisant apparaître le « sens ». Dans le premier cas, cette analyse de la signification débouche soit vers une sémiologie générale, qui assumerait la totalité de ce qui fonde le sens d'un texte (institutions, circonstances, etc.), soit vers les formes diverses du tableautage (mapping) dont l'analyse componen- tielle (analyse en traits distinctifs ou sèmes) et celle de R. Jakobson faisant prévaloir les deux pôles syntagmatique et paradigmatique (métonymie et métaphore) donnent des exemples (v. T. Todorov, « Recherches sémantiques » Langages, I, ). Dans le deuxième cas, on établit certains éléments du texte comme des noeuds particulièrement significatifs. Deux concepts ont alors joué un rôle important, ceux d'embrayeur et de connotation. Ils impliquent une relation mise entre le donné référé et le discours : d'abord limitée à la double série des pronoms personnels et des démonstratifs, comme articulant le texte soit vers la source (le « je »), soit le vers le monde (le « il »), la notion d'embrayeur a été étendue à l'opposition aspectuelle (accompli : non- accompli) et aux temps (énoncé direct : énoncé rapporté : énoncé histo rique); elle débouche alors sur le concept de modalisation, tel qu'on le trouve chez U. "Weinreich. Des indices comme les adverbes, les temps, les pro noms, etc., indiquent une relation constante entre la source (le sujet d'énon- ciation) et le discours. La connotation implique quant à elle l'incidence dans le discours du sujet parlant comme producteur spécifique d'un énoncé. On peut ajouter un troisième nœud significatif immanent au texte : la rhéto rique, comme catégorisation des discours, comme règles des enchaînements discursifs. Dans les deux cas on ne distingue pas le modèle de compétence du modèle de performance, puisque Ton suppose que l'accès au sens nous est donné directement du seul fait que l'on pourrait avoir accès à la source : mais est-il vraiment possible d'envisager la définition de cette source (quelles composantes? quelle en est la hiérarchisation?); ou de croire qu'on pourrait accéder à la totalité de la communication (Bar-Hillel doutait qu'on pût jamais l'atteindre). Dans les deux cas on ne se pose pas non plus la question de la pertinence du modèle pour l'objet qu'on se propose. Le résultat en est un passage continu de la critique littéraire à l'analyse et du thème à l'énoncé. 1.6. Si Z. Harris, dont l'apport méthodologique est considérable, constate ces ambiguïtés, il les laisse en suspens. Le discours, dit-il, est un ensemble culturel; il renvoie à des données qui ne sont pas la linguistique. Celles-ci s'ajoutent à celles que cette dernière, limitée à la grammaire peut fournir. Il établit donc comme une évidence, non explicitée, l'existence de relations entre le comportement culturel et le discours, mais ne précise pas la nature de ces relations présentées par lui comme essentielles. C'est d'une autre manière redéfinir le concept de connotation. L'originalité de Harris se manifeste en revanche lorsqu'il définit le discours comme un « exemple » de la grammaire, au sens où on situe la relation entre une classe, un type et un membre de cette classe, un exemple, une instance (token). Cette relation explicite permet à Z. Harris une double démarche, l'une qui implique une définition pour le discours des concepts d' « univers », de « corpus », et l'autre qui y introduit le concept de trans formation. Celle-ci est envisagée comme la procédure permettant la réduc tion de phrases multiples à des schemes moins nombreux, ces opérations étant justifiées par les règles de grammaire. Mais la notion de transforma tion est envisagée comme méthologique, opératoire; elle n'est pas identi fiable aux transformations qui définiront les séquences des phrases. Harris considère que le discours est une combinaison de phrases, une suite linéaire, et qu'il relève de l'analyse distributionnelle. 2. Univers, ensemble et corpus. 2.1. L'univers, pris dans son sens mathématique, se définit comme un ensemble d'objets; les deux termes d'univers et d'ensemble ne sont donc pas synonymes. Le premier implique seulement l'existence des objets, tandis que le second implique de surcroît un attribut supplémentaire. La question est alors de savoir en quoi consistent ces objets. Les discours sont des énonc és, des expressions, des exemples d'une langue, d'un dialecte, d'un style et ils ont été prononcés par un locuteur. Autrement dit, si l'on définit « l'univers » par la proposition « il y a des objets observables », l'univers de discours sera défini par la uploads/Litterature/ sumpf-joseph-dubois-jean-problemes-de-l-x27-analyse-du-discours-in-langages-4e-annee-n013-1969-pp-3-7.pdf

  • 12
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager