- 76 - 6 – Les gallinacés ♦ Sources littéraires et symbolique Isidore met l’acc

- 76 - 6 – Les gallinacés ♦ Sources littéraires et symbolique Isidore met l’accent sur le fait que le coq est le seul oiseau qui se castre, assimilant donc coq et chapon. Pourtant, les auteurs antiques et les traditions du moyen orient, voient plutôt dans les gallinacés, des animaux prolifiques, lascifs et luxurieux. L’autre caractéristique du coq est son chant qui servait de références horaires. Un bon exemple provient du Nouveau Testament “avant que le coq n’ait chanté, tu m’auras renié trois fois” (Mathieu 26-34, Luc 22-34, Jean 13-35). Le coq, fait office en quelque sorte de réveil. Job remarque cette capacité à annoncer la venue du jour (Job 38-36), grâce à la sagesse de Dieu, le créateur. Les écrivains chrétiens saluent le rôle du coq, messager du jour, de la lumière, symbole du Christ, alors que la nuit s’allie au domaine du démon et du péché. Le coq convoque ainsi les fidèles à la prière et à rendre grâce, ce dont témoignent les premières girouettes d’églises apparues au IXe siècle. Animal batailleur, le coq a l’allure noble et orgueilleuse, comme le signale le Livre des Proverbes. De même, la poule défend sa couvée avec véhémence. Les chrétiens, tels des poussins, doivent chercher la protection du Christ (Mathieu 23-37, Luc 13-34) selon ses propres instructions. Les prédicateurs se plaisent à évoquer cette image au Moyen Age. Isidore mentionne une étrange manipulation : la chair des gallinacés “mélangée à l’or en fusion est absorbée”. Il s’agirait ici d’une citation mal comprise puisée chez Pline qui prétend, au contraire, que cette viande absorbe l’or. Peut-être, est-ce une tentative d’expliquer la couleur jaune des graisses ou la formation du jaune de l’œuf. Les latins racontaient déjà la fable de la poule aux œufs d’or pour stigmatiser la cupidité. ♦ Les volailles en Gascogne Parmi les mentions se rapportant aux volailles, les gallinacés sont presque les seuls cités. A Madiran et à Saint-Mont on impose la majeure partie des tenanciers d’un cens, comprenant en particulier une poule. Les actes du cartulaire de Bigorre concernent les casaux de divers villages comme Ibos, Vic-Bigorre, les vallées de Lavedan et d’Aure. Les redevances réclament dans leur majorité avoine, agneau et une poule. A Sorde, les situations sont diverses. Le cens de la ville de Sainte-Suzanne (acte 148) exige de l’argent, des céréales et quelques poules pour chaque casal, alors que dans le reste des villages où la taxe se paie entièrement en nature, à Saint-Criq par exemple, l’abbaye prélève le lourd tribut d’un porc, accompagné d’une seule poule. Les actes 183 et 152 précisent que cette poule doit être donnée à Noël, comme dans le cartulaire de Bigorre. - 77 - Photo 25 : Saint-Bertrand de Comminges ; cloître Coqs affrontés Photo 26 : Cathédrale Sainte-Marie d’Oloron détail du portail Saignée d’une volaille, partage d’un fromage - 78 - On peut se demander pourquoi des impositions de gallinacés sont en nombre si restreint, alors qu’il semblerait aisé de se faire livrer de la volaille assez fréquemment. On peut penser que la volaille dont la consommation est immédiate intéresse moins les seigneurs que la viande de porc, objet d’une intense activité commerciale et qui peut être conservée salée ou séchée. L’acte 8 de Sorde, rédigé entre 1105 et 1119 et confirmé par l’acte 54, précise que le “patron” d’une église n’oublie cependant pas de prélever dîme et prémices, sous forme d’œufs et de poules. Les fouilles archéologiques ne révèlent que peu de traces. Madame Mussot- Goulard signale quelques coquilles de petits œufs, des os de volatiles plutôt rares. Pourtant, il ne faut pas en déduire que les volailles aient été absentes de l’alimentation humaine, car les chiens ont facilement dévoré ces restes fragiles. Au portail d’Oloron, le sculpteur représente un cuisinier qui vient de procéder à la saignée d’une volaille avec le sang recueilli dans une assiette. (photo 26) Au sujet de la conformation de ces animaux, nous pouvons penser que certains coqs sont des volailles lourdes, si l’on se réfère à la partie “coq” du basilic de la Sauve majeure. A Saint-Bertrand de Comminges où deux coqs affrontés arment un chapiteau (photo 25), le sculpteur a finement travaillé le dessin des plumes et les animaux se font face dans une posture d’intimidation, la queue dressée, la tête au sol. Ces volatiles ont un corps relativement allongé, des pattes courtes à l’ergot saillant, une forte crête et des barbillons proéminents. A Jugazan, selon un dessin assez fruste, une guirlande de poules, au corps maigre et très allongé, décore le portail. Certains autres artistes figurent les volailles dans de plus malheureuses circonstances. Ainsi, à Saint-Pierre du Mont, un renard tient, dans sa gueule, le cadavre d’un gallinacé. Le symbolisme du coq semble donc s’être appauvri en Gascogne. Rabaissé à un rôle subalterne de volaille, de proie, de volatile batailleur, il n’est même pas un animal de ferme de premier plan. On cite encore moins les autres volailles. Toutefois, les oies figurent parmi les provisions de l’hôpital de Sorde (acte 140, 1178). A Corneilhan, le règlement oblige les habitants à clore leurs jardins de bonnes haies qu’une oie ne doit pas pouvoir traverser. Le droit de “carnal” autorise le paysan à la tuer, si elle réussit à s’introduire dans ses parcelles. Le portail de Jugazan semble conserver les restes d’une frise avec des canards. Les anatidés, bien que rares, sont pourtant connus des artistes : le Béatus de Saint-Sever présente un cygne, à terre, très précisément dessiné avec tous les détails exacts de son anatomie. La relative rareté de leur élevage doit donc expliquer celle de leurs représentations. - 79 - 7 – Les abeilles ♦ Sources littéraires et symbolique de l’abeille Saint-Isidore classe l’abeille parmi “les petits animaux ailés”. Le fait de naître sans pattes, lui fait proposer une étymologie qui aurait pu la rapprocher de la catégorie des vers, car “c’est en effet plus tard, qu’elles reçoivent pattes et ailes” ; Leur reproduction est donc mal comprise. Virgile et tous les auteurs antiques pensent qu’elles sont gouvernées par un roi unique, qui élimine ses rivaux. (45, livre IV vers 197, 205) “Les enfants sont nombreux cependant, ô, merveille l’hymen est inconnu de la prodigue abeille. Ignorant ses plaisirs ainsi que ses douleurs, elle adopte des vers éclos au sein des fleurs, de jeunes citoyens, repeuple son empire”. A celui qui désire un essaim au printemps, Virgile et Isidore préconisent avec assurance, l’étrange sacrifice d’un jeune taureau d’où naissent “par fermentation” des abeilles. L’abeille produit cire et miel dont la douceur est proverbiale dans la Bible (Ezéchiel 2-8 et 3-3). Les Géorgiques procurent de judicieux conseils afin d’optimiser la production, tout en ménageant les réserves à l’essaim. Le Physiologus considère l’abeille comme un symbole du Christ-roi qui concède aux justes “la récompense du miel avec la douceur éternelle et aux damnés le châtiment de son dard acéré”. L’abeille a en effet, la réputation d’un animal intrépide et même dangereux. Ainsi, voit-on, dans l’Ancien Testament, les ennemis d’Israël comparés à un essaim (Deut 1-44). Mais les abeilles sont aussi des insectes sociaux. Virgile loue leur organisation, distinguant les différentes tâches – soins de la ruche, garde, butinage –, qui leur sont assignées, sous la domination pleine de mansuétude du “roi”, n’utilisant aucune violence pour se faire obéir. Les abeilles deviennent ainsi les symboles de groupes bien gouvernés, de communautés et en particulier du couvent. ♦ L’abeille et autres insectes en Gascogne Il n'y a nulle trace des abeilles et insectes dans l’iconographie romane en Gascogne. Mais, dans la faune monstrueuse de l’Apocalypse la présence de sauterelles montre que les artistes ont cependant observé la morphologie de ces animaux. Il est aussi possible que nous n’ayons pas su les reconnaître ; par exemple, le bestiaire de Westminster représente à la fin du XIIe siècle, les abeilles comme de petits oiseaux. Les textes nous livrent cependant quelques références. Ainsi, le guide du pèlerin met - 80 - en garde le voyageur, lors de la traversée des marais et des plaines de Gascogne, contre les guêpes et les taons qui y pullulent. (130, p17) Marcabru, de son côté, constate avec plaisir, que l’hiver venu, ces désagréments disparaissent : “Les scarabées et les frelons, je ne les entends plus bruire et je ne sens plus leur mauvaise odeur à ces volatiles malveillants, car le franc hiver nous en débarrasse”. Dans une autre poésie, il compare amour et piqûre d’abeille : “Sa piqûre est plus douce que celle de l’abeille, mais plus difficile à guérir”. Il déclare aussi que “ne me font ni peur, ni mal, les abeilles et les taons”. Etrangement, il n’est fait aucune mention des bienfaits des abeilles. La production apicole a pourtant son importance dans l’économie de la Gascogne. Très tôt, les cartulaires font obligation de fournir le luminaire des églises. Ainsi, le note-t-on à Saint-Savin où le cens est perçu en cire pour la confection des cierges, dès le XIe siècle dans toutes les estives, c’est à dire dans les zones naturelles de paissance. Le cartulaire de Sorde laisse uploads/Litterature/ symbolisme-animaux-les-gallinaces-pdf.pdf

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